Citations de Marguerite Paulin (22)
Ma bite a toujours été comme mes livres, très longue
Dans un monde factice où le masque prévient le visage, où le rôle résume l'homme, comme des mouches dans le miel on s'agglutine aux apparences, le masque se colle au visage, le rôle marque l'homme ; on vit comme au théâtre, oubliant le reste du monde, sur une scène exiguë ; on traîne vers la mort, après son petit personnage, comme une ombre démesurée, un inconnu gigantesque au visage effaré. Ferron Jacques, Le Don Juan Chrétien p.349 in Théâtre 1, Éd. Typo no47
L’histoire de Maurice Duplessis s’avère l’histoire d’une passion, celle du pouvoir : comment s’y préparer et y accéder, comment le reprendre à l’adversaire, comment s’y maintenir. Allié par sa famille à l’élite bien-pensante, brillant avocat et orateur talentueux, Duplessis est aussi reconnu comme un fin parlementaire. Fils de politicien, il voit tôt à se créer un réseau d’espions qui lui donneront des yeux et des oreilles partout, s’assurant ainsi d’un parfait contrôle. Ses fidèles lui resteront dévoués malgré son arrogance et son refus d’avouer quelque tort que ce soit. C’est que, faut-il le rappeler, Duplessis sait récompenser.
Politicien exceptionnel, charismatique, orateur enlevant, chef du Parti patriote, père des 92 résolutions de 1834, nationaliste démocrate.
Leclerc souffrit durablement de ne pas avoir éténplus marquant comme écrivain que comme chansonnier.
Robert posa les yeux sur un bâtiment délabré, une grange à l’abandon. Se souvenant encore des images de l’émission, il se dit que c’était la fameuse bergerie de Jehane et de Bernard Benoit. Soudain, et ce fut comme un choc, il se revit entrer dans cette bergerie. Alors l’espèce de sentiment de déjà-vu qu’il éprouvait depuis son arrivée se dissipa. Mais oui ! Il était déjà venu là, avec sa mère, lors de quelques jours de vacances en Estrie chez une cousine éloignée qui avait eu pitié de leur conditionde citadins. Robert se souvint des moutons en liberté, et du mari de Jehane, Bernard Benoit.
Rien ne destinait René Lévesque a devenir premier ministre du Québec.
Ce dénouement est l’aboutissement d’un parcours qui remonte à quelques mois à peine. Décembre 1967. Ministre de la Justice, Pierre Trudeauest à son bureau quand un ami entre en coup de vent :— Sais-tu la nouvelle ? Mike va démissionner !— Et alors ?— Mais Pierre ! Pearson s’en va. La place est libre :c’est toi qu’il nous faut. À soixante-dix ans, Lester Bowlings Pearson, que ses amis surnomment Mike, prend sa retraite. Son départ signe la fin d’une époque.
2. « Nelly a beaucoup travaillé dans sa vie. Petit soldat du sexe, petit soldat des études, petit soldat de l'écriture. Dans Putain, le plus achevé de ses ouvrages, même si Folle est encore plus acéré, elle a livré une immense description de la femme. Un tableau magistral. À faire pâlir un certain nombres d'intellectuelles occidentales bardées de diplômes et fortes de leurs encyclopédies trop souvent illisibles, pour ne pas dire indigestes et soporifiques, ou encore de leurs essais et de leurs romans abscons et arrogants. Nelly, elle, a su faire en sorte que beaucoup d'hommes lisent sa description de la femme alors que la plupart d'entre eux gerbent à l'idée même d'ouvrir un livre de celles qu'on appelle les "féministes". […]
[Nelly] les défend toutes, les femmes, depuis les temps anciens jusqu'à ses jours à elle, les décrivant sans aucune complaisance, clairement. Une somme sur la femme, elle a écrit, Nelly.
En cela, elle avait le rare bon côté des universitaires honnêtes, vraiment convaincus et humbles. Elle cherchait vraiment, analysait vraiment, ré-flé-chis-sait. Penser, penser, cela revient sans cesse sous sa plume et dans ses propos. Elle déplore, elle souffre à mort que la société – comme la femme, d'ailleurs – se vautre dans sa banalité, son ignorance, sa laideur, sa médiocrité, ces codes tout faits auxquels on doit obéir sans se poser de questions. Nelly vomissait tout cela. Elle était, à sa façon, une historienne de la femme, une scientifique de la femme, un chercheur avec sa panoplie de preuves à l'appui, années d'expérience en laboratoire, sur le terrain. » (pp. 265-266)
Isabelle voue un culte aux stars, à la mode, à la beauté et tout autant aux livres. Ce goût, elle l’a depuis sa toute petite enfance, et l’aura toujours.
Cet univers artificiel, Isabelle ne sait pas qu’il l’est. Pour elle il est réel. Il existe. Elle n’y a tout simplement pas accès pour l’instant, c’est tout. Au cours d’heures d’observation inlassable, elle s’approprie ce monde en pensée, s’en empare. Ce monde est le sien. Dans ce monde, tout va bien. Les gens sont éternellement beaux et jeunes. Riches aussi. Ils roulent en Porsche et en Ferrari, en hélicoptères, bronzent sur des yachts dont ils n’ont pas à s’occuper, se meuvent dans des palaces à ciel ouvert, remplis de plantes grandes comme des arbres.
L’obsession se métamorphose. L’obsession est une plante carnivore affamée.
Elle ressemble à son livre. Une révolte grondant sous une sensualité troublante, entre beauté et tourmente. Il réprime un sourire, un contentement. Cette fille est inespérée. Un étonnant et savant mélange de séduction et d’intelligence. Sois belle et tais-toi ne lui va pas du tout. Arcan changera la donne. À elle on dira, il en est sûr : « Sois belle et parle. »
1. « Démarquer le vrai du faux ! Nelly Arcan éclate de rire en elle-même. Elle est bien plus futée que ça. Elle a souvent, d'ailleurs, une espèce d'allure de petit lutin, de schtroumpfette, un éclat insolite comme si elle sortait d'une fable ou d'une forêt enchantée. La vérité, c'est qu'elle est très vieille dans son enveloppe de jeune femme. Derrière elle, il y a des milliers d'années d'existence. "Oui, répond-elle, avec son petit sourire craquant, vraiment sympathique, cette femme c'est moi." Mais quand elle dira cela, elle ne fera que reprendre l'illustre déclaration de Gustave Flaubert : "Madame Bovary, c'est moi !" Nelly avait des lettres, des références, elle n'était pas un électron libre. En elle, il y eut toujours une étudiante appliquée, aspirante chercheuse, une étonnante analyste. » (p. 26)
L’adolescence est une période difficile à passer. Ce n’est pas pour rien qu’on appelle cela l’âge ingrat…
Un jour, la littérature lui permettra de tricher à cœur joie, ou encore l’âme en peine, avec la vérité. Écrire est une immense liberté, un puissant dérivatif. Alors, Nelly n’est plus aux prises avec des problèmes de culpabilité et d’autocensure qui assaillent et bloquent tant d’artistes. Elle, elle dira crûment les choses. Comme elles viennent. Comme elles sont en elles.
Elle invente tout le temps, Isabelle-Nelly, c’est un trait dominant chez elle, et elle fera cela toute sa vie. Non pas mentir vraiment, mais changer, transformer, fabuler parfois, tronquer le réel, ce qui se passe vraiment. Aucune mauvaise intention dans ce comportement, qui est sans doute une défense, un mécanisme de survie. Après tout, Nelly est une artiste. Elle construit sa vie, la reconstruit, la déconstruit, sinon tente d’en réchapper.
La littérature distille sa propre vérité. Même lorsqu’elle colle à la vie, elle est un univers à part, régi par ses propres lois. Or, au Seuil, c’est de la littérature qu’on vend. Le reste n’a aucune importance.
Vieillir est une horreur. Un naufrage. Aucune issue à cela. Sauf la mort. Aucune importance si cette mort est prématurée, pourvu qu’elle serve à éviter le massacre de l’inévitable décrépitude.
Dans le meilleur des mondes, un monde intègre, honnête, généreux, constructif, enthousiaste, bien sûr que les choses se passent comme cela. Le meilleur des mondes : un monde comme Nelly, sincère et authentique, derrière une apparente fabrication… Or, dans le vrai monde, la vraie vie, l’orchestration des événements n’est de toute évidence jamais aussi lisse, simple et fluide.