- [...] L'éloquence n'est qu'un joli coffret. Mais rien ne vous assure de la qualité de ce qu'il récèle. Il cache parfois les intentions les plus sournoises.

Le démon tourna vers elle ses yeux intrigants. La jeune fille comprit que c’était là, dans ce regard magnétique, que l’on pouvait deviner qu’il n’était pas humain. Pourtant, il ressemblait tellement aux hommes. Il avait l’air d’un enfant sauvage qui prend soudain conscience de lui-même.
Soudain, il fit un pas vers elle, la faisant sursauter.
— Attends, attends ! Doucement… l’intima-t-elle en posant ses mains devant elle.
Mais Ermès continua à avancer avec plus d’assurance. Kalis attrapa d’un geste vif un morceau de bois et le pointa devant elle. Elle imprima quelques gestes dans l’air pour le faire reculer mais cela fut loin d’intimider la créature qui, une fois à son niveau, attrapa l’autre extrémité du bâton. Doucement, avec prudence, Ermès leva sa main vers le visage de Kalis.
— Je peux… te sentir.
Les doigts dorés sur sa joue blanche, tous deux s’observèrent de longues secondes. Les iris d’or faisaient écho aux yeux noirs striés de lumière. Leurs deux cœurs battaient de concert, comme s’appelant l’un l’autre. Kalis ressentit à nouveau cette attirance irrépressible mue par ce fil magique qui les reliait. Puis le démon se détourna et rompit le lien.
Ermès marchait à présent de long en large en serrant les dents. Son regard ne portait plus aucune douceur, il se fit froid, distant, presque mauvais. Il jetait de temps à autre des regards furtifs vers la jeune fille, trahissant ainsi qu’elle se trouvait au cœur de ses pensées. Cela eut le don de la préoccuper. Quelle faute avait-elle commise ? L’avait-elle offensé ?
Et puis, tu sais ce qu'il advient des secrets : chacun les raconte en faisant promettre à l'autre de garder le silence. Et ils circulent aussi vite et aussi furtivement qu'un serpent entre les hautes herbes...
L'équilibre d'un parfum s'évalue sur trois critères : la volatilité, l'intensité et la ténacité. Il faut que les molécules s'organisent entre elles. Les notes de têtes sont perçues les premières par l'odorat. Ce sont les agrumes, comme la bergamote qui imprègne vos vêtements. Cela vient de la boutique de thé, je présume. Puis elles s'évaporent car elles sont plus volatiles. Elles laissent place aux notes de cœur comme les essences florales. Puis, après un certain temps viennent les notes de fond : les épices, les bois, les résines... Ce sont les senteurs les plus persistantes. Ce sont elles qui resteront après que toutes les autres se sont évaporées.
Je vous souhaite de parvenir à créer une belle histoire autour de la naissance de votre oeuvre. Ce ne sera pas chose aisée. Elle est déjà marquée du parfum de la trahison.
L'éloquence n'est qu'un joli coffret. Mais rien ne vous assure de la qualité de ce qu'il recèle. Il cache parfois les intentions les plus sournoises.
Le talent qu'avaient ses compagnons de voyage pour se blesser la laissaient pantoise. La triade devait être au complet pour qu'ils aient une chance d'atteindre leur objectif. Chacun d'entre eux était essentiel au bon déroulé de cette excursion, sans compter que Nimué commençait à s'attacher à ses singuliers compagnons.
C'est sans scrupule que vous m'envoyez au-devant des ennuis, duchesse. La chasse aux secrets n'est pas un loisir sans risque. La dernière fois, suivant vos désirs, j'ai passé la soirée dans un salon enfumé avec des membres de la compagnie des Orfèvres. J'en suis ressorti saoul comme un cochon et fumé comme un jambon.
Les sentiments ne viennent pas du cœur, rétorqua froidement Lugen, insensible à la tentative de rapprochement de Nimué qu'il percevait à peine. Vous savez, ce ne sont en vérité que des réactions chimiques dans le cerveau, rien de plus que des réactions électriques que s'échangent les neurones.
Mais je dois maintenant faire mes preuves et veiller à ne pas tenir l'image de la maison. Me voilà sans cesse épiée, jugée. Chaque murmure dans mon dos est un souffle destiné à me faire chuter. J'ai l'impression qu'on me demande de me tenir droite en haut d'un mât en pleine tempête.