Percy Parkhoffer, tranquillement allongé sur le lit de la maison de retraite, caressait doucement le dos de la petite chatte bigarrée qui lui pétrissait affectueusement la poitrine de ses griffes et le charmait de ses yeux dorés à demi ouverts. C'était comme si le Destin ou la Providence avait remarqué le sentiment croissant de désespoir de Percy et lui avait offert cette chatte perdue, adoptée la semaine précédente par la Maison de retraite pour acteurs d'Hollywood. Elle était autorisée à se promener dans les couloirs à sa guise, et cette petite pelote duveteuse servait de thérapeute ambulant aux résidants. Rien n'aurait pu rendre Percy plus heureux et plus fier que le fait que la chatte ait choisi sa chambre pour y passer le plus clair de son temps.
Puis il demeura là, allongé sur le dos, paralysé, engourdi des pieds à la tête, perdant son sang, se gargarisant d'eau de pluie et tâchant désespérément de respirer.
J' peux pas mourir, se dit-il. J' peux pas. Pas moi. C'est toujours les autres qui meurt. Pas vrai ?
A l' extrême limite de son champ visuel, il perçut un mouvement infime à la base du tronc du chêne. Ange.
Le siamois rampait vers lui, poussé par la curiosité proverbiale des félins. Il décrivit un cercle autour de son corps, en miaulant doucement, puis grimpa sur sa poitrine et le considéra à quelques centimètres à peine de son visage. S apetite tête inquisitrice emplit tout l'univers. Gray aurait aimé pouvoir bouger. Avoir l'usage de ses mains. pour tordre, serrer, étrangler.
Je te déteste, fit-il à la chatte in petto. Je te déteste tant. Saloperie. Putain de petite salope à fourrure.
Ange l'examina encore un instant dans un silence respectueux, puis penchant la tête, elle lécha la figure de Leonard Gray, qu'elle gratifia ainsi d'un affectueux baiser d'adieu de son cru.