Miya est une jeune femme qui vient de débarquer en France. Elle est étudiante en lettres. Elle vient d’Afrique. Son pays n’est pas nommé. Quand commence ce roman, c’est sa fragilité qui nous est offerte. La personne sensée l’accueillir n’est pas là et son esprit gamberge. Au fil des pages, on comprend les raisons de son incertitude. Son immigration est le fait d’un acte improbable de bonté et qui sera mené à son terme.
Au commencement, la lettre électronique
C’est par le biais d’un échange par e-mail que cette étudiante fait la rencontre de Corinne, une française. Evangélique de son état, Corinne se prend de compassion pour Miya et s’engage à simplifier sa venue en Europe en vue de poursuivre des études qui ne peuvent aller plus loin dans la terre natale de Miya. Les parents de cette dernière entrevoient avec méfiance ce projet sur lequel ils n’ont aucune prise si ce n’est pour soutenir le billet de départ. Que va devenir, leur fille, leur sœur sans ressource ? Que se cache-t-il derrière la main tendue de Corinne ?
Toutes ces questions, c’est au travers d’un autre échange électronique qu’on les découvre. Confrontée au challenge des réalités françaises et de la vie d’une étudiante et surtout d’une immigrée, Miya renoue le contact avec une collègue restée au pays, Inès Mokanda. Inès tient un cybercafé et elle peut donc se permettre une correspondance soutenue et désintéressée avec son immigrée de copine. Miya lui confie son regard sur la terre qui l’accueille, sur cette femme qui l’héberge, Corinne. Elle décrit toute la complexité d’une telle cohabitation, quand on se sent redevable à une personne qui nous donne sans attendre quoique soit en retour. Elle analyse également les conditions de son intégration et son indépendance matérielle à acquérir…
De la camaraderie à l’amitié : difficulté d’un échange
La difficulté de cet échange épistolaire se pose à la fois au niveau de la relation entre Miya et Inès et sur le support de la communication choisie. En proposant un échange par e-mail, Liss Kihindou a pris un risque considérable. Celui de quitter le registre de l’épitre pour une communication plus superficielle. On peut difficile envisager un échange aujourd’hui qui se construit sur un ressenti immédiat et twittage au gré de ses humeurs. Quand Miya se connecte, elle expose son regard sur la pensée qui la préoccupe, sur un mode de fonctionnement culturel qui la déconcerte ou sur une dispute avec Julien. Ne comptez pas sur moi, pour vous dire qui est Julien. Miya a besoin de parler et d’évacuer un trop-plein. Elle n’est parfois pas très attentive aux attentes d’Inès et passe du coq-à-l’âne de manière impromptue, avec des ruptures qui dérangeront le lecteur. Mais, il est important de ne pas oublier que ce ne sont pas des correspondances d’autrefois qui imposaient recul et analyse après coup et réception dans une boîte aux lettres. D'une certaine manière, Liss Kihindou réussit son coup.
La relation d’Inès et Miya introduit également un problème pour le lecteur. Ce ne sont pas des amies. Celles et ceux qui attendront la profondeur d’échanges que Rama et Aïssatou dans le mythique roman de Mariama Bâ, feront une faute d’analyse. Miya ne se livre pas auprès d’Inès, très inquisitrice dans ces questions. Elle glisse les informations avec parcimonie pour tout ce qui touche à l’intime et son intégration qui prend des formes très délicates. Là, encore, Liss Kihindou est juste sur la question de la structure. Néanmoins, le regard que Miya porte sur les questions qu’elle aborde reste très superficiel et inachevé. Le seul domaine où elle se livre, est finalement celui de son désir d’écrire et la difficulté de publier. L’échange gagne en intensité, car les deux correspondantes s’affrontent alors réellement comme seules deux amies le peuvent.
On attend la suite
On peut donc regretter la forme de l’échange que Liss propose, qui en plus, ne lui permet pas de déployer une écriture que l’on sait plus maîtrisée par la critique et l’essayiste que nous connaissons. Et sur le fait qu’elle trompe ses lecteurs en les conduisant sur des diatribes d’émigrés en mal d’épaules consolatrices. Le sujet de ce roman est l’amitié qui subrepticement se forme. Espérant, que le prochain échange d’épîtres, cette fois, nous livrera les confidences entre Inès la dévergondée et Miya la chaste. A suivre, donc.
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