Le menuisier ébéniste, c’est Antonio Villafranca, il est arrivé en France en 1937 et s’est installé ici. Maman m’a dit qu’il a dû partir de l’Espagne parce qu’il ne s’entendait pas avec un certain Franco. Ce Franco, c'est un gars qu'a fait du mal à beaucoup de gens et qui n'aime personne, même pas les enfants, plein sont morts à cause de lui.
Là, j'ai pas cru maman, parce que quand on est un enfant on meurt pas, c'est évident. Alors je lui ai dit que c'est pas vrai et elle m'a répondu que c'est pas parce que je suis le plus intelligent de la France que j'ai toujours raison.
A la fin, il me dit que c'est à cause de la police qui est venue tout à l'heure, je luis réponds que je suis au courant, ma mère m'en a parlé. Alors, il se décide : le bruit court qu'on veut prendre les juifs et les emmener en Allemagne, et à Drancy d'abord. Drancy, c'est à côté de Paris, un endroit où on met tout le monde pour partir en Allemagne dans les trains. "C'est des bruits, faut pas s'affoler, mais vaut mieux prendre des précautions, c'est pour ça que je reste ici. C'est le soir qu'ils viennent, les gens sont chez eux le soir. Les inspecteurs sont pas venus chez Fêtnat, il ajoute : pas pour le moment. Alors, il vaut mieux que je me montre pas. Tout ça me dépasse. Ça sert à quoi d'être français et pas juif, si c'est pour être traité comme ça ?
C’est le père Noisiel qui a dit la messe quand mon père Albert Duval est tombé de la grue à son travail.
A l’enterrement, le père Noisiel a levé légèrement les bras, les paumes vers le haut, en disant que Dieu dans sa miséricorde accueillait un de ses fils en son sein, pour la vie éternelle.
J’étais pas mal étonné je dois dire, j’arrivais pas à comprendre comment Albert pouvait être fils de Dieu alors que c’était moi, le fils de Dieu, le père Noisiel l’avait dit le jour de mon baptême. Que mon deuxième père Albert devienne mon frère, quelque chose m’échappait, je dois l’avouer.