Retour sur la résidence d?auteur et les actions des bibliothèques en faveur des publics éloignés de l?écrit en Pays de Morlaix dans le cadre du Pacte d?Avenir 2014 pour la Bretagne.
Diffusion de quelques extraits du film À la lettre de Marianne Bressy
- Hélène Fouéré, directrice de la Médiathèque Per-Jakez-Hélias de Landerneau ;
- Sébastien Portier, responsable Culture Animation au Centre Hospitalier de Lanmeur ;
- Frédérique Niobey, écrivain.
- Christelle Kerebel, Jeanine Kervella, Dominique Pestel, articipantes aux ateliers d?écriture menés à la Médiathèque de Lesneven
Table ronde du vendredi 21 novembre 2014 - à l'occasion des Rencontres "Le livre, la lecture et la littérature demain?..." organisées par Livre et lecture en Bretagne et la Bibliothèque des Champs Libres à Rennes.
Plus d'infos sur http://lalecturedemain.wordpress.com
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Soudain, il lui vint à l'esprit que le départ de Pierre Goascoz, juste avant le raz-de-marée, signifiait que son ami (était-il vraiment son ami?) avait trouvé la bonne heure pour atteindre l'autre rivage.
Et maintenant, il savait.
Alain Douguet, Corentin Roparz, Yann Quéré et le mousse Henri savaient aussi. Lui, Nonna, était laissé pour compte.
Il eut envie de mourir.
mais, la mort serait une défaite pour qui n'avait eu d'autre désir que d'entrer vivant dans l'au-delà.
A tout prix, il lui fallait rejoindre ceux de "l'Herbe d'Or."
Le moyen, il le trouverait.
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Un jour, Alain Le Goff me demande : "Seriez-vous capable de me trouver avant ce soir deux bâtons qui n'ont qu'un seul bout chacun ? J'en ai grand besoin et le temps me manque pour les chercher moi-même. Vous aurez une pièce de deux sous pour votre peine."
Je ne réponds pas tout de suite. [...]. Avec ses deux bâtons à un seul bout chacun il me prend de si court que je suis sur le point de me tirer d'affaire en inventant quelque prétexte sur le chaud. Si je ne le fais pas, c'est parce que j'appréhende de voir les yeux bleus du grand-père se détourner de moi pendant qu'il dira en soupirant : "Alors, il faudra que je donne mes deux sous à quelqu'un d'autre."
Jamais de la vie ! Les deux sous, je m'en moque, mais le quelqu'un d'autre je ne veux pas en entendre parler. [...].
- Alors, dit Alain Le Goff en tirant sur sa pipe, je ne peux pas vous faire confiance ?
- Deux bâtons à un seul bout chacun, c'est difficile à trouver. Mais peut-être, si vous pouviez vous contenter d'un seul ...
- Ils vont toujours deux par deux, c'est tout ce que je sais. Si vous mettez la main sur l'un, vous tenez l'autre en même temps.
- Et de quel côté sont-ils les plus nombreux ?
De tous les côtés, dit Alain Le Goff.
- Mais comment reconnaît-on qu'un bâton n'a qu'un seul bout ?
- Comment ? Vous ne savez pas ? C'est quand l'autre bout n'est pas là ! [...]
Quand on est né le plus pauvre parmi les pauvres, il est bon d'avoir quelque hautesse dans le cœur.
Un notaire en saura toujours plus qu'un percepteur et un médecin moins qu'un vétérinaire. Quant au gendarme, il ne saura rien du tout à moins qu'il ne soit du pays en question, auquel cas il sera très peu gendarme.
L'ignorance n'est jamais une offense, mais c'est toujours un plaisir d'apprendre ce qu'on ignorait jusque-là.
De midi à trois heures, on fera un énorme fricot. On fera connaissance d'une famille à l'autre, on échangera des nourritures et des propos de bon sens. (...) Et tous les reliefs seront ramassés, rien ne traîner, au besoin on creusera un trou pour y mettre les petits débris inutilisables et l'on rebouchera soigneusement. Il ne faut pas salir ce qui n'est pas à vous. Pauvres, sans doute, mais civilisés. (...)
Et nous les enfants, déchaussés, nous partons dans les champs d'écueils à la recherche des crabes verts et des petits poissons à grosse tête qui pullulent dans les trous d'eau. Mais on nous a bien recommandé, à chaque fois que nous retournons un caillou, de le remettre à sa place.
Il y a trois sortes d'hommes : les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer. PLATON
Et je n'ai jamais vu l'océan se mettre dans cet état. C'est parti sans crier gare, ça s'est mis à fermenter dur sous l'Herbe d'Or et aussitôt le ciel est entré en action, les vents nous ont foncé dessus de partout, ils n'arrivaient pas à trouver leur lit. Par moments tu te rappelles, ils se contrariaient tellement, ils barattaient si bien la surface qu'on aurait dit un tremblement de terre.
Au Pays Bigouden, la misère était encore le lot de bien des gens au début du siècle. C'était une calamité comme une autre et contre laquelle on ne pouvait pas grand-chose. Le moindre coup du destin suffisait à y faire tomber ceux qui étaient déjà en prise au diable sans le loger dans leur bourse ni le tirer par la queue, comme on dit en français. Le naufrage, l'invalidité, la maladie sur les hommes ou sur les bêtes, le feu dans la paille, une mauvaise récolte, un maître trop dur ou simplement les sept malchances quotidiennes vous jetaient pour un temps sur les routes, vous obligeaient à tendre la main au seuil des portes, la prière entre les dents et les yeux fermés sur votre humiliation. Quelquefois, les hommes choisissaient de se pendre et il y avait toujours, dans l'appentis, une corde qui ne demandait que cela. Les femmes préféraient se noyer et il se trouvait toujours un puits dans leur cour ou un lavoir au bas de leur champ.
133 – [Terre humaine/Pocket n° 3000, p. 29-30]
Quand le dernier homme quitta le village, ceux qui restaient là-haut savaient déjà qu'il ne reviendrait plus que pour rendre visite à sa parenté, de loin en loin, si sa bourse était assez forte pour supporter les frais du voyage et lui permettre de faire bonne figure aux lieux de son berceau. Bonne figure, mais pas plus.