Charles le Quintrec
Bernard PIVOT reçoit
Charles LE QUINTREC qui vient de publier le deuxième volume de son
journal : "Les lumières du soir". Il explique comment il répartit son énergie entre les différentes formes d'écriture,
poésie,
roman... Puis il raconte son arrivée à Paris, les premières années de "
pauvreté radieuse" qu'il y passa, ses rencontres, et exprime l'amertume qu'il ressent à être...
LE PARDON DES OISEAUX
Si c'est déjà la mort, dites-lui que j'arrive
Je n'ai jamais eu peur de mon dernier matin
Dans le fleuve du Temps qui flotte à la dérive
Je retrouve les litanies des dieux défunts
Et j'entre sans prier dans les de Profundis.
Les voussures du ciel abritent tant d'oiseaux
Tant d'astres vont mourir dans les bois de la biche
Que les cerfs et les daims fuient les forêts en friche
Et l'Ankou se prépare à faucher sur les eaux
Si je dois revenir un jour sur cette rive
Les arbres me suivront vers l'Ouest par troupeaux.
Je suis homme, je sais que la mort me devance
Avec sa robe de ténèbres sur le dos
Je n'ai que mes péchés pour lui prendre sa faulx
Pour la vaincre, il me reste une vaine violence
Laissez-moi, je voudrais retrouver mon enfance
Et demander pardon au peuple des oiseaux....
Enfant de l'Armor et l'Argoat - de la mer et du bois - et de tout ce qui reste de l'espace maritime qui vit les Vénètes affronter les légions de César et de tout ce qui subsiste du légendaire de la forêt de Brocéliande qui, jadis, recouvrait la totalité de la péninsule armoricaine, je reviens à mon pays avec le double désir de le reconnaître et d'en être compris.
Ici, toujours les hommes ont regardé vers le large.
De tout temps, ils ont fait des rêves de partances et de navigations fabuleuses.
Fuir, là-bas, fuir...
Il semble que la hantise mallarméenne provienne du fond des âges.
C'est là-bas que les palmiers sont bleus, que les oiseaux sont ivres, que les femmes sont sœurs.
Là-bas, l'or des eldorados ruisselle sempiternellement quand les chants se mélancolisent et que, d'elle même, la mort renonce à la plupart de ses mauvais coups...
(extrait du premier chapitre de l'édition de poche parue en 2000)
Éclos d’un ciel d’épiphanie
ou de l’extase d’une branche
l’oiseau
ce beau fruit
du silence.
[Gilles Baudry]
Partir
Ce tourment que le vent
Fait gronder dans mon sang
Ce désir de Partir
Et vers tant d’archipels
Et vers tant d’îles qui m’appellent...
Il y a des chansons magiques
Pour les départs des cantiques
Pour endormir au fil de l’eau
Celui qui s’en ira bientôt
Dans sa barque en sapin pleureuse d’eau bénite.
Il y a toutes ces musiques
Pour toi, pour moi mais partons vite
Le soleil a déjà creusé mon dernier soir
Pour mourir jeune, il est trop tard.
Mais pour mourir d’amour
Toutes les routes sont nouvelles
Chaque jour est le premier jour
L’heure qui sonne est la plus belle.
// Antony Lhéritier (1912 – 1993)
Retours
Me voici revenu d’inutiles voyages
Je ne sais plus, plus loin, quels soleils tropicaux
Ont brûlé mon regard et sculpté mon visage
Au roulis sans sommeil de quels obscurs cargos.
C’est loin, je ne sais plus où saigne ma tristesse
De quel port dans la nuit rôde le souvenir
Escale de misère, il pleuvait, où était-ce ?
Je ne sais plus. À l’aube, il fallait repartir.
Et puis ailleurs encore, après quelque bagarre
...
...
Quelle femme pleurait ? Je ne sais plus. C’est loin.
//Anthony Lhéritier (1912 – 1993)
Sur la place, face à l'église paroissiale, ils attendirent le car de Choiseux. A leur côté, des femmes, parapluies ouverts quoiqu'il ne plût pas, cherchèrent un abri sous le porche du sanctuaire et sous l'auvent d'une boulangerie. Des bigoudennes, très empennées, se mirent à craindre pour le fragile édifice de leur hennin.
A l'école de la rue
J'ai rencontré Dagobert
Sa culotte décousue
Il la mettait à l'envers...
BALLADE
Le Pays - Auguste Brizeux
Oh ! ne quittez jamais, c'est moi qui vous le dis,
Le devant de la porte où l'on jouait jadis,
L'église où, tout enfant, et d'une voix légère,
Vous chantiez à la messe auprès de votre mère ;
Et la petite école où, traînant chaque pas,
Vous alliez le matin, oh! ne la quittez pas!
Car une fois perdu parmi ces capitales,
Ces immenses Paris, aux tourmentes fatales,
Repos, fraîche gaieté, tout s'en vient engloutir,
Et vous les maudissez sans pouvoir en sortir.
Marie.
1279 - [La Petite vermillon n° 301, p. 66-67]
MON PAYS
Mon pays m'est apparu
Comme un morceau de lumière
Des ronces et des fougères
Des orties sur les talus
Des fermes dans le purin
Des chevaux par les chemins
Des arbres jamais comptés
La cloche depuis l'église
Qui s'envole et se divise
En appelle à l'unité.
Mon pays m'est apparu
Dans sa gloire trinitaire
Des arpents d'orge solaire
La joie des feux d'écobue
Et là-bas sur l'océan
Des mouettes le plain-chant
Le langage des tempêtes
La rude montée du Raz
La roue des vieilles sagas
Pour la légende des siècles.
Mon pays de triste usance
Tout défait par le besoin
Travaillé par la légende
Taraudé par les embruns
Mon pays de hautes landes
Se lève sur l'océan
Je l'aime depuis l'enfance
D'un monde qui fut enfant
Nous jouions à l'insolence
Des arbres qui font des branches
Avec des rëves dedans.
Mon pays de primevères
De sèves et d'infinis
Recommence le pays
Qui s'avance dans la mer
Telle une barque légère
Repoussée par le courant
Il dérive, légendaire,
Par les Traverses du Temps,
Pays de mes vieux enfants
Ô pays de ma poussière !
1983
Elle n'est plus au monde
On l'a chassée d'ici
Précise que la pluie
Fait moins triste sa tombe.
(Rêves)