« Évoquer Adelina a fait ressurgir toutes ces peurs que je croyais enfouies. Liz me provoque. Elle veut une vérité que je n’ai pas la force de lui donner. Je crois avoir compris sa mère plus qu’elle, l’avoir aimé plus aussi. Est-ce vraiment possible ? Je sens tellement de maladresse dans ses sentiments. Pourra-t-elle un jour changer ? Pourra-t-elle un jour être heureuse ? »
Vu de l'extérieur, rien ne nous laissait présager que nous allions trouver un corps en décomposition dans cet appartement de la rue Collinet. Moulures aux fenêtres, géraniums roses et rouges sur chaque rebord, à deux pas du centre-ville, ce coin parait baigner dans la tranquillité.
L'immeuble à la façade jaune pâle est composé de deux logements. Celui de Charlotte Berthou, notre victime, se situe au rez-de-chaussée. À l'étage, les propriétaires, âgés d'une soixantaine d'année, avaient remarqué que depuis un jour ou deux, leur chienne n'arrêtait pas d'aboyer à chaque fois qu'elle passait devant la porte du bas. Inquiets, ils avaient frappé plusieurs fois sans réponse. Ont cru que Charlotte Berthou partie en vacances. Mais il leur a bien fallu se rendre à l'évidence. Alerté par l'odeur inhabituelle qui émanait du logement, M. Roussel a décidé de nous contacter ce mardi.
- La nouvelle et Gabin, vous venez avec moi.
Deux mois que j'ai intégré cette brigade dans les Vosges, mais je reste « la nouvelle ». Jusqu'à la prochaine recrue sans doute. [...]
En ce mardi, la tension dans cette gendarmerie de province est palpable. La découverte d'un cadavre, ça n'arrive pas tous les jours. Et c'est moi qu'on choisit pour se rendre sur les lieux. [...]
Après une vingtaine de minutes, la route devient chemin de terre et nous arrivons sur la scène de crime, au cœur de la forêt de Fossard. [...]
Notre victime a environ vingt-cinq ans. Une traileuse. Bonde, les cheveux tenus par un bandeau rose fluo. Elle porte un brassard où elle a rangé son téléphone. L'application qui lui permet de mesurer ses performances tourne dans le vide depuis trois heures. Le meurtrier lui a assené plusieurs coups de couteau dans le ventre.
Dans une vie à laquelle je ne trouve que peu de saveur. Je détourne mes pensées de tout ça en marchant ou en courant dans la forêt, en lisant un bon bouquin. J’essaie de leurrer mon esprit en lui faisant croire que je vais bien. Mais la carapace dans laquelle je me suis souvent réfugiée n’est plus suffisante et personne n’est dupe