Citations de Judith Kinghorn (16)
Ces Français ne sont pas des gens honnêtes - regarde ce qu'ils ont fait à leur roi...
Quand le voyage touchait à sa fin, c' était tout ce qui vous restait : des souvenirs. De futilité, d'orgueil, de bonheur, de souffrance, de chagrin et de regrets. Doux-amers, ils flottaient dans l'air comme le duvet du chardon dans le vent, insaisissables, et, une fois attrapés, jamais aussi beaux qu'avant.
C'était son statut de vieille fille qui lui valait de se faire traiter ainsi. Et cela ne datait pas d'hier. Si elle avait été mariée, ou veuve, les autres l'auraient regardé différemment. Elle aurait été élevée au rang de "femme de" , digne de respect et protégée par l'amour et l'estime d'un homme vivant ou mort. Sans cet appui, sans ce statut, les gens n'avaient pas d'égards pour elle ou pour ce qu'elle ressentait. Au mieux, ils lui souriaient poliment.
C'était curieux cette façon qu' avaient les jeunes gens de s'affaler. En particulier les jeunes garçons - toujours vautrés. Cela la dérangeait de la même façon qu'un poignet de chemise effiloché : brouillon, désordonné.
Cora s'isolait tellement qu'elle aurait pu aussi bien se trouver dans un autre pays, songea Sylvia.
- Mille neuf cent onze, dit-elle tout haut en secouant la tête.
Tout cela lui semblait tellement futuriste. Elle n' était pas encore habituée au vingtième siècle, ses dates et ses modes étranges, ses inventions.
Mais à d'autres moments, quand la solitude et la singularité lui pesaient jusqu'à devenir insupportables, l'absence de voix familières se faisait assourdissantes. (p 284)
N'était-il pas merveilleux de se retrouver dans un lieu où tous les objets vous faisaient vous sentir immédiatement chez vous ?
- Exaltant ?
(...)
- Il n'y a plus personne pour leur rappeler la futilité de la guerre, le carnage, la dévastation. Non, les Britanniques vont guerroyer dans d'autres pays. C'est très différent quand ça arrive chez vous.
- J'ai l'impression que cela fait une éternité, dit-elle. Il s'est passé tellement de choses depuis.
Pour elle, peut- être, et pour le reste du monde, mais pas pour moi, songea Sylvia.
Il arrive qu'une personne entre dans notre vie sans crier gare et qu'elle nous fasse oublier momentanément qui nous sommes. Mais ce n'est que lorsqu'elle s'en va que nous en prenons conscience et redevenons ce que nous avons toujours été. Et ce n'est pas toujours facile, car entre-temps nous avons changé, et l'ancienne personne que nous étions ne nous semble plus aussi confortable qu'avant. (p 269-270)
Mais la comtesse l'interrompit à nouveau, déclarant que l'histoire ne pourrait jamais rendre compte de la vérité, ni de tous les destins individuels.
Ceux-ci étaient perdus, envolés à jamais. L'histoire ne pouvait que survoler et faire des généralités, dit-elle, réduisant les histoires vécues, les identités, les perspectives personnelles, les vérités, les triomphes, les défaites et les tragédies à une sorte de divertissement populaire. (p 118)
Dernièrement, elle avait pris plaisir à errer dans ce paysage confus qui s'étire entre le sommeil et la veille, ce lieu de demi-conscience. Elle aimait se prélasser dans cette lumière crépusculaire dont elle aurait voulu ne jamais sortir. Elle espérait qu'ils viendraient à elle si elle s'y attardait suffisamment longtemps.
Car c'était là, dans ce lieu imprécis que leurs voix tant aimées lui parvenaient depuis un autre siècle sous forme de murmures et de chuchotements. Occasionnellement, elle entendait de la musique - des notes de piano, un chant - par la fenêtre ouverte, flottant à travers le jardin, dans la pièce voisine ou à l'étage, ténue et impossible à localiser. (p 87)
- Des mots, répéta Cora en jouant avec le médaillon qu'elle portait autour du cou. Et combien ont été écrits ou prononcés pour être ensuite reniés ? Il y a trop de mots de nos jours, trop de mots pour désigner trop de choses. Et il y en a sans cesse de nouveaux qui sont inventés. (p 58)
C'était dans ces moments-là qu'elle se sentait catapultée dans le passé. Car il n'y avait plus d'avenir ; désormais sa vie était derrière elle. Quand le voyage touchait à sa fin, c'était tout ce qu'il vous restait : des souvenirs. (p 56)
Parfois, il est facile de s'élancer dans le noir, à l'aveugle, quand on sait qu'au bout de l'obscurité se trouve la lumière, et que derrière nous tout est sombre ; quand on sait que notre destination - quelle qu'elle soit - sera infiniment meilleure que notre point de départ. (p 9)