Corot fixe des instants, donne parfois les clés d'un début de narration mais ne raconte pas véritablement d'histoire. Ainsi, on ne sait jamais si l'on est en présence d'un portrait ou d'une scène de genre, d'une transcription du réel, de la résurgence d'un souvenir ou encore d'un pur travail d'imagination.
(Article de Guillaume Morel)
dans la dernière décennie de sa longue carrière, l'art de Corot en matière de figures gagne en liberté et en ambition, non seulement dans l'usage ^lus audacieux de la couleur mais aussi dans la monumentalité de ses femmes peintes mi-corps comme l'italienne, la Sybille, la lecture interrompue ou l'algérienne.
les figures de Corot reflètent les hésitations d'un artiste élevé dans la tradition classique mais contemporain de l'avant garde réaliste. Si les références aux maitres anciens et son admiration pour Ingres se manifestent par de nombreux tableaux, son approche naturaliste du nu et certaines audaces picturales l'associent aux recherches de la jeune génération.
Corot est indissociable des débuts de l'impressionnisme. Sens de la lumière, gout pour le travail sur le motif ou intérêt du maitre pour la notion de souvenir (d'impression) annoncent les recherches des impressionnistes. Nombreux sont les membres du groupe qui l'admiraient et revendiquent son héritage, au premier rang desquels Claude Monet et Berthe Morisot.
Aucun des modèles de Corot n'est agréable à regarder. dans toutes les toiles une lumière artificielle, assez crue, tombe d'en haut. les yeux sont souvent dans la pénombre, le font est suréclairée. le peintre ne dissimule pas le fait que toute cette production de figures a été réalisée dans l'atelier.
Marietta, seul nu de l'artiste représenté dans un intérieur sans prétexte allégorique, ce chef d'oeuvre du second séjour romain de Corot, exécuté d'un pinceau rapide, frappe par sa modernité. oeuvre intimiste, elle ne fut jamais exposée au public du vivant de l'artiste.
A partir de quel moment la figure cesse-t-elle d'être un élément du paysage pour devenir le sujet principal d'un tableau? C'est l'une des questions soulevées par la peinture de Corot, qui introduisait le plus souvent des personnages dans les toiles les plus bucoliques.
Il en va de même pour le modèle installé dans l'atelier. l'artiste l'autorise à se déplacer pour mieux s'en distancier. on retrouve dans toutes les figures de Corot une expression mélancolique liée au souvenir, la plupart du temps teintée de nostalgie.
Les figures supplantes les portraits et s'imposent dès les années 1850, entre études réalistes et idéalisation. Dans ce dernier processus, la référence aux maitres anciens est fondamentale. Corot est un artiste plus cultivé qu'on ne le dit parfois.
Il y a l'ombre d'Ingres. Son influence se retrouve également dans les autres types de figures réalisées par Corot, telle Marietta, magnifique odalisque pré-balthusienne, et jusque dans des nus plus tardifs, plus insolites.