Le passé n'est qu'une construction de l'esprit. Une histoire que nous ne cessons de déformer.
J’ai juré bien des fois de ne jamais rentrer au pays mais je ne suis pas stupide. N’importe quel bouquin de psychologie vous dira qu’on ne peut pas faire table rase du passé.
Non. Nous l’avions jalousée.
Nous espérions toutes en secret être la prochaine sur la liste.
La première fois, cela s’était produit pendant notre cours d’éloquence. Nous devions tous participer à des élections simulées. Kaycee était toujours en lice après trois primaires. Elle avait la persuasion facile et l’esprit de repartie, elle était très crédible dans le rôle d’un politicien. Une bonimenteuse née. Je ne suis même pas certaine qu’elle savait elle-même distinguer la vérité du mensonge lorsqu’elle parlait.
La chasse est une activité importante à Barrens, je dirais même une activité essentielle. Une partie intégrante de la culture locale. Si on peut appeler ça de la culture. La chasse n’est officiellement ouverte qu’en hiver, mais tous les ans, des adolescents font une virée dans les bois avec un pack de six, une lampe de poche et les fusils de leurs pères dans l’espoir de dénicher un cerf ou de regarder brouter quelques biches et leurs faons.
Mon instinct de survie semble s’être enrayé et me souffle de ne plus bouger, de me rendre invisible et d’attendre que le danger soit passé.
- Je suis désolée, dis-je, sans trop savoir pour quoi exactement.
Pour sa fille, pour son job, pour cette lycéenne derrière les poubelles, les hommes qui se croient tout permis, les gens qui se font abuser.
N'est-ce pas à quoi tout se résume au bout du compte?
Dans la vie, il y a ceux qui prennent à la gorge et ceux qui suffoquent.
C’est un rituel que je pratiquais dans mon enfance. Quand une chose m’effrayait ou que je devais me rendre à la nuit tombée dans le vieil appentis au fond de la cour, tant que je retenais ma respiration, aucun monstre, aucun assassin armé d’une hache, aucune silhouette informe sortie d’un film d’horreur ne pouvait m’attraper.
Le problème quand on passe sa vie à chercher des schémas, c'est qu'on en voit partout; mais les coïncidences existent.
Le passé n'est qu'une histoire que l'on raconte. Et comme dans toutes les histoires, l'important c'est le dénouement.