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4/5 (sur 2 notes)

Nationalité : Hongrie
Né(e) : 1922
Mort(e) le : 02/2014
Biographie :

Irène Hajos est née en Hongrie en 1922, elle vit une enfance heureuse dans la petite ville de Nagykanizsa, puis elle part à Budapest pour travailler dans la haute couture. Elle ne se soucie pas de politique et sa famille n'est pas pratiquante. En 1944, à vingt-deux ans, elle est déportée en Pologne, à Auschwitz. Elle survit à la sélection, au travail forcé, à la " marche de la mort "... Dès 1946, elle se marie et réussit à émigrer de Hongrie en France. Pendant cinquante ans, elle garde le silence et ne dit pas un mot de ce qu'elle a vécu ni à son époux ni à ses enfants, puis une rencontre imprévue fait basculer sa vie : elle commence alors à témoigner... Sans jamais être traumatisant, ce témoignage permet de comprendre, d'un point de vue humain, ce qu'a pu représenter la déportation. Irène Hajos évoque en effet non seulement son séjour à Auschwitz, mais également toute la période qui a suivi et qui est marquée par une très lente " reconstruction " de sa personnalité
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Bibliographie de Irène Hajos   (1)Voir plus

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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Pendant le trajet qui nous a menés à la synagogue, j'ai découvert pour la première fois les marques de mépris et même de haine des habitants de notre ville. Certains applaudissaient, riaient de nous voir encombrés de nos ballots. Je m rendais compte que des êtres humains pouvaient en rejeter d'autres, pour une raison qui ne m'apparaissait pas clairement : où était la faute ? Être juif était-il infamant ?
A partir de ce moment-là, j'ai avancé en terrain inconnu. Mes repères sociaux et relationnels étaient brouillés et ne pouvaient me servir à rien pour décrypter des situations inédites et hors de la logique habituelle.
Heureusement, certains amis de mon père ont continué à témoigner leur sollicitude envers ma famille en nous faisant passer des paquets à la synagogue, mais l'ambiance générale était hostile et ceux qui ne voulaient pas céder à l'antisémitisme étaient minoritaires et n'avaient pas de moyens d'action véritables face à la police hongroise. Ils ont sans doute eu peur pour eux au point de nous laisser partir sans regrets.
Être rejeté par quelqu'un est toujours désagréable, mais personne ne s'attend à ce que le rejet vienne des proches, des voisins, des habitants de la ville que vous considérez comme votre lieu de vie. Les policiers et gendarmes hongrois que j'avais craints et respectés parce qu'ils représentaient une loi que je pensais juste et justifiée nous traitaient maintenant comme des chiens !
Bien entendu, je sais que ce sont les Allemands qui ont décidé l'extermination des juifs, mais certains pays ont refusé de collaborer avec eux dans ce domaine. Les pays comme la Hongrie et la France, qui ont suivi et même parfois accompagné la destruction des juifs, me semblent aussi coupables que l'Allemagne. Le mal est plus grand lorsqu'il vient des amis ou de ceux que l'on a cru tels. Il s'agit d'une trahison.
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La première fis où j'ai descendu les Champs-Elysées avec un cortège officiel, je pensais à mon père qui aurait été fier de sa fille. J'étais là pour les morts de ma famille qui ne reviendraient plus, je leur offrais ma participation, modeste et tardive, à des mouvements qui luttaient pour empêcher le retour des fascismes. C'était mon cadeau, ils étaient partis en fumée dans les crématoires d'Auschwitz, moi j'étais restée en vie, je devais lutter. J'assume ma dette envers eux en participant à la vie publique française et en témoignant dans les établissements scolaires.
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Dans la mesure où les femmes qui m'entouraient étaient toutes jeunes, j'en ai conclu assez vite que ma mère et ma tante étaient mortes. Pour les hommes, je ne savais rien, jusqu'au jour où, alors que nous partions pour l'usine, un groupe nous a dépassées et l'un d'eux a crié vers moi au péril de sa vie : " Ton père et ton frère sont vivants. " Pendant toute ma déportation, cette phrase est restée gravée en moi comme un fol espoir. Je 'étais d'ailleurs pas certaine de l'avoir entendue, c'était peut-être un rêve ... qui m'a aidée à tenir.
Mais s'il avait survécu à la sélection, mon père n'est pas sorti vivant d'Auschwitz ; affecté à l'usine chimique de Buna Monovitz, à sept kilomètres, il a été blessé lors d'un bombardement allié sur l'usine le 20 août 1944. Ne pouvant plus être utile aux Allemands, il a été gazé le 25 août.
Si l'homme qui a réussi à me prévenir a pu raconter à mon père que j'étais vivante, j'espère que cela a soulagé ses derniers instants de penser que - peut-être - je survivrais à cet enfer.

Ma vie là-bas ne peut pas se raconter - humiliation, faim, fatigue - , on est abrutis et on ne peut pas vraiment penser. Quelques souvenirs émergent car ils sortent de la banalité du quotidien, ils éclairent l'horreur d'un peu d'humanité.
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M'initier à la vie française a été agréable. Le déracinement, je l'avais subi en partant à Auschwitz ; là, je mangeais à ma faim, j'avais un travail payé, j'étais libre, c'était merveilleux. Il est évident qu'arriver dans un pays dont on ne connaît pas les coutumes exige un certain apprentissage mais cela me semblait tout à fait normal de m'intégrer en adoptant peu à peu le style de vie que je voyais autour de moi.
Attendre un enfant était pour moi une très grande joie. Je voulais reconstituer la famille que je n'avais plus et qui me manquait tellement. Ils étaient quatre à être morts, j'aurais quatre enfants, me disais-je. Forcer le destin.
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Mon retour posait problème. La joie que j'avais eue par avance des retrouvailles et du réconfort de mes proches s'envolait. On ne m'attendait plus et mon retour tardif semblait suspect. J'étais seule au monde et mes tantes allaient être obligées de me prendre en charge. Pas un mot n'a été prononcé sur mes parents, mon frère ; la seule chose qui tourmentait ma famille, la seule question que l'on m'a posée m'a paru irréelle : "As-tu été violée par les Russes ?" Un déshonneur possible leur paraissait plus grave que mes souffrances. Un fossé nous séparait désormais.
[...]
Je gênais. Ma tante ne voulait pas me laisser dans un foyer, jugeant qu'elle avait une responsabilité à mon égard, mais ma présence ne lui facilitait pas la vie. L'atmosphère chaleureuse d'avant-guerre avait totalement disparu. Je me sentais coupable d'être revenue, d'autant plus que j'étais incapable de travailler pour l'aider financièrement.
Pendant la déportation, le travail m'avait maintenue en vie il m'avait souvent permis d'améliorer mes ratons alimentaires ; travailler au camp était une forme de résistance. Dans le magasin de ma tante, qui avait un commerce de luxe (maroquinerie), travailler signifiait avoir des relations avec la clientèle. Or j'étais devenue assez agressive. pendant des mois, j'avais été humiliée sans pouvoir me révolter, la rancœur accumulée me poussait maintenant à m'emporter. J'alternais les moments de dépression avec les moments de grande excitation.
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[...] il existe des personnes courageuses, généreuses et capables de dévouement dans tous les pays du monde. L'inverse est vrai aussi, malheureusement. Pour moi, la nationalité n'est pas ce qui caractérise le mieux un être humain. J'ai été une patriote hongroise convaincue et ma nation ne m'a pas protégée. Chaque individu devrait se sentir responsable de ce qui se passe dans son pays et penser que s'améliorer soi-même fait progresser l'ensemble du pays.

Je n'ai pas de haine pour un peuple particulier. Il n'est pas raisonnable d'en vouloir à un ensemble de gens, mais je ne peux pas pardonner aux dirigeants des pays qui ont tout fait pour propager la folie de l'antisémitisme à travers l'Europe, ni aux individus qui m'ont fait du mal. Ces gens, je voudrais les interroger, qu'ils me disent pourquoi ils s'en sont pris à ma famille.
Ce que je voudrais, c'est comprendre comment on peut en arriver là, comment, particulièrement, une femme peut maltraiter une autre femme. Je voudrais interroger les femmes allemandes qui se sont conduites durement avec moi, comprendre pourquoi et comment on peut devenir inhumaine, insensible à la souffrance des autres.
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Ma famille était libérale, c'est-à-dire que la religion et les traditions juives passaient après la volonté de faire partie d'une élite sociale capable de faire progresser la Hongrie.
A côté des juifs orthodoxes traditionalistes ou de ceux qui prônaient le statu quo, nous appartenions au courant "néologue" qui désirait l'assimilation. Nos prénoms le signifiaient bien : mon frère aîné portait le prénom de l'empereur (François-Jospeh), mon prénom, Irène, et celui de mon frère, Tibor, n'étaient pas issus de la tradition juive. La famille de ma mère était toutefois assez conservatrice et le sentiment religieux s'exprimait de manière plus apparente chez mes grands-parents maternels. Ma mère avait tendance à se réfugier dans un conformisme qui la sécurisait ; mon père haussait les épaules quand il la voyait faire !
Jamais nous n'avons parlé le yiddish ni l'hébreu.
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J'ai toujours hésité à montrer ces photos car il est très difficile de confronter son histoire à celle des autres. Chacun a vécu la déportation de manière différente et quelque fois j'ai l'impression qu'il existe une concurrence entre les anciens déportés. C'est à celui qui a le plus souffert.
Je considère que tous les déportés ont subi moralement le même effroyable supplice. Physiquement, certains ont été à plus rude épreuve que moi. Ma bonne santé de départ et mon âge m'ont permis de récupérer très vite. Les gens ont besoin d'images frappantes, il faut que l'horreur soit "visible" pour que personne ne puisse douter de ce que vous avez vécu. Un charnier, des squelettes ambulants, ce sont des images plus retables pour parler de la souffrance qu'une jeune fille en robe d'été, même si elle sort de l'enfer.
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Mon frère réclamait souvent à manger, moins par faim véritable, sans doute, que pour rassurer et tromper son inactivité. A plusieurs reprises, j'ai refusé qu'il se serve. Ma prudence et mon souci d'économiser la nourriture étaient pitoyables compte tenu de la suite des évènements.
Je repense souvent à ce moment et ne me pardonne pas de ne pas lui avoir offert ce réconfort. Sans doute parce que c'est le dernier moment que j'ai passé avec lui ; je ne l'ai jamais revu après l'arrivée au camp. J'ai su plus tard qu'il avait survécu à la sélection et au travail du camp. Il a été abattu avec notre cousin pendant la " marche de la mort ", en janvier 1945.
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Je n'ai pas la prétention de parler au nom des autres, je veux seulement que l'on me laisse parler en mon propre nom. Je considère que mon témoignage est comparable à celui d'une juive française ou italienne ou polonaise qui aurait été déportée dans les mêmes conditions que moi, c'est-à-dire déportée comme juive. Maintenant, je suis française et je témoigne donc en France. Je souhaiterais que les femmes des autres pays européens qui ont subi cette même épreuve témoignent elles aussi (y compris en Hongrie).
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