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Citations de Jacques-Émile Blanche (36)


Jean Dolent écrit : « Paul Gauguin parlait de tout avec assurance ; il parlait un peu bas de ce qui il entendait mal, disant n'avoir pas « de lettres », attendant peut-être de nous une objection que notre imparfaite éducation et aussi notre malice lui laissaient parfois attendre assez longtemps. »
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Gauguin est venu à Dieppe, non chez son ex-beau frère Thaulow, mais incognito. Je bavais vu passer sous mes fenêtres, au Bas-Fort-Blanc, allant peindre, dans les rochers, les parcs à poissons. Si Thaulow m’engageait à ne pas lui parler, l’aspect de Gauguin ne me sollicitait point, d’ailleurs. Sa curieuse physionomie (dont nous avons de beaux portraits par lui-même), l’extravagance de sa mise, et un certain air hagard, que trop de fois mon père m’avait indiqués comme les signes de la mégalomanie, m’éloignaient de lui. Si cet homme-là n’était pas un fou, il devait être un client de ces brasseries moyenâgeuses où nous allions, dans le quartier Pigalle, avec des poètes.
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Berthe Morisot, l'arrière petite-nièce de Fragonard, n'est-ce pas Madame? a grandi dans les élégances modestes de. ce vieux Passy, entre des pavillons des XVIIe et XVIIIe siècles et ces maisons à un ou deux étages, blanchies et couvertes en tuiles, qu'ont fait tour à tour disparaître les immeubles qui les remplacent toutes, ou presque, aujourd'hui. Déjà des cubes de pierre de taille s'accumulaient près des échafaudages, quand, certain jour de 1867, mademoiselle Marguerite, me ramenant par la rue Franklin, dur cimetière où nous avions porté des fleurs, présenta le tout petit garçon que j'étais à « mademoiselle Berthe », qui, assise sur un pliant, peignait au pastel en plein air.
— Monsieur Manet est là, à la fenêtre de monsieur X..., dit-elle.
J'entendais pour la première fois, sans doute, le nom de votre oncle Édouard.
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Fantin, a-t-on dit, est le peintre de la bourgeoisie sérieuse et intellectuelle. En effet, c'est à cette saine et forte classe, honneur du XIX^ siècle, qu'il se rattache par bien des liens. Certains traits significatifs de son caractère, de sa pensée, sont d'un petit bourgeois élevé dans les idées voltairiennes, « libéral », admirateur de Michelet, encore un peu romantique et berliozien, aux goûts simples, point voyageur, infatigable liseur, passionné et timide, ennemi des gouvernements quoique partisan de l'ordre. Certains de ses amis, de même origine, se transformèrent au cours de leur existence, ou du moins les contacts extérieurs modifièrent leurs habitudes et les succès, leur situation.
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Quel désordre mental chez ces foules qui, le même jour, vont du Jeu de Paume à l'Orangerie des bords de la Seine et, sans doute, admirent avec la même docilité Fragonard et M. Matisse ! Les Indépendants se réclament des maîtres d'autrefois. Ils ont leur Fragonard aussi bien que leur Giotto, Leurs sources d'inspiration sont hétéroclites, souvent si loin d'eux qu'on se demande quel chemin les y conduit. Nous perdons pied à les suivre, dans leur course à l'originalité. On dirait qu'ils rejettent tous les jougs et, en même temps, cherchent la rampe où appuyer leur main tremblante ; tout le mal qu'on prendrait à essayer d'avoir du talent, ils se le donnent pour mal faire, gênés et lassés par leur habileté native dont il semble qu'ils aient honte.
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Encore un tableau de la même période: le Veuf. Un homme effondré, désolé, fouille dans les dentelles et les menus objets de la femme dont il
porte le deuil, comme perdu dans la chambre vide où il a aimé. Je n'ai pas revu, depuis lors, cette toile qui m'avait tant ému. Il me semble que de beaux noirs mats appuyaient des roses et des bleus tendres. Forain, alors, déchiquetait de petites touches allongées, dans une pâte assez semblable à celle que Berthe Morisot et Éva Gonzalès tenaient de leur maître Manet, mais l'exécution était plus grêle.
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De Forain, classé parmi les caricaturistes, depuis si longtemps qu'il sème sans compter la graine de son esprit, les lecteurs de journaux n'ont retenu que des légendes dures, cinglantes, cocasses, ou gentilles et familières, commentant les rapides croquis dont le public ignore la rare valeur d'art et la science. Chez Forain, la concision du trait, grêle autrefois, aujourd'hui appuyé, large comme l'entaille d'une latte de fer, n'a toute sa signification que pour ceux-là qui comprennent la forme et combien, ramassée sur une petite surface, une ligne noire sur du blanc exprime de sentiments et de choses.
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Mes notes sur Degas, que M. Fosca trouve « décevantes », Degas vivait encore, quand je les donnai à la Revue de Paris. Voilà le mystère de mon embarras éclairci ! Tout au contraire de vous, mais presque autant, Degas, le solitaire hautain et inquiet sur sa propre valeur, terrorisait ceux qui l'aimaient; ainsi, de deux grands artistes modestes et justement orgueilleux à la fois, celui qui prenait un masque de diable Papou, afin de faire le vide autour de lui, n'a pas si bien réus$i à écarter ses zélateurs que -celui qui, dans ses rapports avec autrui, n'est que grâce, prévenance, gentillesses et délicates intentions.
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Quelles limites fixer à la ressemblance, pour le portraitiste? Quelles bornes à l'usage licite de la franchise, à l'exercice d'un peintre vrai, ou, encore plus, d'un moraliste? Vous avez bien marqué dans votre préface à mon livre, que je l'avais requise de vous, cette étude ; elle avait donc un peu d'une « commande », comme nous disons? Précisément, « commande » implique flatteries, et retouche, — pense le client ordinaire.
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Il paraît que c'est un « bon Salon ». Telle fut la première impression de ces Messieurs de la critique pendant que l' « on accrochait ». Peutêtre cette favorable opinion de nos juges est-elle due aux excès des milliers d'études de couleur et de systématique déformation, dont les autres Sociétés nous abreuvent. S'apercevraient-ils que, s'il est toujours rare de découvrir un réel don de coloriste ou de dessinateur — car la déformation ne devrait résulter que d'un sentiment inné de la forme, d'une vision individuelle des objets — il est deux mille cinq cent vingt-huit paires d'yeux à Paris, cinq cent mille à l'étranger, qui voient les couleurs à la mode, et autant de mains pour dessiner à la façon de Cézanne, de Lautrec ou de Matisse ?
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Si quelques-uns se plaignent qu'en peinture les modes changent trop souvent, depuis le milieu du siècle dernier, que dira-t-on de la musique ?
Cet art est, pour nous, relativement jeune ; nous n'avons accordé notre attention qu'à ses formules modernes et c'est à peine si, avant de récents essais, dont la Schola Cantorum peut être fière, nous connaissions les ouvrages antérieurs à ceux de Bach. Nous vivons, en France, dans la musique moderne et même la plus limitée, confessons-le, une bonne fois, et sans honte. Les maîtres classiques, nous les vénérons, oui, si, le soir, las des plus récentes publications amassées sur le piano, nous sommes décidés à agiter nos doigts ; c'est à Beethoven ou à Mozart que nous demanderons un instant de distraction ; mais c'est une pure gymnastique, un travail hygiénique auquel certain esprit se plaît par discipline.
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Le Jardin bleu. — J'aurais pourtant voulu fixer, avec mes pinceaux, le souvenir du jardin bleu, car mes amis sont parvenus à en faire un, et quel jardin bleu. Les murs de l'enclos où cette fête des yeux est offerte, on les a badigeonnés d'un bleu très clair, qui se confond avec le ciel, et cette muraille d'azur est en face d'un massif de sombres arbustes, bleutés par les vapeurs de la Tamise.
Partageant ce rectangle fleuri, un chemin dallé de plaques irrégulières de marbre, conduit d'une vieille grille, en fer forgé, à la porte du verger, qu'ornent des figures de Della Robbia.
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Une toile blanche, très fine, sans grains. Manet, assis en face de son motif, semble avoir enduit la toile d'une légère couche d'huile qu'il essuie avant d'attaquer le morceau; huile étendue de façon que chaque touche du pinceau de martre glisse comme le pinceau à l'aquarelle. Cette touche, une fois posée, à peine reliée à la voisine; cette pâte liquide mais dense, dont la justesse du ton fait toute la solidité; cette touche laissée telle quelle, onctueuse, souple, ferme, n'interceptent pas la respiration de sa toile, n'en « bouchent » pas les pores.
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Rien de plus mystérieux que les rapports d'une oeuvre d'art et du public qui l'interroge. Une image rare, une épithète me touche, quand pour vous elle n'évoque rien de précis; elle vous semble pauvre, alors qu'elle m'enrichit. De même y a-t-il dans la peinture des assemblages de tons qui ravissent, de l'inattendu qui peut agir sur le spectateur comme des vers ou de la prose sur le lecteur sensible.
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S'il est une peinture dont il semble épineux de parler en ces temps de recherches intellectuelles et de théoriciens, c'est bien celle de Manet: on n'explique pas en quoi réside la qualité d'une peinture; ni une technique cérébrale. Pour un prosateur ou un poète; du moins, sur des textes, analysera-t-on le système de leur syntaxe, le rythme de leurs périodes, les éléments qui y entrent, l'intervention de leur pensée et du hasard dans le concert que jouent les mots.
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C'est peut-être par réaction contre l'abus du sentiment, de la sensiblerie humanitaire, du culte de la pauvreté, que l'art sensuel, la frénési du ton pur, du décor joyeux, éclatèrent comme une fusée de fête dans le ciel nocturne. Mais les mouvements esthétiques s'arrêtent court, à notre époque; le cubisme, qui est encore de l'art cérébral, allait bientôt faire son apparition. Il se substituait au néo-impressionnisme des Bonnard, des Vuillard et autres charmants artistes.
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