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Chantal Gerbaud (Éditeur scientifique)
EAN : 9782748504187
128 pages
Syros (14/09/2006)
4/5   2 notes
Résumé :

Irène Hajos est née en Hongrie en 1922, elle vit une enfance heureuse dans la petite ville de Nagykanizsa, puis elle part à Budapest pour travailler dans la haute couture. Elle ne se soucie pas de politique et sa famille n'est pas pratiquante. En 1944, à vingt-deux ans, elle est déportée en Pologne, à Auschwitz. Elle survit à la sélection, au travail forcé, à la " marche de la mort "... Dès 1946,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
C'est une voix très vraie et mesurée que l'on peut lire dans ce témoignage d'Irène Hajos, une jeune Hongroise née juive et déportée en 1944.

De mémoire, je ne me souviens pas avoir lu des propos aussi mesurés dans un autre témoignage. Irène Hajos témoigne de son histoire avec simplicité et franchise et une sagesse de l'expérience qui fait qu'on se dit parfois que ça aurait pu être notre grand-mère !
L'intérêt de son témoignage, en dehors du fait que son regard est croisé avec celui de Chantal Gerbaud (ancienne professeur d'histoire-géographie devenue principale) est que cette rescapée aborde des thèmes "qui fâchent" et ne se contente pas de parler de son expérience de la déportation qui ne prend "qu' " un quart du récit. Elle nous parle d'abord de sa vie de jeune Hongroise avant la guerre. La Hongrie, une patrie à laquelle sa famille est très attachée bien plus qu'à la religion qui fait bien sourire lorsque la matriarche conservatrice tente d'en parler. Puis elle parle de la vie après Auschwitz, de la dépression et d'une vie en apparence "normale" pour s'accrocher à quelque chose et aller de l'avant. Oui, de beaux voeux pieux : mais comment peut se passer un retour à la vie quand on revient d'un royaume de morts ?
Elle explique aussi très clairement pourquoi elle, en tant qu'individu s'est sentie coupable d'être revenue, et pourquoi certains juifs rescapés se sont sentis (comme elle) honteux d'avoir été des victimes pendant cette guerre. Avec des mots qui ne mettront pas tous le monde d'accord ; mais pour sûr, comme tous arguments, ils doivent être entendu - en regard avec d'autres - pour se faire une opinion sur la question.
Et pour être sûre que toutes les dents vont grincer, elle parle aussi de la "concurrence" malsaine qui a pu s'installer entre certains déportés.

Pourtant, à aucun moment Irène Hajos ne juge. Elle interpelle, interroge, questionne, se remémore tendrement les membres de sa famille - notamment son père qui a longtemps survécu et qu'elle a eu longtemps l'espoir de revoir. A aucun moment elle ne met "tout le monde dans le même sac" ce qui donne bien sûr beaucoup de poids à ses mots très pertinents.

Un témoignage incontournable qui n'a pas (et n'a pas eu) l'écho qu'il mérite, non seulement pour ce qu'il y est dit, mais pour la réflexion plus poussé qu'il apporte sur l'utilité et l'utilisation du témoignage dans l'historiographie, et le dossier rédiger par Chantal Gerbaud est aussi très bien construit et peut servir de base à une discussion sur le sujet avec des lycéens.

Une lecture qui m'a beaucoup émue et que j'ai découvert grâce aux suggestions de Babelio.
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critiques presse (1)
Lecturejeune
01 mars 2007
Lecture jeune, n°121 - Le témoignage d’Irène Hajos, rescapée d’Auschwitz, se compose de quatre parties : avant, pendant, après la déportation et aujourd’hui. Née en Hongrie en 1922 dans une famille juive non pratiquante, Irène vit une enfance heureuse et insouciante. L’invasion allemande de 1944 va bouleverser sa vie. Déportée en Pologne, elle survit au travail forcé et à la « marche de la mort ». De retour dans son pays puis immigrée en France, elle se mure dans le silence. Une rencontre avec d’anciens déportés lui fait prendre conscience de l’importance de témoigner. Ce livre permet de comprendre la déportation, mais aussi la difficulté de survivre après un tel traumatisme, ainsi que le malaise et la culpabilité des rescapés. Réseau de lecture : sur le même thème, on pourra lire le roman de l’Italien Primo Levi Si c’est un homme (Pocket, 1988) et les deux albums BD de l’Américain Art Spiegelman Maus (Flammarion, 2004). ndlr Sophie Gentier
Lire la critique sur le site : Lecturejeune
Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Pendant le trajet qui nous a menés à la synagogue, j'ai découvert pour la première fois les marques de mépris et même de haine des habitants de notre ville. Certains applaudissaient, riaient de nous voir encombrés de nos ballots. Je m rendais compte que des êtres humains pouvaient en rejeter d'autres, pour une raison qui ne m'apparaissait pas clairement : où était la faute ? Être juif était-il infamant ?
A partir de ce moment-là, j'ai avancé en terrain inconnu. Mes repères sociaux et relationnels étaient brouillés et ne pouvaient me servir à rien pour décrypter des situations inédites et hors de la logique habituelle.
Heureusement, certains amis de mon père ont continué à témoigner leur sollicitude envers ma famille en nous faisant passer des paquets à la synagogue, mais l'ambiance générale était hostile et ceux qui ne voulaient pas céder à l'antisémitisme étaient minoritaires et n'avaient pas de moyens d'action véritables face à la police hongroise. Ils ont sans doute eu peur pour eux au point de nous laisser partir sans regrets.
Être rejeté par quelqu'un est toujours désagréable, mais personne ne s'attend à ce que le rejet vienne des proches, des voisins, des habitants de la ville que vous considérez comme votre lieu de vie. Les policiers et gendarmes hongrois que j'avais craints et respectés parce qu'ils représentaient une loi que je pensais juste et justifiée nous traitaient maintenant comme des chiens !
Bien entendu, je sais que ce sont les Allemands qui ont décidé l'extermination des juifs, mais certains pays ont refusé de collaborer avec eux dans ce domaine. Les pays comme la Hongrie et la France, qui ont suivi et même parfois accompagné la destruction des juifs, me semblent aussi coupables que l'Allemagne. Le mal est plus grand lorsqu'il vient des amis ou de ceux que l'on a cru tels. Il s'agit d'une trahison.
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Dans la mesure où les femmes qui m'entouraient étaient toutes jeunes, j'en ai conclu assez vite que ma mère et ma tante étaient mortes. Pour les hommes, je ne savais rien, jusqu'au jour où, alors que nous partions pour l'usine, un groupe nous a dépassées et l'un d'eux a crié vers moi au péril de sa vie : " Ton père et ton frère sont vivants. " Pendant toute ma déportation, cette phrase est restée gravée en moi comme un fol espoir. Je 'étais d'ailleurs pas certaine de l'avoir entendue, c'était peut-être un rêve ... qui m'a aidée à tenir.
Mais s'il avait survécu à la sélection, mon père n'est pas sorti vivant d'Auschwitz ; affecté à l'usine chimique de Buna Monovitz, à sept kilomètres, il a été blessé lors d'un bombardement allié sur l'usine le 20 août 1944. Ne pouvant plus être utile aux Allemands, il a été gazé le 25 août.
Si l'homme qui a réussi à me prévenir a pu raconter à mon père que j'étais vivante, j'espère que cela a soulagé ses derniers instants de penser que - peut-être - je survivrais à cet enfer.

Ma vie là-bas ne peut pas se raconter - humiliation, faim, fatigue - , on est abrutis et on ne peut pas vraiment penser. Quelques souvenirs émergent car ils sortent de la banalité du quotidien, ils éclairent l'horreur d'un peu d'humanité.
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Mon retour posait problème. La joie que j'avais eue par avance des retrouvailles et du réconfort de mes proches s'envolait. On ne m'attendait plus et mon retour tardif semblait suspect. J'étais seule au monde et mes tantes allaient être obligées de me prendre en charge. Pas un mot n'a été prononcé sur mes parents, mon frère ; la seule chose qui tourmentait ma famille, la seule question que l'on m'a posée m'a paru irréelle : "As-tu été violée par les Russes ?" Un déshonneur possible leur paraissait plus grave que mes souffrances. Un fossé nous séparait désormais.
[...]
Je gênais. Ma tante ne voulait pas me laisser dans un foyer, jugeant qu'elle avait une responsabilité à mon égard, mais ma présence ne lui facilitait pas la vie. L'atmosphère chaleureuse d'avant-guerre avait totalement disparu. Je me sentais coupable d'être revenue, d'autant plus que j'étais incapable de travailler pour l'aider financièrement.
Pendant la déportation, le travail m'avait maintenue en vie il m'avait souvent permis d'améliorer mes ratons alimentaires ; travailler au camp était une forme de résistance. Dans le magasin de ma tante, qui avait un commerce de luxe (maroquinerie), travailler signifiait avoir des relations avec la clientèle. Or j'étais devenue assez agressive. pendant des mois, j'avais été humiliée sans pouvoir me révolter, la rancœur accumulée me poussait maintenant à m'emporter. J'alternais les moments de dépression avec les moments de grande excitation.
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La première fis où j'ai descendu les Champs-Elysées avec un cortège officiel, je pensais à mon père qui aurait été fier de sa fille. J'étais là pour les morts de ma famille qui ne reviendraient plus, je leur offrais ma participation, modeste et tardive, à des mouvements qui luttaient pour empêcher le retour des fascismes. C'était mon cadeau, ils étaient partis en fumée dans les crématoires d'Auschwitz, moi j'étais restée en vie, je devais lutter. J'assume ma dette envers eux en participant à la vie publique française et en témoignant dans les établissements scolaires.
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[...] il existe des personnes courageuses, généreuses et capables de dévouement dans tous les pays du monde. L'inverse est vrai aussi, malheureusement. Pour moi, la nationalité n'est pas ce qui caractérise le mieux un être humain. J'ai été une patriote hongroise convaincue et ma nation ne m'a pas protégée. Chaque individu devrait se sentir responsable de ce qui se passe dans son pays et penser que s'améliorer soi-même fait progresser l'ensemble du pays.

Je n'ai pas de haine pour un peuple particulier. Il n'est pas raisonnable d'en vouloir à un ensemble de gens, mais je ne peux pas pardonner aux dirigeants des pays qui ont tout fait pour propager la folie de l'antisémitisme à travers l'Europe, ni aux individus qui m'ont fait du mal. Ces gens, je voudrais les interroger, qu'ils me disent pourquoi ils s'en sont pris à ma famille.
Ce que je voudrais, c'est comprendre comment on peut en arriver là, comment, particulièrement, une femme peut maltraiter une autre femme. Je voudrais interroger les femmes allemandes qui se sont conduites durement avec moi, comprendre pourquoi et comment on peut devenir inhumaine, insensible à la souffrance des autres.
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