Blanche enfile le talon gauche. Il est haut, il donne à son pied une position cambrée. On a peine à se représenter qu'elle tiendra sur ces deux échasses qui, leurs mesures additionnées, représentent à peine moins que la longueur de son mollet. Qu'à cela ne tienne, la mission est engagée: maîtriser le tueur invisible, l'encadrer, lui passer illico les bracelets. Elle se ravise.
Un absent est bourré de qualités, et des meilleures, celles que personne n'a. La preuve, on a érigé une statue au soldat inconnu, alors qu'il est censé représenter ses frères. Et l'homme est beau, fort séduisant, fort d'être mort pour la France, fort de n'être personne. Et à la fois tout le monde. Bon, le cas de cet absent relève du record absolu, parce qu'il a su n'être pas là pour rendre présents ceux qui ont continué à se battre.
Blanche se dit qu'à choisir, mieux aurait valu s'amouracher du soldat inconnu : on a moins de souvenirs et son image est pérenne.
Un héros, c'est plus joli qu'un salaud. p.69
« Ce métier est ma vie, même si je sais bien qu’il est à l’origine de mes ébauches de dépression. » (p. 15)
En attendant, elle est bel et bien célibataire et elle vous met au défi de la croiser au bras d'un garçon, de la surprendre sous un porche, à embrasser sans retenue ce qu'on pourrait prendre pour un amoureux. C'est un peu là son souci, elle a besoin de tendresse comme pas deux. Bien sûr, il y a les vertus du chocolat et un catalogue impressionnant d'antidépresseurs, le cinéma au coin, les viennoiseries moelleuses, quelques comédies romantiques pour écraser une larme et se dire C'est possible.
Bien sûr, il y a les proches, car rien ne vaut la famille, mais voyez-vous elle n'en a plus car ses parents sont morts. Elle en a marre qu'on tire à vue sur son ambulance. p.38
« On a le profil type des employées modèles même si on n’échangerait contre aucun or du monde nos caractères de garces. » (p. 82)