Dans "Indémodables" (Éditions du Chêne), Hayley Edwards-Dujardin, historienne de l'art et de la mode, remonte le fil de l'histoire de la mode.
Elle nous donne un avant-goût de ce répertoire des vêtements intemporels et des créations iconiques en vidéo.
En savoir plus https://www.hachette.fr/livre/indemodables-9782812321085
Que possède le bleu de si particulier ? Pourquoi fait-il si souvent l'unanimité ? Peut-être parce qu'il est terriblement humain dans ses contradictions.
Quelle couleur peut se targuer d'être à la fois symbole d'espoir et incarner le chagrin ? Se proclamer emblème républicain tout en ayant un passé monarchique ?
Lier le rêve et la terre ?
S'intéresser au bleu, c'est évidemment comprendre sa place dans l'art et surtout prendre conscience que cette couleur, tant estimée aujourd'hui, a mis du temps à triompher. Ce n'est qu'au Moyen Age qu'il s'est imposé, lorsqu'il a pris une connotation divine et est devenu l'attribut marial par excellence. Pendant l'Antiquité, il a pourtant fait quelques incursions notables, en Egypte notamment, mais très peu à Rome, où il était associé aux Barbares !
Contraste simultané des couleurs
Cette spécificité de la perception des couleurs est énoncée en 1839 par Michel-Eugène Chevreul. Il explique que deux couleurs sur le même fond neutre paraissent différentes si on les juxtapose. Par exemple, à côté d'un vert, un jaune semblera légèrement rouge, tandis que le même jaune placé à côté d'un rouge aura tendance à tirer sur le vert.
Observer un tableau de Vermeer, c'est imaginer tout un monde. Un univers intime et calme certes, mais c'est justement cela qui intrigue. Que peut-il bien se passer dans la vie de ses sujets ?
Du bleu au blues
Le bleu revêt parfois des habits mélancoliques. C'est la couleur du spleen, du vague à l'âme. Et n'oublions pas qu'on nomme "blues" un genre musical, exprimant tristesse et déboires, qui trouve son origine dans les chants des esclaves noirs travaillant dans les champs de coton américains.
L'optimisme de Matisse c'est le cadeau qu'il fait à notre monde malade" Louis Aragon.
Au Moyen Âge et à la Renaissance, le rose reste un rouge pâle. Il n'en est pas insignifiant pour autant car il s'illustre dans des portraits majestueux, privilège des plus riches, se parant de nuances éblouissantes. Il peut se faire viril, en cousin du rouge, ou embellir des fleurs, si essentielles dans l'iconographie religieuse, tout en aidant à la modulation des carnations.
Les archéologues ont longtemps cru que les turquoises utilisées par les Aztèques étaient obtenues grâce à des échanges commerciaux avec leurs voisins. Or, on a découvert en 2018 que ces minéraux étaient accessibles sur leur territoire. Cela remet en cause l'hypothèse selon laquelle ce n'était pas tant la couleur que la provenance de la pierre qui intéressait les Aztèques.
Pixels au pinceau
Dans les années 1880, Georges Seurat met au point une technique picturale qui consiste à juxtaposer de très petites touches. A distance, les points disparaissent, laissant place au sujet et à l'harmonie des couleurs. Seurat appelle cela le divisionnisme, mais le critique Félix Fénéon lui donnera le nom de pointillisme.
En 1956, en collaboration avec le marchand Édouard Adam et les chimistes de Rhône-Poulenc, Yves Klein met au point, grâce à une résine synthétique, un pigment pur de bleu outremer. En 1960, il dépose à l'INPI la formule de son invention, sous le nom de IKB. Pour son mariage en 1962, il fera servir des cocktails bleus !