Citations de Ivan Segré (36)
La liberté d’expression n’existe que quand on l’applique aux propos qu’on réprouve
L’antisémitisme était une forme singulière du racisme, le nouvel antisémitisme est une forme singulière de l’antiracisme
Qu’est-ce que la « fidélité à une collectivité particulière » ? S’il s’agit d’une affection particulière à un homme particulier, lié à une collectivité particulière, cela est respectable et finalement indifférent. S’il s’agit, en revanche, d’un mot d’ordre politique, alors c’est le symptôme d’un renoncement. C’est en effet renoncer à inscrire dans l’histoire une forme politique de l’universel
L’art du saut de carpe, du punch du kangourou, de la discrétion de la gazelle et l’innocence de la colombe. L’intellectuel translucide, en regard, est un animal laborieux
la loi est ce qui régule la relation inégalitaire, par principe, entre un maître des lieux et son hôte. L’hospitalité sous condition, telle est donc la loi de la classe dominante, comme elle est la loi de la nation ethnique
Oui, l’éthique est en dehors de la loi : elle est une autre relation que celle qui s’établit entre le gardien de l’intérieur et l’homme de l’extérieur, une autre relation que celle du maître des lieux à son hôte
5. « La politique à l'égard de l'islam, en France et au-delà en Occident, se résume donc en ces quelques mots : tolérance minimale à l'égard du prolétariat arabo-musulman ; tolérance maximale à l'égard des émirs du pétrole et du gaz. Et c'est de l'extension d'une telle politique à tout le Moyen-Orient que résulte le "malheur arabe", lequel a pour visage, outre le "déficit démocratique", un stigmate reconnaissable entre tous : le Moyen-Orient est la région la plus inégalitaire de la planète. C'est de ce "malheur", porté à son paroxysme par les interventions occidentales in Irak, puis la guerre civile en Syrie, que sortit Daech, l'ennemi "djihadiste". » (p. 172)
Ce que je sais en revanche, c’est qu’il suffirait que l’enfant ne porte pas de kippa pour que l’auteure ne s’arrête pas pour le regarder. Sans kippa, en effet, il ne serait pas « Juif », il serait… « blanc ». Un enfant comme il y en a tant d’autres en France. Et alors l’auteure le croiserait au pire indifférente. C’est pourquoi j’y reviens, et j’y insiste : demandez aux Inuits, aux Dogons, aux Tibétains, et croyez-moi, ils vous diront que cette « indigène » qui prétend parler en leur nom, elle a le visage pâle. Mais fort heureusement, pas plus qu’elle n’est la porte-parole des Inuits, des Dogons ou des Tibétains, Houria Bouteldja n’est la porte-parole des arabes, des musulmans ou des Palestiniens. Elle n’est que la porte-parole du « possible prélude de sa ruine intérieure ». Il ne tient cependant qu’à elle d’en conjurer le cours et de nous rejoindre, nous qui sommes issus de toutes les « races » et partageons un même axiome : lorsqu’un adulte porte un sale regard sur un gosse, pour la seule raison que ce gosse est juif, noir, arabe, indien, jaune ou que sais-je, on n’est pas « juste avant la haine », on est « juste après ». C’est le b-a.ba de l’amour révolutionnaire, outre que la terre est bleue comme une orange.
il est impossible qu’un nom politique soit celui d’une identité
la question n’est celle du premier occupant dans l’histoire des sociétés humaines que relativement à l’appropriation rapace d’un bien naturel, ou relativement au mythe de l’autochtonie. Dans les termes du rationalisme révolutionnaire, en revanche, la question est toujours celle du type de relation sociale qu’on contribue à instituer, à pratiquer et à développer, et non celle de l’origine, de l’ethnie, de la croyance et du sexe
l’émancipation collective est la chose la plus utile à l’émancipation singulière, et vice versa
Par « révolution », j’entends une politique dont la finalité est la disparition de la servitude et de la domination dans la structure même du social
Si bien que le Juif de l’étude et le philosophe pouvaient à présent conclure d’une voix, au sujet d’Auschwitz, que la pitié la plus essentielle à l’égard des victimes (…) réside, toujours, dans la continuation de ce qui les a désignés comme représentants de l’Humanité aux yeux des bourreaux
Examiner le discours de l’intellectuel dit "communautaire", c’est donc prendre connaissance de ce que la pensée la plus réactionnaire aujourd’hui autorise, parfois recommande, plus souvent exige, en terme de "défense du sionisme" ou de "lutte contre l’antisémitisme". Et s’en moquer.
4. « Il est certes avisé de reconnaître que certains musulmans "confondent le livre avec un manuel de terreur, et la lecture avec une grimace sanglante" [Jean Birnbaum], mais il est donc à craindre que leur "terreur" comme leur "grimace" soient l'image réfractée d'une force idéologique et militaire dont il importe d'examiner d'abord les déterminations économiques. Car au Moyen-Orient, depuis 1945, la détermination en dernière instance n'est pas l'islam (ou le "djihadisme"), mais bien le pétrole, énergie fossile autour duquel gravitent les forces idéologiques, économiques et militaires les plus obscures, les plus rapaces, les plus criminelles et peut-être, en définitive, les plus semblables. C'est pourquoi, aux yeux d'un marxiste, nommer le djihadisme et souligner avec insistance "la force autonome de l'élan spirituel" sans nommer le pétrole, objet de toutes les convoitises, source de toutes les énergies, cela revient à s'interdire de combattre "l'ennemi", sinon de manière illusoire. » (pp. 126-127)
3. « […] faisons l'hypothèse que la jouissance féminine est le ressort, à la fois rationnel et mystique, d'une praxis révolutionnaire. Autrement dit, faisons l'hypothèse d'un lien secret entre la structuration inégalitaire et prédatrice de l'échange marchand sous condition du capital et la jouissance masculine (phallique). Comme si, au fond, pudibonderie patriarcale et pornographie libérale faisaient cause commune. Alliance d'un fantasme d'absolu (la trique) et d'un risible réel (l'opium) dont la jouissance féminine serait l'antidote. » (p. 89)
2. « La différence entre la terreur socialiste et la terreur capitaliste fut donc, en résumé, la suivante : la dictature socialiste fut une terreur policière s'exerçant principalement sur le peuple national, c'est-à-dire le peuple habitant le territoire sur lequel s'exerce le pouvoir de l’État ; la démocratie sous condition du capital fut une terreur impérialiste s'exerçant principalement sur des peuples étrangers, habitants des territoires étrangers. Il y a ainsi d'un côté le terrorisme d’État, policier et territorialisé, de l'autre le terrorisme du capital, impérialiste et déterritorialisé. À titre d'illustration, comparons la Chine et les États-Unis : la Chine est gouvernée par un parti unique, dictatorial, tandis que les États-Unis sont un modèle de démocratie ; mais tandis que la Chine dispose d'une seule base militaire à l'extérieur de ses frontières, à Djibouti, "les États-Unis disposent du plus grand contingent militaire à l'étranger : près de 200.000 hommes répartis dans 800 bases et 177 pays à travers le monde". » (pp. 70-71)
1. « De 1984, date de la suppression du "chef de famille" dans le droit civil, à 2004, date du vote de la loi dite du "foulard", vingt ans se sont écoulés. Est-ce que la seconde décision est la suite logique de la première ? Ou est-ce que la suppression de la référence au "pater familias" de la Rome antique est un progrès social, tandis que la loi interdisant le voile et la kippa dans les écoles de la République est une transgression, et comme une rémanence coloniale, sinon le retour d'un refoulé xénophobe ? » (p. 54)
Si le sous-titre du livre précise le domaine d’investigation, son titre est en revanche plus énigmatique. Mais il suffira au lecteur de garder à l’esprit que le « sioniste » que j’étais, vêtu de noir et blanc dans Jérusalem enneigée, n’était peut-être pas sans ressembler, vu de loin, à un pingouin… Restait à s’approcher davantage, jusqu’à pouvoir distinguer l’homme de l’animal
La Shoah faisait dorénavant pendant à la Nakbah, le rêve des uns devenant le cauchemar des autres…