Citations de Michael Stora (116)
Le jeu nous a permis de comprendre la dette angoissante de l'enfant à l'égard de sa mère : lorsque le père est parti ou absent symboliquement, certains enfants préfèrent mourir que d'être un fardeau pour leur mère, déjà accablée par la situation.
D'une manière générale, au bout de quelques mois de pratique, le jeu ainsi que les temps de parole entre enfants et thérapeutes créent ces allers-retours nécessaires entre des moments de vie réelle et ceux du jeu, durant lequel chaque enfant projette selon son histoire et intériorise des affects et d' expériences motrices qui semblent avoir une valeur thérapeutique. De plus, l'attention conjointe du thérapeute et de l'enfant à l'écran donne à cet objet tiers une valeur d'accélérateur de la relation de transfert.
... importance pour certains enfants d'investir l'acte ou l'objet extérieur pour éviter toute infraction de la pensée.
Ayant observé que beaucoup d'enfants ne trouvaient pas de mots pour évaluer leurs tensions psychiques - les mots n'ayant pas pour eux valeur d'acte au sens freudien -, j'ai supposé que je pouvais utiliser les images comme médiation thérapeutique pour les faire parler. Et j'ai vite perçu à quel point les images font émerger des représentations verbales chez les enfants qui en manquent.
... il me paraît capital de souligner que la particularité de l'addiction aux jeux vidéo est qu'elle raconte une histoire. Celui qui fume une cigarette ou un joint est dans l'acte pu, il ne raconte pas d'histoire. On peut donc de demander à quel point l'histoire est un moyen de donner un sens au geste car, dans l'addiction aux jeux vidéo, le geste n'est pas de l'ordre de la décharge , à l'image d'un punching-ball.
Au Japon, pour justifier la pratique des otaku (hard-core gamers japonais), ils se réfèrent à la tradition du samouraï qui veut que, pour se construire en tant qu'homme, il faut passer par une phase de solitude intense.
Pour les adolescents, paradoxalement, la rupture provisoire du lien social est importante pour qu'ils se construisent.
Ne diabolisons donc pas à tort les jeux vidéo : ils rendent possible l'expression de l'agressivité latente qui existe chez tout individu et cela me semble plutôt sain. De toute façon, de mon point de vue, l'addiction à une drogue non dure comme la cyberaddiction est simplement un symptôme à prendre comme tel [...].
... dans nos cultures, la superstition n'est plus contextualisée par une transmission intergénérationnelle qui lui confère le sens curatif attendu.
... le télescopage entre réel et virtuel peut aussi avoir lieu dans la réalité. Point n'est besoin des jeux vidéo.
Ce n'est pas forcément le virtuel qui conduit à un passage à l'acte dans la réalité. Certes, il peut y avoir un effet pathologique sévère du jeu vidéo lorsqu'on observe un télescopage entre réel et virtuel.
Le colonel Grossman, psychologue de l'armée américaine, estime que le jeu vidéo, fonctionnant uniquement par procédure, ferait de n'importe quel joueur de jeu de guerre un guerrier en puissance, c'est-à-dire un guerrier virtuel. Chacun de nous pourrait être un criminel en puissance, ou tout au moins un criminel virtuel. En cela, le jeu vidéo devient le lieu de projection de nos angoisses archaïques. Il n'a rien inventé sur ce plan. Depuis Freud, nous savons bien que les enfants ne sont pas sages comme des images.
... aussi paradoxal que cela puisse paraître, les joueurs vont bien souvent chercher dans les jeux vidéo des cafres qu'ils ne trouvent pas dans la réalité, particulièrement dans les mondes persistants des jeux MMORPG qui proposent une hiérarchie implacable.
Le jeu vidéo permet de faire un nouveau type de crise d'adolescence.
[La valeur toxicomaniaque du jeu vidéo] est la traduction d'un mal-être dans la réalité.
'Je n'ai pas peur des jeux vidéo, mais j'ai peur de la vie !" [Un patient]
Accuser le jeu vidéo de tous les maux, c'est chercher le bouc émissaire d'une société qui engendre beaucoup e violence, de tensions et de frustrations.
... ce n'est pas le jeu vidéo en soi qui crée la dépendance, même si l'univers sans fin des jeux MMORPG possède une valeur affective. La personne addictive a déjà en elle-même cette structure psychologique de toxicomanie qui la fait plonger dans un recours excessif aux jeux vidéo.
Ce n'est pas un hasard si beaucoup de jeunes qui jouent aux jeux vidéos fument des joints en même temps, associant ainsi la consommation de cannabis à l'immersion dans le virtuel. En accentuant la sensorialité, le cannabis amplifie le sentiment de présence dans l'image.
... on peut comprendre à quel point le jeu vidéo, ou plutôt l'interactivité - la relation de l'homme avec son ordinateur -, permet aux sujets déprimés d'enrichir leur moi par une mainmise sur un environnement en puissance. Le jeu vidéo représente alors l'interface entre l'équilibre narcissique et la maîtrise de l'objet.