Les Matins de France Culture - Les grands événements sportifs ont-ils encore un avenir ?
Les JO fabriquent un monde à l’image d’une immense compétition. Ils fabriquent ou plutôt redoublent le monde de la compétition économique capitaliste par une compétition, pour le coup, musculaire entre les individus censés représenter leurs nations (il est pourtant précisé dans la Charte olympique que les compétitions se déroulent entre athlètes ou entre équipes, et non entre nations).
Dans le sport, personne ne conteste la compétition, qui en est aussi le moteur et reste surtout son “point aveugle“. Et pourtant le sport de compétition ne ressemble en rien au jeu ou à l’activité ludique, qui eux font appel à la liberté de se mouvoir quand on veut et où on veut, à la gratuité, à la non discrimination entre les sexes, à l’accueil de corps différents, à l’indifférence quant aux résultats, aux refus de la performance, du record et de la prouesse, au rapport libre, organique et plastique avec une nature non artificialisée.
Cet essai a pour ambition de montrer que le puissant processus de mondialisation en cours - une forme capitaliste qui recouvre maintenant la totalité de la planète et commence à la désintégrer - a été à la fois mie en oeuvre, capté et orienté par un phénomène sociale profond dont nous voudrions mettre au jour les principales lignes de force et la large sphère d'influence. Ce phénomène extraordinaire pèse de tout son poids et augmente sans cesse sa pression sur les possibilités même d'intelligibilité de la société devenue opaque à sa propre connaissance, un phénomène qui façonne, en retour, la réalité à son image. Mais ce n'est pas l'essentiel. Le phénomène que nous allons décrire ressortit surtout à une colonisation du corps de nombre d’individus qui s'y adonnent sans relâche et à une mutilation de la conscience de tous ceux qui sont fascinés par son spectacle.
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"L'art en tant que processus de l'imaginaire et le jeu en tant que jouissance sont tendanciellement remplacés par le sport en tant qu'activité créatrice, lieu d'invention. L'instinct de jeu est happé par le principe de réalité au détriment d'une réconciliation avec le principe de plaisir."
Ce qui nous intéresse ici est la façon dont les JO parviennent à faire partager l’idéologie de la compétition des uns contre les autres au nom du bonheur d’être ensemble, de la citoyenneté partagée, de la santé, de l’éducation, de la culture pour tous, etc.
"Le sport est devenu le mode même de la mondialisation en cours, davantage qu'un reflet et beaucoup mieux qu'un modèle, son projet; (...) Le sport est devenu le plus puissant média du monde."
Nous allons donc voir comment la vague numérique va sans aucun doute renouveler les modes de « supportérisme » au sein des stades. Mais aussi comment le numérique va radicalement transformer les rapports des individus entre eux au cœur d’une structure architecturée, le stade, et plus lointainement dans la ville, jusqu’aux appartements et autres lieux de résidence capables de recréer à une échelle beaucoup plus petite l’ambiance d’un stade
"Rouleau compresseur de la modernité décadente, le sport lamine tout sur son passage et devient le seul projet d'une société sans projet. Le monde prend la couleur du sport.(...) En tant que puissance mondiale, le sport est non seulement une force de rassemblement, d'unification, mais mieux encore, le mode de la mondialisation en cours."
"La massification totalitaire des individus faisant corps avec le stade s'avère un puissant facteur de fascisation émotionnelle."