Marie-Paule Farina

« Dites, mais ne nommez pas les choses par leur nom : c'est l'essentiel. »
Pour être invité à joutes les tables et raconter ses amours, Casanova se devait de respecter cette règle de bon goût.
Sade, disons-le tout de suite, est de très mauvais goût : des odeurs, des saveurs, « désagréablement » mêlées et « désagréablement » répétées, trop de philosophie trop de philosophie pour certains, trop de foutre pour d’autres, trop de merde pour la plupart, trop de longueurs pour tous.

« La mauvaise odeur : un préjugé. Toutes éliminations répugnantes – et pourquoi ? Parce qu’infectes ? Pourquoi infectes ? Elles ne sont pas nuisibles… Le dégoût s’accroît à proportion du raffinement, » Nietzsche a lu Sade, il sait que « la fange de l’existence constitue le meilleur des engrais » et qu’à tout prendre la plus raffinée des philosophies n’est rien d’autre qu’une transfiguration d’un état du corps et qu’un malentendu sur le corps.
Quel lecteur de Justine ou Juliette pourrait ignorer cela ?

Pour lire Sade et embarquer sans risque il faut se munir de deux pare-faux : SPINOZA ET NIETZSCHE. Nietzsche qui rappelle que « le jugement du point de vue de la dégustabilité (c’est à vomir !) est le jugement fondamental de la morale » et Spinoza, que « le mot chien ne mord pas ». Sade, quant à lui, est avant tout, romancier…
(...) S’il écrivait le mot chien, Sade réussirait au moins à le faire aboyer, alors quand il écrit les mots « vit » con », « cul » nous nous sauvons comme des petites poulettes effrayées et réclamons des censeurs qui remettent aux phrases leur pantalon !