Elle trouve l’époque plus violente que celle de ses vingt ans, impitoyable même… Elle voudrait pouvoir corriger cette injustice, offrir à ses enfants un monde plein d’espoir. À aucun moment, elle n’envisage que cette époque est aussi celle que sa génération a bien voulu en faire. Elle est femme, alors elle n’a jamais pensé qu’elle pouvait influer sur autre chose que sur son propre destin et celui de ses proches.
Marie de Sévigné sourit en retour à sa fille. Non, elle n’a aucune envie de se baigner. Elle veut uniquement contempler, admirer comme un tableau, cette beauté qui ne cesse de la stupéfier. La pureté des lignes, la plénitude douce de la chair, la peau nacrée par les reflets d’eau et de soleil, la maladresse gracieuse des mouvements… Elle-même a dû posséder un peu de tout cela il y a vingt ans, mais, à ce point de perfection, jamais. Elle n’en revient pas d’être à l’origine d’une telle merveille.
Le visage défait de sa mère, cette blessure violente, nue, qu’elle expose sans pudeur, c’est insupportable :
– N’ajoutez pas à mon sacrifice l’expression de votre chagrin.
Marie est trahie, désemparée. Et si elle n’avait jamais envisagé de repartir avec elle ? Pourquoi l’avoir fait attendre ?
– Pourquoi ne m’avoir rien dit ?
– Vous n’écoutez jamais que ce que vous voulez entendre. Ne vous étonnez pas qu’on ait du mal à vous parler.