Matthieu Sylvander, co-auteur de Béatrice l'intrépide avec Perceval Barrier
L'excitation est à son comble.
Un dernier petit coup d'oeil en arrière, et voilà tout le monde dans le tunnel. La chef marche en tête, en regardant bien où elle met les pieds (sauf qu'elle n' a pas de pieds) (ce qui ne l'empêche pas de s'évader) (comme quoi quand on veut on peut)
2ème histoire : Les carottes.
« Je me présente : Béatrice l'Intrépide, aventures en tout genre, héroïsme, redressement de torts, secours aux victimes, défense de la veuve et de l'orphelin. J'affronte les brigands, je découpe les dragons en tranches, je délivre les princesses. Si vous avez besoin de mes services, criez ! L'oeil et l'oreille toujours aux aguets, je saurai où vous trouver. "
- Croyez-moi, reprend Jean-Claude, depuis le temps que je hante cette terre, j'ai appris tout ce qu'il y a à savoir sur la nature humaine, et en particulier sur le tempérament féminin. Tout ce qu'aiment les femmes, c'est le clinquant, le doré, et les paillettes. Tu n'es pas d'accord, Roger ? Tu trouves que le petit fait envie, habillé comme ça ?
Le serveur opine du chef.
- Il a raison, gamin, tu ne peux pas espérer attirer l'attention de notre bonne princesse Hermine avec tes bas reprisés et ta tunique tachée. Il faut faire quelque chose.
Béatrice l'intrépide secoue la tête d'un air navré. Elle n'a jamais rien entendu d'aussi ridicule.
- Nous autres, femmes, nous attacher à pareilles frivolités ? Jean-Claude, n'avez-vous pas honte de proférer de telles sornettes devant ce pauvre François ? Et s'il lui prenait fantaisie de vous croire ?
(p. 50-51)
" Ali Baba est perdu dans le désert. Il est riche, mais il est perdu."
Patiemment, Jean-Claude explique alors la vie des rois à François les Bas Bleus. Dans les familles royales, les mariages se font beaucoup plus simplement qu'ailleurs. Nul besoin de convoquer des sentiments aussi complexes et incertains que l'amour : tout est question de pouvoir et d'argent, qui sont choses simples et prévisibles. Pour épouser une princesse, il n'y a qu'à montrer à ses parents qu'on possède des richesses suffisantes.
(p. 62)
« Allô allô, Monsieur le directeur en Chef des Naissances ? Ici la cigogne de la famille Souris. J'amène Madame Souris avec moi, elle veut vous rencontrer. Madame Souris veut qu'on lui explique pourquoi elle n'a droit qu'à des garçons. Elle les aime, ses garçons, elle les adore, même. Mais elle veut aussi une fille. Rien qu'une. »
Que de chemin parcouru, depuis leur arrivée à Londres ! Pour être honnête, lorsque les sœurs Morwood avaient fait leurs bagages, dans leurs chambres d'Applefall Mansion, elles étaient loin de se représenter avec précision ce que la Season leur réservait. Elles s'attendaient vaguement à vivre de longues journées d'oisiveté aux côtés de tante Daisy, entrecoupées dans le meilleur des cas de quelques réceptions de petite catégorie, données par des maîtresses de maison inexpérimentées pour des jeunes filles inconnues. Sous le regard perçant de tante Daisy, elles y auraient dansé deux ou trois valses avec des étudiants en médecine ou des avocats débutants, faute de pouvoir s'attaquer à la noblesse fortunée. Entre deux bals, elles se seraient mortellement ennuyées lors de promenades convenables au parc, à petits pas comptés, en compagnie de tante Daisy. Ce n'était pas simple de se faire une place dans le monde lorsque l'on venait de Grantham, Lincolnshire, sous la surveillance d'une tante Daisy et sans autre référence qu'une très lointaine parenté avec la duchesse de Kenthumberland (que nombre d'habitués considéraient comme une vieille bique).
Et, pourtant, leur anonymat n'avait pas duré plus d'une journée à la fin de leur première semaine, elles avaient déjà presque tout connu. Elles s'étaient fait des amis ; elles avaient séduit presque sans le faire exprès l'héritier de l'une des plus grandes fortunes d'Angleterre ; elles s'étaient presque débarrassées de leur tante, perdue corps et âme sur l'océan tumultueux de la passion ; et hier, elles avaient presque partagé la vedette avec l'attraction principale de la réception la plus courue de la Season. Bref, elles étaient lancées dans la Society et pouvaient envisager les prochaines semaines avec sérénité : les cartons ne manqueraient pas d'arriver au 25 Portman Street.
C'était presque trop pour Eliza. pg 196-197
[Manoel le tatou] : - Je ne mange pas de serpent, c'est tout. Il y a certains aliments que je me refuse à consommer, et le serpent en fait partie, au même titre que le caïman, la tortue, les courgettes et les épinards. Et les oignons.
Mais les poireaux ne courent jamais ; d'ailleurs ils n'ont même pas de jambes, seulement des petites barbiches ridicules.
Voilà pourquoi les poireaux, quand ils pensent que personne ne les entend, aiment tant parler de destinations lointaines et d'aventures exotiques.
- Je ne sais pas si je vais pouvoir vivre jusque-là, dit Eleanor en se levant brusquement du piano.
Eliza sourit.
- Je pense que si. On meurt rarement d'attente déçue. Papa, savez-vous s'il existe des précédents ?