AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de coquecigrue


(…) le changement de résidence du prince de Guermantes eut cela de bon pour moi que la voiture qui était venue me chercher pour me conduire et dans laquelle je faisais ces réflexions dut traverser les rues qui vont vers les Champs-Élysées. Elles étaient fort mal pavées à cette époque, mais, dès le moment où j’y entrai, je n’en fus pas moins détaché de mes pensées par une sensation d’une extrême douceur ; on eût dit que tout d’un coup la voiture roulait plus facilement, plus doucement, sans bruit, comme quand les grilles d’un parc s’étant ouvertes on glisse sur les allées couvertes d’un sable fin ou de feuilles mortes ; matériellement il n’en était rien, mais je sentais tout à coup la suppression des obstacles extérieurs comme s’il n’y avait plus eu pour moi d’effort d’adaptation ou d’attention, tels que nous en faisons, même sans nous en rendre compte, devant les choses nouvelles ; les rues par lesquelles je passais en ce moment étaient celles, oubliées depuis si longtemps, que je prenais jadis avec Françoise pour aller aux Champs-Élysées. Le sol de lui-même savait où il devait aller ; sa résistance était vaincue. Et comme un aviateur qui a jusque-là péniblement roulé à terre, « décolle » brusquement, je m’élevais lentement vers les hauteurs silencieuses du souvenir. Dans Paris, ces rues-là se détacheront toujours pour moi en une autre matière que les autres. (…) il me sembla que la voiture, entraînée par des centaines de tours anciens, ne pourrait pas faire autrement que de tourner d’elle-même. Je ne traversais pas les mêmes rues que les promeneurs qui étaient dehors ce jour-là, mais un passé glissant, triste et doux. Il était, d’ailleurs, fait de tant de passés différents qu’il m’était difficile de reconnaître la cause de ma mélancolie (…)
Commenter  J’apprécie          120





Ont apprécié cette citation (10)voir plus




{* *}