En examinant les vieux couples, je constate que les épouses sont comme les soutiens-gorge : ce ne sont pas forcément les plus élégantes qui soutiennent le mieux.
Elle a mis ce pull à col roulé couleur crème qui ne lui va pas du tout, translucide à force d'être passé trop de fois à la machine. À travers, on voit son soutien-gorge de sport « invisible » couleur chair et on dirait qu'elle essaie de passer deux furets en contrebande.
Elle écrit des romans à couverture pastel avec des images d’escarpins ou de sacs à main. Ce sont des romans pour clubs de lectrices. Des romans de plage. De même que certaines femmes font un bébé par an, Amy Madeline publie un roman par an. Moi, je n’en ai publié qu’un, il y a quinze ans, mais il a fait un tabac. Ce qu’on appelle un classique culte. Entendez par là que c’était un roman atypique mais identifiable, et maintenant épuisé.
Bethany, au club des Lectrices, aime qu'on lise à voix haute des romans sentimentaux. Et quand je dis « sentimentaux », je parle de romans Harlequin bien imbibés d'eau de rose, de vrais romans de gare. Ses héroïnes, elle les aime dominées. De nos jours, on appellerait ça des romans de viol. Mais dans les romans de Bethany, quand un personnage masculin balance une douzaine de jupons par-dessus la tête de l'héroïne avant de la labourer comme un champ de coton, on dit qu'elle « n'en est qu'aux hors-d'oeuvre ». Honnêtement, on croirait que se faire violer, ce n'est pas pire que se prendre une tarte à la crème dans la figure : au début ça fait un choc, ça fait peut-être même un peu mal, mais une fois qu'on a goûté à la meringue de l'assaillant, on n'a plus qu'une idée en tête : en reprendre tous les jours.
« En Europe » signifie en réalité chirurgie esthétique, cure de désintoxication ou agoraphobie. La dernière de ces options est la plus terrible, car si vos finances sont mises à mal, disons par des dépenses de logement supplémentaires, des avocats en droit matrimonial et le procès que s’apprête à vous faire une voisine, le cabinet du psychiatre et les tranquillisants deviennent inabordables. Et d’après ce que j’ai entendu dire des coachs de vie, ils n’éprouvent pas une grande sympathie pour les folles qui ne paient pas leurs consultations.
Nous autres gens mariés, nous avons tous un petit rire d’époux. Un petit rire d’époux est un rire forcé que nous réservons aux moments où notre conjoint fait une gaffe que nous sommes censés trouver adorable. Moi, je fais mon petit rire d’épouse quand mon mari annonce à de nouveaux amis qu’il ne croit pas au brunch. Celui du mari de la scientologue, on doit l’entendre quand sa femme l’empêche de dire son ânerie préférée.
Tant que je continue d’écrire, elle n’a pas besoin de se dire que la vie d’un écrivain est parfois très difficile. Allons donc, pourquoi difficile ? Tout ce que tu as à faire, c’est écrire, te faire publier, et après tu recommences. Oui, mais voilà : mes trois derniers romans gisent dans un tiroir, inanimés. J’ai quarante-cinq ans. Il n’est peut-être pas trop tard pour chercher une autre occupation qui me convienne.
- J'écris toujours, mais rien n'a été publié.
- Et c'est quoi la différence? demande la joueuse de tennis.
- La différence, c'est celle qu'il y a entre jouer à Wimbledon et envoyer des balles contre la porte de ton garage.
Je passe en revue les photos sur mon iPhone et je me rends compte que si je supprime toutes celles où j'ai un double menton, j'efface du même coup toute trace de mon existence glorieuse.
Et, comme vous le savez, il est plus facile de combattre les ennemis un par un.