[Son uniquement] Un podcast de Paméla Ramos pour la Librairie Une Page à Ecrire
Le poète, comédien et conteur Fred Pougeard lit un choix de textes sur la poésie (Borges, Ted Hugues, Marcelle Delpastre, Pascal Adam, Ludovic Janvier). Paméla Ramos présente et lit quelques extraits de Via Ferrata de Fred Pougeard, un recueil de poésie paru en 2021 aux éditions Thierry Marchaisse. Captation de la lecture de Fred Pougeard le samedi 18 juin 2022 à la librairie Une page à écrire, à Janville (28).
Retrouvez également un entretien écrit que l'auteur nous a donné à ce lien : https://www.unepageaecrire.fr/entretien-fred-pougeard/
+ Lire la suite
Neige dehors, neige dedans
Neige lente sur les frissons
Neige noire à crever les yeux
Pas un humain qui vous réponde
Il doit leur neiger sur la voix
Est-ce que tout le monde est mort ?
Est-ce que je suis le dernier vivant
Enfoui sous quelques flocons de rien ?
…
Corrompu jusqu’à l’os par le deuil et le froid
Car il neige à n’en plus finir
De plein fouet sur le chagrin
Comme autrefois, doucement, sans pardon
Neige légère à serrer le cœur
Neige lourde à tuer le temps
C’est bien l’éternité comme prévu
Qui précipite exactement sur moi.
C’est tout simple : Il ne fallait pas naître !
BÊTE À RESSAC
Pleurer fatigue face à la mer
on a l’air bête à cause du ressac
on ne s’entend ni jurer ni gémir
hurler revient dans la figure
une respiration brute à haute voix
cogne la rage et la disperse
infime sur l’énorme instant
où tu restes planté sans regard
seul vivant debout sur la plage
oublié là par l’infini
J'ai marché mot à mot sur des pages au hasard
voilà que d'un seul coup ça respirait tranquille
j'avais trouvé je continue j'inspire
j'expire calmement sous le vent des paroles
Dire bleu parce qu'on cède et parce qu'on oubli
nommer les bleus pour garder sur la langue
tout ce parler d'aveugle au goût bleuté par l'indicible

FINISTÈRE
Toute l'allure offerte au vent
qui nous arrache à la mémoire
on se livre aux paquets d'embruns
accourus sur les déferlantes
serrés dans les griffes du sel
on s'adonne au sourire d'être
il y a des craquements de soie
dans la nue saturée d'orage
une cavalerie d'écume
explose à la gorge des rocs
l'océan bombarde au canon
il vous résonne dans le cœur
brusquement la toiture d'encre
croule toute il pleut aux éclats
une eau qui vous crible et vous rue
sauvage à même la figure
on respire debout sur soi
bouche ouverte au cri des rafales
mais à peine tu fais l'aveugle
sous les morsures et la pluie
qu'une voile au ciel se déchire
dans les mystères du gréement
fantôme lavande allé fondre
à l'immense estuaire de froid
sentinelle du continent
émincé par les vents d'aval
tu es debout dans l'échappée
qui mène aux quatre coins du jour
l'Europe avec la Sibérie
finissant à la mer d'Iroise
l'eau laiteuse revient mourir
au sable écume éblouissante
un cri de mouette se balance
à la voûte bleue de l'instant
d'un seul coup le mot Finistère
annonce un pays de cristal
Rien que le goût d’habiter nus
Dans la maison légère de l’odeur
Rien que deux folies au secret
Faisant crier la douceur de la greffe
Rien que ce goût de sel aux bouches
Deux chairs cognées par un seul bruit de cœur
Rien que mordre à l’un mordre à l’autre
Forts de l’instant qui va jusqu’à nos pieds
Rien que boire à l’un boire à l’autre
L’ombre est dedans on y ferme les yeux
Respirer rien que respirer
En voyageant par le calme du lit.
( « Rien que » p95)
CHAISE LONGUE
Le temps que je veux perdre a goût de sucre défendu
aujourd'hui je me fous du malheur d'être né
j'ai culbuté avec âme et savoir bien au fond
de la chaise longue offrant aux nuages l'impatient
abouché par le souffle à l'air immobile j'attends
guetteur de fin silence à la recherche du passage
qui s'ouvrirait au beau milieu des mots comme un dimanche
à la caresse d'éternité
oui l'impatient
couché pour son interminable adieu sourire aux lèvres
COMME SI RIEN ÉTAIT
Je me déplace à l'intérieur de moi
cherchant la position pour faire face
au suspens clair entrevu tout à l'heure
lorsqu'en me retournant vers la fenêtre
au ralenti comme si rien était
j'ai senti par surprise m'élargir
un goût de calme égal au bleu du ciel
un deuil léger depuis me cherche encore
la procession des mots va regrettant
l'instant parfait qui me pèse et m'assemble
Femmes qui passent ne veut pas dire
qu'elles passent au large de moi
mais qu'elles passent à travers moi
regards allures et parfums
en y laissant de multiples traces
aussitôt gonflées comme un plumage
lequel tarde à se refermer
Si tu meurs…
Si tu meurs
un beau jour
attention
à la marche
tu croiras
que ça monte
pas du tout
ça descend