Citations de Mary Lynn Bracht (111)
Non seulement les soldats peuvent écraser la tête d'un Coréen sous le talon de leur botte, mais si la famille demande ensuite réparation, elle court le risque de voir sa maison brûlée ou de disparaître purement et simplement, pour ne plus jamais être revue.
- Et son rire, à quoi ressemblait-il ?
[...]
- Il ressemblait à un oiseau qui se laisse porter avec grâce par la brise d'été, comme soulevé par les vagues, et qui caresse le bout des branches d'arbres lorsqu'il passe. Il ressemblait... à la liberté.
_ Je n'ai jamais été une prostituée.
_ C'est tout ce que tu as à dire? fait-il en lui riant au nez. Tout le monde se fiche de savoir qui tu étais. Tu n'es rien.
Là-dessus, son doigt se pose sur la gâchette.
"Je suis une haenyeo", dit-elle en le foudroyant du regard. Les mots se mettent à sortir, pareils à une confession. "Comme ma mère, comme sa mère avant elle, et comme ma soeur qui le sera un jour, ainsi que ses filles _ je n'ai jamais été rien d'autre qu'une fille de la mer. Ni vous ni aucun homme ne pourrez me l'enlever."
_ Si tu me tues, tu es morte. Et je te promets qu'ils ne seront pas aussi gentils avec toi que je l'ai été.
_ Gentils? Vous ne savez même pas ce que ce mot veut dire. Vous nous traitez comme des chiennes. Vous, les soldats, vous, les hommes, êtes les pires créatures que porte cette terre. Vous semez la haine, la douleur et la souffrance partout où vous passez. Je vous méprise, tous autant que vous êtes.
"Pour cette millième Manifestation du mercredi, nous avons organisé un événement spécial. Deux artistes ont créé pour cette occasion une statue de la Paix en mémoire des souffrances endurées par celles que l'on appelait les femmes de réconfort. Ce monument est dédié à toutes les filles et les femmes victimes d'esclavage sexuel militaire, qui ont perdu leur enfance, perdu leur famille, perdu leur santé et leur dignité et pour un grand nombre d'entre elles que nous ne connaîtrons jamais, leur vie."
Avec la nuit sortent les monstres des abysses qui cherchent la lumière.
L'obscurité est synonyme de terreur.
-Nous portions toutes des noms de fleur à la place de nos vrais prénoms.
Les mouettes crient dans le ciel, ignorant tout ce qui se joue en dessous d'elles. Comme Hana aimerait que des ailes lui poussent pour s'envoler avec elles.
Nous plongeons dans l'océan comme nos mères et nos grands-mères et nos arrière-grands-mères l'ont fait avant nous depuis des centaines d'années. Ce don est notre fierté, car nous ne dépendons de personne, ni de nos pères, ni de nos époux, ni de nos grands frères, ni même des soldats japonais pendant la guerre. Nous attrapons nous-mêmes notre nourriture, nous gagnons nous-mêmes notre argent, nous survivons grâce à ce que la mer nous offre. Nous vivons en harmonie avec la nature.
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- A quoi tu penses ? murmure la fille assise à côté d'elle.
- Comment ? répond Hana en regardant tour à tour la fille et les soldats.
L'un d'entre eux s'est endormi, mais l'autre est en train d'astiquer son arme avec un chiffon gras.
La fille pose un doigt sur ses lèvres, en les frôlant à peine.
"Tu souriais, souffle t'elle, puis elle baisse les yeux vers ses mains tremblantes et les enfouit entre ses cuisses.
- C'est vrai ? demande Hana
- Oui je t'assure. Tu devais penser à quelque chose de merveilleux pour sourire dans un moment pareil" dit la fille.
Hana baissa la tête. Le rire d'Emika s'est envolé. Elle tente de le faire retentir à nouveau, mais impossible.
Merveilleux oui" dit elle.
Elle sent le regard de la fille sur elle. Un regard envieux. Combien de temps a t-elle dû voyager dans ce camion pour que la simple évocation d'un souvenir heureux provoque en elle une telle convoitise ? Hana croise son regard. Ses yeux son injectés de sang. Ses bras sont couverts de vieux bleus. Une pustule violette a poussé sur sa joue.
- Je me souvenais du rire de ma sœur. Elle n'a que neuf ans".
Hana continue de courir jusqu'à ce que ses poumons brûlent et que sa poitrine la fasse souffrir. Elle surmonte la douleur comme si cette course était la plongée la plus profonde de sa vie, comme si elle remontait des profondeurs les plus noires de l'océan, vers la lumière.
"Les mots sont un pouvoir, lui avait dit un jour son pére aprés lui avoir récité l'un de ses poèmes au message politique."
"Plus tu en connaîtras, plus tu auras de pouvoir."
"C'est pour cette raison que les Japonais ont " banni " notre langue natale.
Ils limitent notre pouvoir en limitant nos mots ...."
" Ces souvenirs la rongent et la nourrissent en même temps.
Ils emplissent le silence de sa minuscule prison, laissant sur elle des entailles comme la lame d'un couteau.
C'est cette " douleur " qui lui rappelle son sacrifice.
Si elle n'était pas piégée ici, sa soeur le serait à sa place.
Hana supporte sa vie au bordel, car un jour viendra où elle rentrera chez elle ......."
Je suis une haenyeo […] Comme ma mère, comme sa mère avant elle, et comme ma soeur le sera un jour, ainsi que ses filles – je n’ai jamais été rien d’autre qu’une fille de la mer. Ni vous ni aucun homme ne pourrez me l’enlever.
Plonger est un don. […] Flotter apaise son corps endolori. Retenir sa respiration pendant parfois deux minutes entières pour chercher des trésor de la mer est une forme de méditation.
Comme Emi aurait aimé ne pas avoir attendu toute une vie pour vivre ce moment. Mais on ne change pas le passé ; et le présent est tout ce qui lui reste
Comme Emi aurait aimé ne pas avoir attendu toute une vie pour vivre ce moment. Mais on ne change pas le passé ; et le présent est tout ce qui lui reste
Ses jambes volent comme si elles savaient que Morimoto ne tardera pas à comprendre. Elles ne s'arrêteront pas avant qu'Hana puisse voir le rivage où sa soeur l'attendait autrefois, ancrant sa vie à la sienne.
Hana pourrait sans peine lui triturer le cœur comme si une perle était cachée à l'intérieur. Cette simple pensée lui donne des frissons dans le dos, fait danser sur ses vertèbres les doigts de la vengeance. Est-ce donc cela que l'on appelle le courage ?