Judith est enfin partie, mais je sens qu’elle a pris un morceau de moi qu’elle ne méritait pas. Elle m’a volé mon intimité, ma pudeur, et elle a créé un souvenir immonde qui me salit de l’intérieur.
dans une histoire d’agression, il y a toujours trois versions : celle du coupable, celle de la victime et la vérité.
Le coupable va tenter de se déculpabiliser le plus possible, alors que la victime, sous le choc, se noie dans la honte, la colère et la tristesse en rejetant toute la faute sur le coupable. La vérité, c’est que quelqu’un a commis un crime sur une autre personne. Les faits sont là pour mettre la situation en lumière.
[ avocate]
- Sais-tu ce qu'est la sidération psychique? reprend-elle.
[Noam]
- Heu...non.
- Pour être honnête, j'en aurais été étonnée. C'est un peu compliqué, mais c'est comme si ton corps, à l'approche d'un traumatisme, se figeait pour te protéger. Tu n'es pas capable de bouger, malgré tes efforts. Il arrive même que des personnes aient l'impression de se voir hors de leur corps. Ce qu'on appelle la dissociation. D'autres victimes de sidérations psychiques peuvent même continuer de vivre comme si elles n'avaient rien vécu. C'est un mécanisme de défense. D'après ton dossier, ça correspond à ce que tu as vécu. Tu sais, Noam, paralyser, lors d'une agression sexuelle, c'est commun. Ça ne fait pas de toi quelqu'un de faible. Des femmes se figent. Des hommes se figent. Ce n,est pas parce que tu es un garçon et elle une fille que tu étais dans l'obligation de te montrer plus fort qu'elle. Ton corps s'est défendu lui-même, à sa façon.
Mes yeux s'agrandissent de surprise. [...] J'ai l'impression qu'on vient de me donner les pièces manquantes du casse-tête. Un poids énorme quitte mon abdomen. Ma réaction n'était donc pas anormale!
On parle souvent de la culture du viol comme si ça concernait juste les femmes. On oublie que les hommes peuvent être des victimes, eux aussi. On dit aux filles qu'une main sur les fesses ou les seins, c'est une agression sexuelle. Et une fellation non consentie, c'est quoi alors ?
A ceux qui disent que c'était juste une pipe, pour moi, c'était bien plus que ça. J'étais pas prêt à atteindre ce stade de ma sexualité. J'ai pas porté plainte contre cette fille-là parce que j'&étais jaloux, mais parce qu'elle m'a brisé en mille morceaux.
Une agression reste une agression, Noam, affirme-t-elle d'un ton doux, mais direct.