Marie-Noëlle Hébert

Dans ma famille, on me dit que j'exagère. Que c'est partout pareil.
Les femmes se lèguent la honte de leur corps de génération en génération.
Le patrimoine est fort.
Le jugement des autres. Le manque d'estime de soi. Ne pas être grosse. Pour toujours.
Elles ont jugé qu'il était plus important de m'enseigner à rentrer mon ventre plutôt qu'à me redresser et être fière de moi.

Ne plus s'effacer.
Se libérer du corps enseigné, tenu pour acquis, en devenant de plus en plus solide et pleine.
Être moi.
Et ne plus commettre l'erreur de m'en excuser.

C'est comme si je me voyais pour la première fois. Je me trouve si stupide de ne pas l'avoir vue avant... ma laideur.

Je voudrais tellement être quelqu’un d’autre.

J’haïs. J’haïs tout.

Moi moi moi.

J’ai surtout envie de mourir.

(Quai no 5, p.59)

Elles ont jugé qu'il était plus important de m'enseigner à rentrer mon ventre plutôt qu'à me redresser et à être fière de moi.