Jean Lefort

Jules César mit fin au désordre [du calendrier] en -45 sur les conseils de l'astronome égyptien Sosigène. Après une année de confusion de 15 mois (455 jours en tout), le début de l'année fut confirmé à l'emplacement du 1er janvier (jour de l'entrée en fonction des consuls), l'équinoxe de printemps fut fixé au 25 mars (les mesures de l'époque étant peu précises, Sosigène se trompait d'un jour), et l'année eut désormais 365 jours, avec un 366e jour tous les quatre ans. Ce jour était placé avant le 24 février, au même endroit que le mois intercalaire Mercedonius dans l'ancien calendrier. Le 24 février portait alors le nom de "sexto ante calendas martis" (le sixième avant les calendes de mars), et était doublé par l'ajout du jour supplémentaire, d'où le nom de "bis sexto ante calendas martis", qui a donné bissextile.
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Ce calendrier prit le nom de calendrier julien, et Jules César fut honoré une deuxième fois lorsqu'on donna son nom au mois Quintilis, qui devint Julius (d'où Juillet). En fait, la réforme fut mal comprise et il y eut au début une année bissextile sur trois. Auguste prit la mesure de l'erreur et suspendit les années bissextiles pendant douze ans pour remettre le calendrier en accord avec le Soleil. En son honneur, on donna son nom au mois Sextilis, qui devint Augustus (d'où août). Comme il ne fallait pas que l'un de ces grands hommes soit plus honoré que l'autre en raison de la longueur du mois qui lui était attribué, on aligna la durée de ces deux mois à 31 jours. On modifia alors la durée des autres mois afin d'éviter qu'il y ait trois mois consécutifs de 31 jours. Le mois de février, qui était déjà le plus court, passa de 29 à 28 jours[.]

En Angleterre, le lendemain du mercredi 2 septembre 1752 fut le jeudi 14 septembre 1752 (le retard accumulé par le calendrier julien était passé à cette date à 11 jours). Des émeutes se produisirent. Il faut remarquer que cette même année avait commencé trois mois plus tôt afin d'aligner son jour de l'an au 1er janvier, au lieu du 1er avril traditionnel. Des gens manifestèrent en criant : « Rendez-nous nos trois mois; rendez-nous nos 11 jours... »

Mesurer le temps, c'est une façon de le défier, de se sentir plus fort que lui, car il entre alors dans le corset de la mesure. C'est l'illusion d'accéder à l'éternité des dieux (ou de Dieu), de partager leur pouvoir et d'acquérir la connaissance de leurs volontés. Dominer le temps, c'est transcender la vie et la mort, en devenant capable de repérer des événements bien avant sa naissance et de se projeter bien après sa mort.

Ainsi entrons-nous dans le troisième millénaire avec une semaine issue des Chaldéens, des mois nommés dans l'enfance de Rome, et des années bissextiles dues à la volonté de César. Peut-être dans un futur lointain continuera-t-on de les utiliser en ayant perdu le souvenir de leurs origines.

Les mesures astronomiques actuelles montrent l'inanité de la recherche d'une régularité ultime, puisque les mouvements au sein du système solaire sont chaotiques à l'échelle du million d'années. Cette foi en la constance des cieux a pourtant nourri l'effort de longue haleine des peuples, qui ont compensé l'imprécision de leurs observations (souvent de l'ordre du jour) par la persévérance d'une génération à une autre. La patiente accumulation des observations durant des millénaires a livré des «constantes » astronomiques - année sidérale, année tropique, révolution synodique des planètes, Saros (cycle de 223 lunaisons assurant le retour des éclipses), etc. - qui ont servi à établir les divers calendriers et à garantir leur usage sur de longues périodes. Or cette constance de l'usage des calendriers, en retour, a fourni le cadre nécessaire pour cumuler et relier les observations, parfois même d'une civilisation à une autre (les Grecs ajoutant leurs propres observations à celles des astronomes babyloniens).