C’est ainsi qu’à sa sortie d’Independence, il alla rejoindre les denses forêts du Nord-Ouest, où il mena l’existence sauvage et solitaire du grand héros américain. Il était retourné à la nature, avec tous les risques que ce choix comportait. Mais il avait intégré les lois immuables qui régissaient l’univers de ses ancêtres, et lié son sort à celui des bêtes sauvages. C’était un combat loyal entre le monde et lui-même, et il en avait accepté les règles.
Là-haut, il menait une vie très pure, le genre de vie qu’il avait toujours rêvé d’avoir. En s’éloignant de ses semblables, il devint plus humain. Il comprit que l’humanité ne voulait rien dire dans la fureur, le bruit et le nombre qui la caractérisaient. On devenait homme en s’affranchissant des autres hommes. C’était un défi qu’on ne pouvait relever que dans la solitude et la liberté, et seule la nature sauvage était en mesure d’offrir l’une et l’autre. En elle, par elle, l’homme reconquérait sa noblesse. Tom Starbird était désormais l’égal des bêtes.
Holmes, lorsque ses facultés logiques ne sont pas mobilisées, est un personnage profondément asthénique, en proie « à la plus noire des dépressions ». L’obsession de la tombe est manifeste dans ce mélange d’accablement, de pessimisme et de désespoir qui le caractérise à ces moments, aussi bien est-il toujours hanté par la mort, en lui-même et à l’extérieur de lui-même.
Pour lutter contre la mélancolie, il appelle le crime, à défaut de le susciter, et s’arrange toujours pour mener l’enquête. Ni victime, ni coupable, son exubérance naît alors de ce qu’il devient une sorte d’intermédiaire, transitant de l’un à l’autre statut. Lorsque l’inaction prend le pas sur l’action, probablement effectue-t-il un trajet identique mais intime cette fois, entre la victime qu’il peut se sentir être ou le criminel qu’il désire parfois incarner : en recherchant inlassablement les causes premières du mal, il est contraint d’embrasser les deux individualités pour découvrir (ou plutôt redécouvrir) la brute que chacun porte en soi.
"D'abord il y eut les dieux et les rois, et ils se prosternèrent.
Puis il y eut les stars et ils se prosternèrent encore."
Ta pâleur
Émerge dans sa beauté
Telle Vénus de sa conque
Sauf que tu es mâle
Créé sur mon caprice
Un éden de femmes
D’animaux, de jeunes mâles
Rien d’autre