Cette nuit-là, je ruminais encore longtemps les paroles d'Iris. "Alors, pour la première fois, j'ai eu l'impression de ne plus connaître ma fille."
Est-ce que ça arrivait à tous les parents de ne plus connaître leurs enfants du tout ? Peut-on prétendre connaître vraiment quelqu'un ? Est-ce que je connaissais vraiment Alex et Jan ou seulement l'image que j'avais d'eux ? Le problème c'est qu'on ne peut regarder que de l'extérieur, mais que les secrets sont cachés bien loin de la surface.
Pourquoi faut-il que certains secrets soient aussi douloureux ?
Aujourd'hui, j'étais en pleine forme : je fis glisser l'archet sur les cordes, susurrer, chanter et pleurer mon violoncelle.
D'abord, tu avances en tâtonnant de note en note, en trébuchant et en essayant de tout faire comme il faut. Comme un randonneur qui s'échine à franchir un sentier de montagne escarpé, tu te surpasses... Puis, tout à coup, tu te retrouves au sommet : tu y es. Et, en ce moment, les deux vont de pair. Tu regardes les paysages de sons qui s'étendent devant toi, en contrebas, et tu t'aperçois que ce sont les paysages de ton âme. Ce n'est que lorsque tes mains font ce qu'il faut que tu atteins cet état de rêverie où tout le reste se fond dans l'insignifiance... Lorsque l'archet devient le prolongement de ta main et que tu ne sais plus où ton instrument s'arrête et où tu commence, tu joues réellement de la musique. Chaque mouvement, précis, au moment précis.
Mon corps se décomposa. Je voulais pouvoir jouer à tout jamais. La vie serait alors supportable.
Et c'est alors que je sus ce que je trouvais de si étrange chez elle : d'autres s'habillaient en noir parce que c'était chic ou que ça amincissait ou parce que ça leur plaisait. Mais Mia le faisait comme une veuve, comme quelqu'un qui porte le deuil.
Pour qui ou pour quoi ?