Kevin Chassangre

Et que d’efforts et d’énergie pour atteindre l’inatteignable ! J’ai utilisé précédemment l’image de l’iceberg. Et qui dit iceberg dit pour moi Titanic ! Ce paquebot était réputé comme étant à la pointe de l’élégance, majestueux, luxueux, insubmersible… parfait. Le Titanic a justement coulé. Se pourrait-il qu’en nous donnant l’attente et l’illusion de la perfection, nous ne fassions qu’augmenter les risques d’échouer ?

Cela rejoint en réalité peut-être un dénigrement de mes compétences. À dire vrai, j’ai pu me considérer comme un imposteur et j’ai pu me dire qu’un jour ou l’autre, les gens finiraient bien par se rendre compte qu’ils se sont trompés sur mon compte.

Identifier son syndrome de l’imposteur est une première étape indispensable, comme pour tout problème que nous voudrions résoudre. Vous avez ainsi pu vous positionner et mesurer, de manière intuitive ou scientifique, l’expression de vos sentiments d’imposture : intensité, fréquence, symptômes. Vous avez pu cibler ses domaines et ses objets d’expression afin d’orienter votre plan d’action.

L’expression de la détresse émotionnelle (symptômes dépressifs, d’anxiété et de stress) se situe de modérée à sévère. Les imposteurs intenses vivent leurs sentiments d’imposture de manière très difficile.

La connaissance de votre profil vous permettra de comprendre les manifestations de votre syndrome de l’imposteur et de mieux vous saisir des enjeux de son expression. Elle vous amènera à vous positionner au regard des trois profils identifiés dans les travaux de psychologie. Elle vous orientera sur la nature des axes d’évolution à effectuer pour surmonter votre syndrome de l'imposteut.

Bien que nous parlions souvent du syndrome de l’imposteur dans le milieu professionnel, en considérant les compétences, l’intelligence ou les capacités et les aptitudes, il est important de préciser que nous pouvons rencontrer toutes sortes d’« imposteurs » dans différents domaines de la vie et sur des caractéristiques variées.

L’appréhension des réussites peut se traduire par une crainte d’accentuer une différence, pouvant conduire à la jalousie ou au rejet. Enfin, cette appréhension des réussites est souvent associée à une culpabilité quant au succès, du fait, d’une part, de dépasser le statut social de notre environnement familial ou, d’autre part, de considérer que nous avons plus de chance que d’autres.

L’Appréhension

Elle peut être celle des réussites ou des échecs, parfois les deux, amenant des directives contradictoires qui rendent difficiles nos choix et notre investissement.

En parlant de vos sentiments d’imposture, vous incarnez ainsi un modèle, permettant aussi à autrui de s’autoriser à verbaliser et à partager ses propres sentiments. Tout le monde a en effet le droit, d’une part, de douter, d’autre part, de verbaliser ses doutes. En parlant de notre syndrome de l’imposteur, nous développons notre authenticité et nous diminuons notre impression de tromper. Nous ne jouons plus un rôle, nous nous incarnons. Vous constaterez ainsi qu’il y plus de chance d’être accepté pour ce que l’on est que d’être rejeté pour ce que l’on n’est pas.

Et, compte tenu de l’intensité de votre syndrome de l’imposteur, cela fera un vrai poids en moins que vous déposerez à l’extérieur de vous. Votre entourage peut éventuellement être surpris, ce que nous pouvons comprendre au vu de votre bagage de réussites et de reconnaissances, mais il peut aussi comprendre, il peut enfin s’y retrouver.

Il est très facile de se qualifier d’imposteur en estimant réussir grâce à des causes instables et hors de contrôle qui ne permettent pas de renforcer l’estime de soi ou la confiance en soi. La crainte d’être finalement remis à sa place par autrui ou par les circonstances n’en est que plus grande. Il est très facile de se qualifier d’imposteur en gardant un masque social afin d’être accepté par autrui, tout en craignant de se découvrir et être exposé.

Cette impression de tromper est directement liée à une perception négative de soi en décalage avec une perception extérieure. Or, l’une des caractéristiques du syndrome de l’imposteur est bien ce ressenti de malaise à être considéré de manière positive.

J’ai une grande peur de vous décevoir. Je m’épuise à vous plaire et à éviter de vous déplaire, car votre approbation compte beaucoup pour moi. Je ne sais plus qui je suis ni pourquoi vous m’acceptez.
Je me considère comme un imposteur et vous finirez par me démasquer. »

Imaginons ce que dirait de façon authentique une personne présentant un syndrome de l’imposteur, une fois le masque levé et le secret dévoilé.

Les sentiments d’imposture sont en effet dissimulés. Nous ne faisons pas étalage auprès de notre entourage que nous éprouvons des sentiments d’imposture : par honte, par peur, à chacun ses raisons. Il y a donc un masque. Il s’agit de donner une image, de jouer un rôle, de dresser une façade qui cachera toutes les remises en question dès lors invisibles.

En contrepartie, notamment lorsque le syndrome de l’imposteur commence à s’exprimer à forte intensité, la détresse est elle aussi tout à fait palpable. Elle commence par une pression de l’excellence, un inconfort dans les interactions sociales : présentation potentiellement erronée de soi, sentiment d’incohérence entre les retours extérieurs et l’évaluation personnelle, volonté de correspondre aux attentes, masque exacerbant un sentiment d’isolement et d’incompréhension.

Le syndrome de l’imposteur est très hétérogène. Il y a autant de syndromes de l’imposteur que d’individus qui l’expriment. Cet ouvrage présente ainsi l’ensemble des outils utiles dans cette problématique. Mais toutes les fiches ne vous concerneront pas nécessairement. Il s’agira de vous saisir de celles vous convenant le mieux au regard de votre expression individuelle ainsi que de votre mode de fonctionnement. Vous pourrez ensuite aller à votre rythme pour les utiliser, évaluer vos progrès, changer de stratégie si nécessaire et atténuer vos sntiments d'imposture.

Il nous est difficile d’accepter qu’une blessure psychologique ou émotionnelle ait besoin, aussi, d’un certain temps pour s’atténuer. Il nous est encore plus difficile d’envisager de faire appel à un professionnel de la santé mentale pour nous aider en cas de blessure importante et tenace : les stéréotypes sont tout aussi importants et tenaces. Également, certaines blessures psychologiques ou émotionnelles peuvent laisser des traces. Vous en conviendrez, c’est évident.

Selon la blessure, nous avons besoin d’un certain temps pour nous remettre et la voir disparaître, nous pouvons nous débrouiller seuls ou faire appel à un professionnel de la santé physique. Et, selon la blessure, même guérie, nous pouvons avoir des cicatrices ou des séquelles.

Et, dans la mesure où les événements de la vie sont toujours complexes avec de multiples processus en jeu, nous sommes forcés de constater qu’il n’y a rien de plus toxique que la rigidité face à la complexité ;

– d’un autre côté, nous pouvons endosser tout un système de règles de vie autour de ces mêmes notions sur un registre rationnel, qui sont le reflet de préférences et de contextualisation interne et externe, et qui sont donc flexibles.