Monstre en neuf lettres
J'entends un cri monstrueux
Et sens la douleur du silence.
Je me réveille et me lève.
Je saisis le miroir et vois
que le monstre, c'est mon visage.
Ich höre einen ungeheuerlichen Schrei
Und fühle den Schmerz des Schweigens.
Ich wache auf und stehe auf
Ich ergreife den Spiegel und sehe
daß mein Gesicht, das Ungeheuer ist.
p.93, Soupirs
Un étrange silence règne sur la place. Le temps semble avoir mis le présent entre parenthèses. La lune transperce faiblement le manteau de la nuit. On dirait qu'elle n'ose regarder. Ce soir, la lune voudrait ne pas avoir à être complice de ce qu'elle tente de cacher. Les chiens sont partis, repus. Ils n'ont laissé que le crâne, les pieds et les paumes des mains.
p.44
Je ressens parfois l'envie douloureuse de me retrouver au milieu d'un bois, avec pour toute compagnie les arbres autour de moi, pour tout accompagnement sonore le clapotement de la pluie qui tombe sur leurs cimes.
p.64 Entre les lignes
Moi,je me demande comment on peut justifier le sacrifice du fils.Par le repentir collectif, par des " ay ay ay " de saetas lancés pendant les processions?
Œdipe a brisé la chaîne et,même si il a été châtié pour cela, il a montré que la mort du fils n’est pas une fatalité.
(...) J'avais compris que mon père ne deviendrait pas vieux. Je m'étais faite à l'idée de le perdre (...)
Bien sûr, mais il a fallu soutenir ma mère (...) Elle a changé. Elle est devenue craintive, un peu geignarde aussi (...) Non, elle continuait de travailler. Mais c'était différent. Elle portait sa vie comme une croix. (...) Cela me pesait, oui. J'étais jeune, je voulais me battre.
"Mono no aware"* signifie "caractère poignant des choses fugitives", comme la tristesse douce, nostalgique, qui vient quand on regarde tomber les feuilles de cerisier.
* Kajiro Yamamoto
p.142, Au lecteur
Celui qui a échappé à la mort plus d'une fois mais n'a pas échappé à l'angoisse de mourir ne peut plus penser à vivre. Fuir cette mort est devenue une idée fixe.
p.20
"Ne vous hâtez jamais. Ainsi vous ne rendrez le dernier soupir qu'à la dernière minute.", Maurice Donnay
p.82
Je ne pourrai jamais dire combien un homme qui a vécu une solitude aussi profonde que la mienne est un exilé en ce monde. Il a compris que l'espoir se réduit à l'obsession de survie. Cette obsession, je l'ai vécue jusqu'à l'épuisement, jusqu'à l'extermination de tout ce qui pouvait s'y opposer.
p.21
Personne n'est un étranger sur la terre qu'il a fertilisée et cultivée.