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Citations de Jean-Marc Benhaiem (40)


François m'a rappelé un épisode de la Bible : Moïse, devant le buisson ardent, demande à Dieu qui il est, Il répond : "Je suis ce que je suis." Finalement, cette définition de Dieu que recueille Moïse est une bonne suggestion de ce à quoi peut tendre l'être humain. La souffrance disparaît dès que la personne adhère à la réalité de ce qu'elle est, de ce qu'elle croit être ou a peur d'être. "Je suis mélancolique", "Je suis dépressive", "Je suis un mauvais père", etc. Ce n'est pas un acte de contrition, mais une affirmation de ce qui est, pris d'un certain point de vue.
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Lorsqu'on rumine, lorsqu'on ressasse son histoire et sa souffrance, la pensée s'active. Il s'agit d'une pensée obsédante, tourmentée, qui cherche à comprendre les mécanismes et les causes pour apaiser le mal. Le discours est donc composé de ce mélange de culpabilité, de colère parfois et de bien d'autres émotions. Mlle D a perdu l'usage de ses jambes à la suite d'un accident qui a blessé gravement sa moelle épinière. Il lui arrive de se comparer aux personnes valides qu'elle croise ; elle pense alors à tous ces voyages qu'elle ne peut plus faire et ressent encore plus fortement ses douleurs. Quand elle travaille, quand elle brode, ses douleurs disparaissent. Une intense occupation la détourne de ses douleurs. Elle n'y est plus connectée. A l'inverse, la plainte, les regrets la ramènent à sa souffrance et ses douleurs s'intensifient.
Parmi toutes les portes empruntables, celle de la pensée se présente tout naturellement à une personne qui souffre. Les consultations hospitalières de la douleur sont assaillies de personnes qui cherchent désespérément une explication à leurs douleurs et qui se retrouvent dans une cogitation intellectuelle intense. Cette activité de la pensée ressemble à un labyrinthe sans issue. La question se pose alors de savoir si c'est la réflexion qui est mal menée ou si c'est la porte de la pensée qui est murée, sans issue.
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Redevenir sensible, sans restriction, n'est pas sans conséquences. Rester insensible ou peu sensible permet d'éviter de résoudre les problèmes existants ou ceux qui se présentent. A l'inverse, être sensible oblige à réagir à toute confrontation. Pour accepter de ressentir à nouveau, il faut n'avoir rien à perdre. Le point d'appel, puis d'appui, est souvent une grande souffrance qui oblige à se rendre sensible tout court, sans condition. La personne se laisse ressentir tout ce qui vient, à la manière d'un animal. Elle retrouve sa boussole biologique. Voilà ce que propose l'hypnose : franchir des portes pour approcher le sentio, ergo sum. Le sentir provoque une cascade de réactions en chaîne ; il permet une reprise du mouvement. Se mouvoir à nouveau dans son propre corps et à la place qui est la sienne, voilà ce qui est porteur de guérison.
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Une personne dit : « Je me déteste, je ne me supporte pas comme je suis ! – Mettez-vous à côté de vous ! Asseyez-vous et regardez-vous. » Je pourrais dire à la personne : « Détestez-vous ! » Ce qui l’entraînerait à adhérer à ce qu’elle pense d’elle. Je peux dire aussi : « Mettez-vous à côté de vous et supportez-vous ! » A un moment donné, la personne dit oui. Là, elle entre dans la réalité et il y a un autre processus qui se met en place. Elle va enfin trouver, là où elle est. Elle va enfin adhérer à son état actuel. Et quand on entre dans la réalité, c’est-à-dire dans ce que je peux supporter, je suis vrai.
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Le simple fait de décrire et de revendiquer ce qui est annule tous les efforts qu'une personne peut accomplir pour lutter contre la réalité. L'hypnose nous fait prendre les choses comme elles sont et met un terme à nos tentatives de les vouloir autrement qu'elles sont ou de nous escrimer à les façonner selon nos désirs. Il fallait préserver les apparences, sauver la face, préserver une image.
L'hypnose consiste à supprimer les représentations et à affirmer dans le détail tout ce qui était redouté et qui est simplement vrai : celle-ci.
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L'hypnose fait appel à l'imagination et aux sensations. Pour modifier les perceptions, il faut passer par la confusion qui pousse à rechercher d'autres appuis. Elle est à la base du soin. Elle ouvre vers du doute, elle oblige à quitter les certitudes et le rationnel. La confusion de l'hypnose ferme la porte de la pensée qui ressasse ou qui rumine. La confusion ouvre la porte de l'imaginaire qui joue à percevoir un corps différemment. Le virtuel de l'hypnose ouvre la porte de l'espace, la porte du mouvement et la porte du temps présent.
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Le psychiatre américain Milton Erickson utilisait le même procédé : ne pas exclure une difficulté. Il disait qu'il fallait plonger le problème dans le cerveau non conscient pour qu'il finisse par se dissoudre. François Roustang le confirme lorsqu'il dit à quelqu'un qui, par exemple, se sent abandonné et en souffre : "Mettez ce qui vous fait souffrir dans vous comme une pastille effervescente dans un verre jusqu'à dissolution complète." C'est une porte d'entrée que d'injecter le symptôme pour qu'il soit absorbé dans la personne. Dans certains cas, il est conseillé d'enclencher un interrupteur qui empêche le problème de prendre forme.
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Il convient d'oublier un instant notre malheur, de faire semblant d'en être libéré, pour vérifier que d'autres ressources sont là, d'autres modalités d'existence, d'autres régimes de conscience de soi au monde.
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A l'inverse, tous les grands découvreurs sont passés par de périodes de confusion : ils avaient travaillé et réfléchi tant et plus sur un problème, jusqu'au stade où ils n'y comprenaient plus rien, vraiment plus rien ; ils ont alors jeté l'éponge, rendu les armes, et se sont vautrés sous un pommier ou sur un canapé, la tête lourde et brouillée, la "conscience déstructurée". D'autres ont regardé un film idiot à la télévision. Et la découverte leur est venue, le surlendemain. Ils ne s'y attendaient plus. Demandez à Newton ou à Einstein.
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Au cours d'une séance d'hypnose récente avec un patient expert-comptable souffrant de dépression, il m'apparaît que sa souffrance provient d'un conflit avec ses parents jamais heureux de ses choix professionnels. Il va mal depuis six mois. Comme il me dit qu'il se sent nul, je lui réponds que son malaise provient peut-être de la pression exigeante que ses parents et de la sienne. Il confirme la réalité de cette pression. Je lui dis que s'il accepte ce jugement d'être nul, il n'aura plus aucune pression. Il rit, ferme les yeux, ne dit rien pendant dix bonnes minutes. Puis, il les rouvre et m'explique que la pression est partie et le malaise avec.
La souffrance provenait de ce refus d'être nul. Le soin repose sur cette affirmation de ce qui est. Il est dépressif, il se sent nul.
Il se rebelle un peu, mais finalement accepte cette proposition avec beaucoup d'humour.
Je lui ai demandé d'être lui-même, tel qu'il est, comme il est. Et c'est à ce moment précis qu'il va mieux.
Cette façon d'agir pour le thérapeute n'est pas une stratégie. Il n'attend rien d'autre que l'acte d'être ce qu'on est.
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Rien n'amplifie plus la douleur que la crainte qu'elle sera encore présente demain.
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Nous renverrons le lecteur, par exemple, au surprenant livre de Mikkel Borch-Jacobsen, intitulé Folies à plusieurs : de l'hypnose à la dépression, où l'auteur démonte (et semble bien pouvoir démontrer) la présentation tendancieuse de certains cas cliniques et de certaines statistiques de Freud, où celui-ci adopte une "langue de bois" tout à fait surprenante chez un parangon de la vérité du discours
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Mettre quelqu'un en état d'hypnose, c'est l'inviter à prendre dans son espace la meilleure position possible, à placer son corps de telle sorte qu'il se situe de la façon la plus convenable dans les champs de force de son univers...
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Franz-Anton Mesmer écrivait en 1780 qu'une promenade en forêt permettrait à quiconque de bien ressentir et de comprendre ce qu'est le Magnétisme animal, premier nom de l'hypnose. Milton Erickson, en 1950, avait demandé à une patiente suicidaire de bien vouloir l'accompagner dans sa visite du zoo de la ville. François Roustang, en 2011, suggère à une patiente dépressive de porter attention à elle-même et de "se sentir vivante". Vers quelles portes ces thérapeutes hors du commun poussent-ils leurs patients ?
Mesmer semble privilégier, dans cet exemple, la porte de l'espace qui ouvre vers la nature porteuse de vie et de mort. Franchir cette porte redonne à l'être humain environné et submergé par les cycles naturels.
Erickson, lui, replace sa patiente dans l'évolution des espèces. Il lui fait franchir la porte du temps et lui fait ressentir les origines de la vie, l'animalité et la filiation.
Roustang se tourne vers la porte du corps et incite sa patiente à retrouver son corps et la palpitation, la vibration qui le traverse.
Ces trois thérapeutes exceptionnels ont mis de côté raisonnement et volonté pour privilégier la sensation. Ils attendent le temps qu'il faut pour que la connexion se fasse, pour que les malades ressentent et retrouvent leur place. Il n'y a plus de pensée. Il n'y a plus de langage.
La porte de l'imagination, du virtuel, vient enrichir et amplifier les sensations perçues.
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Le corps est une chose, une matière, un objet, que l'on traite parfois et que l'on maltraite souvent. Depuis Descartes, nous vivons dans la dichotomie corps/esprit, on pourrait dire le divorce. Le corps est traité comme une mécanique, ce qui est à mes yeux un procédé pour le moins réducteur. Spinoza affirme que nous percevons bien l'âme et le corps comme deux choses distinctes. "Selon lui, cela n'implique nullement que l'âme et le corps-pensée et matière-ne soient pas une seule et même substance. L'esprit et le corps ne sont que deux versants d'une seule réalité, deux faces d'une même médaille (...) Tout ce qui se produit dans le corps se produit aussi dans l'esprit, tout ce que vit le corps, l'esprit le pense et vice versa." Ce nouvel éclairage montre le lien étroit, fusionnel, entre l'un et l'autre, qui confirme bien que l'on ne peut étudier l'un sans l'autre. Plus personne ne peut nier que dans le domaine de la thérapie et du soin, il n'est pas possible d'évincer ce binôme qui fait que l'un ne va pas sans l'autre et que, en tenant compte de l'un, on implique systématiquement l'autre. Aussi, se dire que l'on soigne l'esprit en passant par le corps paraît fondé et même nécessaire si l'on veut un résultat.
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Le corps ne se contente pas d'être une enveloppe, un contenant, le symbole de notre unité, un carrefour, un réceptacle ; il est aussi doté d'un pouvoir de parole.
Non pas cette parole vocale que nous émettons dans le cri ou le discours.
Il est le lieu d'expression des non-dits, des inconcevables, des irrecevables, des inacceptables. Il est le relais des mots, des maux. Le langage courant ne s'y trompe pas. "J'en ai plein le dos...", "J'ai la tête prise...", "Cela me démange...", "J'ai le souffle court, les jambes coupées, un coup de poing à l'estomac..."
Le corps se fait métaphore pour nous parler à nous-mêmes comme s'il devenait un témoin, l'interlocuteur d'un discours intérieur. Utile pour nommer ce qui est innommable, tenter de partager, sans être nécessairement compris.
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« Il fut un temps, raconte François Roustang, où les médecins faisaient tout autre chose que de quantifier. Ils avaient un rôle social, une présence, une forte intuition et implication personnelles. Si l’hypnose a tellement de succès aujourd’hui c’est parce que les médecins sentent que la médecine s’est déminéralisée, déshumanisée. Et l’hypnose vient combler ce manque. »
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La souffrance provient donc d'un évitement de la réalité. Les efforts déployés pour la refuser causent la souffrance. Se placer en face, regarder les choses en face, ne pas fuir. Le piège serait de considérer ces formules d'un point de vue moral comme des reproches que l'on s'adressait. Entrer dans la réalité se fait sans émotion. La situation hypnotique aide à supprimer la culpabilité, le honte, les regrets et tout sentiment. Regardez une personne hypnotisée. Son visage est impassible. Il n'y a pas d'expression émotionnelle. La personne a rejoint une partie animale en elle qui s'accommode de ce qui est, sans émoi.
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Il existe plusieurs façons d'aborder un patient. La méthode classique, médicale, consiste à établir un diagnostic en examinant le corps anatomique et parfois chirurgical du patient. Une autre façon d'intervenir se réfère au corps qui pense et qui ressent. Autrement dit, il s'agit d'établir un dialogue avec une personne pour laisser de la place à son discours et à ses sensations. C'est là le champ de l'hypnose.
Si elle a quelque efficacité thérapeutique-et c'est souvent le cas-, c'est parce qu'elle repose sur des concepts qui bouleversent radicalement les croyances et la manière habituelle de soigner.
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5. « Ainsi les sujets peu hypnotisables sont aussi capables que les très hypnotisables de réduire la douleur, mais par une approche qui empêche l'inhibition ressentie lors des procédures hypnotiques. C'est sans doute la validité des tests d'évaluation de l'hypnotisabilité qu'il faut remettre en cause. Qu'est-ce qui est réellement évalué, et pour quelle action ? » (Benhaiem, p. 182)
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