De mon côté, je ne pouvais expliquer à personne ce qui m’avait poussée à me conduire ainsi. Pour le coup, on m’aurait vraiment prise pour une cinglée. Mieux valait, avais-je pensé, qu’on crût – et on le crût – que je m’étais révoltée par rigidité intellectuelle. Mais comme je me trouvais, à ce moment-là, plutôt au creux de la vague, le fait que j’aie été capable d’en venir aux mains pour imposer mon point de vue a été interprété comme le chant du cygne d’une has been. Redoutant par-dessus tout l’égo démesuré que l’on prête aux créateurs, les producteurs et les diffuseurs recherchaient plutôt souplesse et soumission qu’imagination et force de caractère. Où irait-on si les scénaristes se mettaient à faire valdinguer les meubles à la moindre critique ? Pour exercer le métier de scénariste, je me devais d’avoir la créativité d’un Picasso, la docilité d’un employé de banque, la rapidité d’exécution d’un TGV et l’égo d’une palourde. J’étais malheureusement bien loin de Picasso et ne me reconnaissais pas du tout dans une palourde.
Ma journée d'écriture commence bien. Mes personnages deviennent tout-puissants. Ce sont eux qui me guident. Je ne réfléchis plus, je suis juste leur porte-parole. Des doigts sur un clavier. Je sais par expérience que cette sensation est fragile, qu'une simple déconnexion entre mes personnages et moi peut tout foutre en l'air.
J'ai passé suffisamment d'heures à Beaubourg pour rassembler une abondante documentation sur Gouvion-Saint-cyr. Je ne suis plus un corps, juste des yeux pour lire et un cerveau pour analyser.
- Allez, fais pas ta relou. Je parle d'un film d'action, un truc qui déchire. Pas toujours des petites histoires de gens gentils qui finissent bien.