Hors de lui, il jette violemment l'oreiller contre le mur et se dresse, les yeux gonflés par un sommeil contrarié. Instinctivement, sa main part à la recherche du paquet de cigarettes posé sur la chaise. Ses doigts tremblent lorsqu'il gratte nerveusement une allumette. Il tire une bouffée sur sa cigarette de tabac noir et essuie d'un revers de main la transpiration qui dégouline de son front. Puis il écrase son mégot dans le cendrier rouillé, se lève d'un bond, enfile sa veste en toile bleue Shanghai et quitte la chambre en claquant la porte.
En quelques minutes, il grimpe trois étages, se faufile à travers la buanderie déserte et surgit sur la terrasse. Il se dirige à grandes enjambées vers le haut-parleur arrimé à une grosse tige d'acier, elle-même cimentée au parapet de la terrasse. Ici, la voix de l'imam Rabah est encore plus puissante. La pince que Boualem serre dans sa main jaillit tel un oiseau de proie et se ferme sur le fil de fer qui maintient le haut-parleur alors que l'imam est au comble de l'excitation. Boualem n'en a cure. Il maltraite violemment le fil de fer, le tordant et le détordant, se blesse, puis, sans se préoccuper du sang qui coule de son pouce, s'empare du haut-parleur à présent libéré et l'arrache d'un coup sec. La voix de l'imam se tait. Seul le vent poursuit ses mugissements réguliers. Satisfait, Boualem suce son doigt.
......
Je ne m’attaque pas à l’intégrisme, je m’attaque à l’intolérance, car dans un pays où les règles démocratiques seraient respectées l’intégrisme devrait pouvoir vivre à côté de moi. L’intolérance, c’est quand on me dit comment je dois me comporter sinon je suis un homme mort. Je ne peux plus être un citoyen dans ces conditions. Je me révolte contre le fascisme du projet. Sinon l’Islam est notre culture et nos traditions en Algérie depuis longtemps. Je suis né dedans, cela ne me gêne pas ; mais si ma liberté est cassée, je suis contre.
- Écoute ! [...] Moi, j'suis français. Ma vie, c'est là-bas.... J'ai mon nom gravé sur les arbres de Bobigny. Je suis connu [....] Là-bas, j'ai mes potes de toujours. Ici, c'est juste une parenthèse.