O mon amour O mon amour toi seul existe
Où je perds à la fois le fil de mon poème
Et celui de ma vie et la joie et la voix
Parce que j’ai voulu te redire je t’aime
Et que ce mot fait mal quand il est dit sans toi.
Aragon, poème gravé sur la tombe de Paul-Henry
p 210
Comme ces vieux bateaux abandonnés au fond des anses,
comme ces épaves pleines du souvenir des flots rageurs que l’onde des marées ne caresse plus qu’à peine,
j’attends que se disjoignent mes membrures
et se dissolvent mes pensées.
p 216
Tuez-nous, abattez-nous, brûlez-nous, nous vous survivrons,
vous aurez depuis longtemps disparu, jusqu’au dernier,
nous serons toujours là, fiers et droits.
Nous recouvrirons cette planète que vous avez tant et tant maltraitée,
du manteau de nos feuilles et de nos branches,
dans le cocon de nos ramures entremêlées
nous la protègerons pour les millénaires à venir de vos méfaits.
p 37
Le ciel lentement s'était assombri.
Avec le flot se développait, loin derrière l'autre rive de l'étier, tout un feston de gros nuages gris sur lesquels contrastaient les grands fûts gladíolés d'une haie de peupliers.
Une légère brise rida la pellicule d'eau qui lentement recouvrait les vases.
Il se mit à faire froid.
p37
"Une idée que j’ai, d’abord je la nie." C’est ma façon de l’éprouver, disait Alain le philosophe «. Ne l’ai-je pas assez niée celle-ci ?
P 25
Vint le temps où les hommes furent à ce point lassés d'eux mêmes qu'ils inventèrent l'art abstrait.
Flore détestait cette Nicole que son mari, après deux jours
de voyage, avait surnommé " la marchande de poisson" à cause
de cette voix qui faisait vibrer les murs et gémir les tympans.
C’était l’égarement qu’exprimait parfois son regard, de façon fugitive,
très brève, semblable dans son intensité à celui de l’animal pris au piège qui sait instinctivement sa fin proche et sans échappatoire.
Ses yeux presque transparents se couvraient alors d’un voile sombre,
sorte de taie qui occulte le regard de ceux qui ont déjà trop souffert,
se savent privés d’avenir et cèdent brièvement à la terreur.
p 128
J’ai sermonné Anne Grappon par la fenêtre.
Je lui ai demandé de foutre la paix à Paul Henri une bonne fois pour toutes. Elle est rentrée en bougonnant dans sa tanière.
Non mais ! A son âge.
p 219
Rien ne ramène plus à soi que la maladie.
p 128