Matthieu Raffray

Vous l'aurez compris, je suis donc intimement convaincu qu'un immense champ d'apostolat s'ouvre aujourd'hui pour l'Eglise en France. Le catholicisme non seulement n'est pas mort, mais il est en passe de retrouver une nouvelle jeunesse. Ou plutôt une nouvelle jeunesse l'a retrouvé : la jeunesse des périphéries véritables, celles de la France des oubliés, des campagnes, de la province, une jeunesse très largement délaissée par les institutions et par les modes médiatiques. Délaissée aussi par l'Eglise, il faut le reconnaître. A force de se concentrer sur le migrant, sur l'étranger, sur l'homosexuel ou les divorcés-remariés, comme elle se focalisait dans les années soixante sur l'ouvrier marxiste, l'Eglise semble avoir laissé s'échapper de son troupeau le brave paysan, l'étudiant qui ne demande pas son reste, l'infirmière qui travaille de nuit, le boucher et le boulanger, les pères et mères de famille qui s'inquiètent pour leur progéniture, toutes ces couches de la population qui subissent sans rien dire, les anonymes et les sans-dents, les gilets jaunes et les bonnets rouges, ceux précisément qui peuplaient autrefois en masse les bancs de nos églises le dimanche. Toute une génération a été sacrifiée : elle a perdu la foi, car elle s'est sentie abandonnée, trahie. On a voulu la forcer à devenir adulte, à grandir, à intellectualiser ... On l'a tout simplement fait fuir.

Est-il conforme à la dignité de l’homme, à ses aspirations légitimes, de passer des journées entières derrière un écran à compulser des tableurs Excel pour une entreprise qui ne vous connaît pas et qui vous déplacera comme un pion ? La tertiarisation actuelle n’est pas plus humaine que ne le fut l’industrialisation à la fin du 19ème siècle. L’épuisement physique à simplement été remplacé par l’épuisement psychique et spirituel.