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Critiques de Michel Lederer (261)
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Dans le grand cercle du monde

C'est une oeuvre remarquable que Dans le grand cercle du monde. J'ai acheté ce livre sans en connaître l'histoire, à cause de tous les commentaires élogieux que j'en ai entendus. Joseph Boyden nous propose une visite dans le passé, au XVIIe siècle pour être exact. À cette époque, les Français commençaient à s'installer dans la vallée du Saint-Laurent alors que les Iroquois et les Hurons-Wendats étaient perpétuellement en guerre. Une situation trouble que l'arrivée des Blancs a exacerbée… Un des intérêts de ce roman est que l'auteur donne leur voix à tous les partis impliqués. Trois narrations. Trois points de vue différents. Donc, pas de parti pris !



D'abord, il y a Christophe, le jeune Français, un missionnaire, un jésuite, envoyé auprès des « sauvages » afin d'essayer de les convertir à la foi chrétienne, aussi pour consolider des liens d'amitiés (mais surtout de maintenir des liens commerciaux, un monopole sur le commerce des fourrures). Il est surnommé Corbeau à cause de sa robe noire, peu pratique, la risée des autochtones.



Ensuite il y a Oiseau, chef d'un village huron, membre de la puissante confédération Wendat, attaché aux traditions ancestrales de son peuple. Contrairement à ce que beaucoup croient, pas tous les Amérindiens vivaient dans des tentes au milieu des bois. Les Hurons étaient sédentaires, s'établissaient dans des villages de plusieurs milliers d'âmes, subvenaient à leurs besoins d'abord via l'agriculture (les trois soeurs : maïs, courge & haricot) puis ensuite grâce au troc avec d'autres peuples. Oiseau voit d'un mauvais oeil l'arrivée du jésuite (outre le fait que les contacts avec les Blancs étaient suivis de maladies, il sent que leurs valeurs et leur religion sont bousculés) mais l'estime tout de même essentielle dans sa lutte contre les Iroquois.



Puis il y a Chute-de-Neige, de la nation iroquoise. le roman s'ouvre avec sa capture par un groupe de Hurons menés par Oiseau et auquel participe Christophe. Sa famille vient d'être exécutée sous ses yeux on la ramène pour compenser la mort de la famille de Oiseau, dont elle deviendra la fille adoptive. D'abord hostile, elle finira par accepter sa nouvelle famille. À travers ce personnage, on découvrira que les deux peuples ne sont pas si différents l'un de l'autre.



Chaque chapitre, qui met en scène alternativement ces trois personnages, est court. Et le rythme est rapide. Ainsi, malgré les 600 pages du bouquin, on en remarque à peine l'épaisseur car l'histoire ne contient pas de longueurs. Il n'y a pas de passages que je juge superflu. Un seul regret : ne pas avoir le point de vue direct de Petite Oie. Il s'agit de la guérisseuse du village, une sorte de chamane aux pouvoirs multiples. Ce n'est pas une Huronne mais plutôt une Algonquienne de la tribue nomade des Montagnais qui a décidé recemment d'unir sa destinée à celle de ce grand peuple. D'où l'intérêt de son point de vue, original mais surtout plus objectif parmi tous ces Hurons et Iroquois en guerre.



Parce que c'est de guerre qu'il s'agit. Oui, l'arrivée des Français et des Anglais a exacerbé les tensions, mais le conflit existait depuis des générations. Il y a quelque chose de très tragique dans cette histoire. La fin d'une nation, d'une civilisation, est un événement troublant. Car les personnages sont témoins de tout ça, ils le voient venir et commencer à se produire. En tant que lecteur, on ne peut que se sentir interpelé par leur frustration, leur tristesse de voir leur culture s'éteindre avec eux. Certains ont peut-être moins aimé les scènes de torture, assez explicites vers la fin, mais c'était ça, aussi, le monde amérindien. Il ne fallait pas montrer que son côté polissé, dans le genre « communions avec les esprits de la forêt ».



Donc, le ton employé par l'auteur était très juste et ses choix littéraires, judicieux. de plus, Joseph Boyden a une plume très évocatrice. Il a su faire ressortir le tragique de cette situation sans tomber dans le mélodramatique, les moments héroïques sans tomber dans le patriotique et le parti pris. En fait, il a su respecter les points de vue de tous les côtés, sans jugement. du moins, c'est ce qu'il m'a semblé. Tout est arrivé parce que cela devait arriver, c'était dans l'ordre des choses. Bref, j'ai vraiment hâte de lire les autres romans de cet auteur de talent.
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Un seul parmi les vivants

Très beau roman dont le héros n'est autre que le Bourbon , héros prisé de tous , héros qui console , héros qui soigne les blessures , qui apaise les douleurs , héros qui permet d'assurer des revenus , héros d'autant plus prisé qu'il est interdit par la prohibition . Nous sommes en 1932 , en Caroline du sud , dans une bourgade où tout n'est que misère et désespérance pour une population d'ouvriers ou de petits paysans dont le seul espoir est de ne pas mourir de faim .Un bar , trois hommes , une altercation , deux morts donc un que tout accable qui prend la fuite.....Chambers , le shériff , 70 ans , ne croit pas vraiment en la culpabilité de celui que tout accable...Qu'en est - il vraiment ? Quelles sont ses raisons et ......a - t - il raison ? A partir de ce moment ce sont des portraits d'êtres très intéressants qui vont se succéder , s'unir , se tolérer , se détester, s'aimer , des portraits de gens enlisés dans leur condition misérable , sans trop espoir d'en sortir . C'est un roman très , très addictif , très bien écrit ( traduit ) , dont l'intensité se fait de plus en plus prenante au fur et à mesure que se tournent les pages , vraiment , comment dire , une histoire où tout semble ordonné et où , en fait , la situation se dramatise jusqu'au dénouement final très noir , comme vous pourrez en juger . Une vraie réussite , à mon sens , pour un premier roman , une très belle intrusion dans une période très difficile de l'histoire américaine . J'ai adoré suivre ces personnages et espérer pour eux à travers cette très belle peinture d'une époque de crise . Un roman que je recommande à tous mes amis amateurs du genre , en les rassurant quant à la violence , bien présente , certes , mais "finement " amenée, sans excès . Une réussite, vraiment .
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Dans le grand cercle du monde

Un roman qui nous plonge au cœur du XVIIe siècle parmi les Sauvages qui peuplent le Canada, à travers les voix de Christophe, le jésuite français, d'Oiseau le chef de guerre huron, et de Chute-de- Neige, la jeune fille iroquoise.



Nous découvrons le mode de vie, les croyances et les traditions des tribus indiennes, qui évoluent dans un monde à la fois ténébreux et paradisiaque.



La nature, les animaux et les hommes font partie d'un même univers. Leurs esprits sont mêlés. Un peuple libre et généreux, à l'écoute de leurs enfants. C'est le côté paradisiaque.



L'autre penchant de ces hommes est leur art de faire la guerre et de se livrer à des cérémonies de torture insoutenables, à des guerres du deuil qu'on peine à comprendre. Nous sombrons alors dans les ténèbres.



Face à eux, les hommes velus venus d'au-delà de l'Océan, s'accaparent de leurs richesses et de leurs savoirs. Ils sont accompagnés des « Corbeaux », ces prêtres qui piétinent leurs croyances pour les contraindre au christianisme. Sont-ils plus civilisés ?



Deux cultures qui s'affrontent et s'observent. Ils s'admirent parfois mais sans jamais vraiment se comprendre ou se faire confiance. Le choc des cultures et des croyances est trop intense.



Un récit riche et poétique qui nous immerge dans un monde splendide, si on met de côté la rivalité des hommes.



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Dans le grand cercle du monde

Trois voix s'élèvent dans les immenses espaces canadiens. le XVIIe siècle est déjà entamé, quand des jésuites français essaient de convertir des Indiens. le jeune père Christophe, qui croyant bien faire en imposant ses croyances en prosélyte convaincu, trouve sur son chemin le chef Huron, Oiseau, et sa prisonnière iroquoise, Chutes-de-Neige, des ennemis de toujours.



Les Hurons ont décidé de garder le père Christophe qu'ils nomment ironiquement le Corbeau à cause de sa soutane. Oiseau est chargé de le protéger. Bien que critique et condescendant, le Corbeau en apprenant la langue des Indiens s'intègre peu à peu. il va même jusqu'à admirer les rites funéraires de ceux qu'il appelle les Sauvages, et dont il se désole d'en convertir si peu. A l'arrivée de la tribu en Nouvelle France, Oiseau rencontre le gouverneur, Samuel Champlain, qui lui propose d'unir leurs forces pour résister aux Hollandais et aux Anglais qui ont armé les Iroquois. En fait, c'est une manoeuvre pour s'allier ceux qui contrôlent le commerce dans les territoires sauvages.



Car qui gagnera la bataille du commerce gagnera la guerre. Dans cette lutte, les pères jésuites servent de lien avec les Français, ils sont tolérés dans la tribu pour cette seule raison. Après des combats épouvantables contre les Iroquois, et des tortures terribles auxquelles il assiste avec deux autres pères, le Corbeau continue son travail de conversion auprès des Hurons. Il prêche et répond à leurs questions auxquelles il n'a pas toujours de réponses. Ses convictions religieuses ne vacillent jamais, il résiste à tout, même à la sensualité des femmes de la tribu, surtout à celle de Chutes-de-Neige, maintenant résolue à rester avec les Hurons.



Un livre magnifique qui nous transporte dans le monde très codifié des Indiens. On découvre leurs us et leurs coutumes, leurs croyances et les rapports des tribus entre elles. Des rapports tendus entre les Hurons et les Iroquois, exacerbés par les Européens qui, venus pour des raisons mercantiles et pour imposer leurs croyances, ont apporté des maladies dévastatrices. Un monde qui peut se révéler impitoyable (les scènes de tortures sont insoutenables) mais aussi plein d'humanité.
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Dans le grand cercle du monde

J’ai découvert l’an dernier Joseph Boyden avec Le chemin des âmes, coup de cœur absolu. Il n’est jamais simple dans ce cas de lire un autre livre de l’auteur, et cela a été le cas pour celui-ci. Les souvenirs de l’autre étaient encore très présents dans ma mémoire, même si ma lecture date de plus de huit mois. Et la comparaison n’était pas en faveur de celui-ci.

Il m’a donc fallu un peu de temps pour entrer dans ce roman et oublier Xavier, Elijah et Niska.



L’histoire se situe au Canada, au XVIIe siècle. Les Français commencent à s’établir dans ce nouveau monde, et y apportent maladies, alcoolisme, armes à feu et religion, la leur bien sûr. Que des choses positives, n’est-ce-pas !



Ce sont les Jésuites, qui vont prêcher pour la religion en partant vivre au sein de tribus pour essayer de les convertir à la foi catholique, complètement hermétiques au mode de vie des indiens, à leur communion avec la nature, à la richesse de leurs croyances. C’est toujours la même histoire qui se répète quand un peuple qui se croit civilisé, entreprend de coloniser une terre en méprisant les habitants indigènes, en voulant absolument les convertir à leur mode de vie, sous prétexte qu’il est supérieur à leurs yeux.



Certes, tout n’est pas rose dans ces contrées avant l’arrivée des Français. La vie n’est pas un long fleuve tranquille, et les différentes tribus indiennes ne vivent pas en paix. Les guerres entre eux reviennent régulièrement à coups d’escarmouches et de captures, les captifs étant ensuite soumis à de douloureuses tortures dont j’aurais préféré que l’auteur évite les longues descriptions. Mais, ces indiens partagent quand même une vision du monde, un code de conduite que les Français vont s’acharner à détruire, tout en attisant les haines ancestrales pour leur profit.



Tout cela, l’auteur l’aborde par un récit choral qui fait s’exprimer tout à tour trois personnages, enrichissant ainsi la présentation des faits, par les visions différentes de ceux-ci.

Avec par ordre d’apparition, Christophe jeune jésuite, en mauvaise posture dans ces premiers chapitres, fait prisonnier par une tribu d’indiens Hurons, qui l’admettra finalement dans son village, surnommé le Corbeau en raison de sa soutane noire.

Puis, Oiseau, le chef de ce petit détachement de Jurons, dont la famille a été décimée par les Iroquois et qui depuis se venge en organisant des raids meurtriers contre des petits groups d’Iroquois.

Et enfin, Chute-de-Neige, jeune fille iroquoise capturée par Oiseau après l’extermination de sa famille par Oiseau et ses hommes. Elle deviendra la fille adoptive d’Oiseau, et mettra du temps à accepter cette nouvelle filiation.



A travers les récits croisés de ces trois principaux personnages et l’évocation d’un certain nombre d’autres, en particulier des femmes indiennes des Hurons dont l’aide sera très utile à Chute-de-Neige, l’auteur aborde la vie dans ces contrées, à cette époque de transition. Les Européens sont arrivés, mais sont encore minoritaires. Cependant leur présence va déjà avoir un impact très négatif sur les indiens. Et cela, en premier lieu par les maladies, qu’ils vont leur transmettre et qui vont décimer les populations indiennes, brisant l’équilibre entre les tribus.



J’ai beaucoup aimé la description de la vie des indiens (si l’on excepte les tortures dont j’ai déjà parlé), leur rapport à la nature, leurs rites, leurs rêves, leur attachement à leurs traditions. C’est une civilisation que je trouve infiniment riche et dont il ne reste malheureusement pas grand-chose aujourd’hui, tant elle a été détruite par les nouveaux arrivés, ces hommes blancs.

L’auteur dans ces pages raconte le début de ce déclin, que les indiens perçoivent et contre lequel ils ne peuvent se défendre.

Un roman moins immédiatement prenant, émouvant, superbe que Le chemin des âmes, mais qui aura su finalement me captiver.

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Dans le grand cercle du monde

Il m’aura fallu quelques jours pour digérer cette lecture. Une fois encore je reste admirative face à tant de talent. Merci monsieur Boyden. Merci pour votre manière si poétique de me transporter dans un tout autre univers, au cœur des paysages enchantés de la région des grands lacs d’Amérique du Nord, au cœur de cette nature sauvage et impétueuse, encore préservée de la cruauté des colons européens. Merci de m’avoir fait côtoyer de près ce peuple d’Indiens Hurons, toucher du doigts leurs rites et coutumes, leurs codes sociaux et religieux, trembler face à la sauvagerie de leurs conflits ancestraux avec les Iroquois. Merci de m’avoir fait comprendre leur lutte spirituelle et religieuse face à l’arrivée des pères Jésuites, ces corbeaux obnubilés par une volonté farouche de convertir et sauver le sauvage impie des flammes de l’Enfer. Merci de m’avoir fait découvrir cette histoire du Québec et de ce vaste territoire, cette époque où Français comme Anglais commerçaient avec les Indiens, les jugeant encore utiles pour apprivoiser puis exploiter cette nature hostile qui se refusait à eux. Dans le cercle du grand monde a tout d’une grande épopée majestueuse et poétique, sensible et cruelle à la fois, retraçant cette confrontation entre Indiens et Européens au cœur de ce XVII siècle qui se passionne pour la propagation de la foi chrétienne à travers les colonies. Ce roman nous narre une époque révolue, avant les conversions, avant les maladies rapportées d’Europe qui déciment les Indiens, Hurons comme Iroquois, avant la fin d’une civilisation, avant que ce peuple ne prenne goût à la boisson et à l’ivresse qu’elle procure, luttant désespérément contre la fin de leur monde. Le brave chef Oiseau, la farouche Chute de neige, père Christophe - le corbeau à la robe noire - tous ces personnages entrent en collision au cœur de la grande spirale de l’Histoire et de ces 600 merveilleuses pages qui m’ont tenue en apnée.
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Dans le grand cercle du monde

Après Le chemin des âmes,Les Saisons de la Solitude et Là-haut vers le Nord que j'avais bien aimé, dès que j'ai su qu'un nouveau livre de Joseph Boyden venait de sortir, je me suis précipitée à la librairie.

Et je ne regrette pas!!



J'ai été transportée au XVIIème siècle au Canada.

Trois narrateurs Dans le grand cercle du monde: un jésuite breton Le Corbeau, premier à arriver parmi les Hurons pour les évangéliser, une jeune iroquoise Chutes-de-Neige dont la famille vient d'être massacrée par le troisième narrateur Oiseau un chef Huron qui va l'adopter comme sa fille.



A travers ces trois voix, on suit le quotidien du peuple huron Wendat : le travail dans les champs pour la culture des trois soeurs ( maïs, courge, haricot), les échanges commerciaux à Québec, les affrontements terribles avec leurs ennemis iroquois, les réactions à la présence des Jésuites...

"De sa main droite, il fait ce geste auquel je me suis habitué: il se touche le front, puis la poitrine et enfin les épaules à gauche et à droite. On se demandait s'il ne nous jetait pas un sort, mais pour autant que je le sache, et bien qu'il prétende que cela soit destiné à le protéger, je crois qu'il s'agit surtout d'un tic nerveux."



J'ai bien aimé me laisser transporter par l'écriture exceptionnelle de Joseph Boyden dans ce XVIIème siècle parmi tous ces personnages attachants, courageux, extraordinaires dans ce qu'ils sont capables d'entreprendre pour vivre.

Je le recommande vivement.
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Dans le grand cercle du monde

« Ce qui est arrivé dans le passé ne peut pas demeurer dans le passé, tout comme le futur se situe toujours à un souffle devant. »



De Joseph Boyden, j'ai eu récemment un immense coup de coeur pour « le chemin des âmes » dont j'ai aimé l'écriture ciselée, profondément humaine et l'histoire qui se noue autour de trois magnifiques personnages sous fond de guerre des tranchées. C'est avec mon petit cercle d'ami.es que j'ai eu le plaisir de repartir sur les traces de cet auteur canadien talentueux qui revendique des origines amérindiennes. Je les en remercie.



Si j'ai eu un peu de mal à entrer dans ce récit, je dois bien avouer que, au fur et à mesure des pages, cette histoire m'a captivée, ses personnages m'ont autant fascinée que je me suis attachée à eux. Et c'est avec peine que je les ai quittés.



*

Avec « Dans le grand cercle du monde », une porte s'ouvre sur les territoires sauvages des Hurons et des Iroquois au milieu du XVIIème siècle, à l'époque coloniale française et anglaise.



« Avant l'arrivée des Corbeaux, nous avions la magie, l'orenda. Nous n'en avions jamais douté avant que leurs serres n'agrippent pour la première fois nos branches et que leurs becs ne picorent pour la première fois notre terre. »



Dès le tout début du récit, le lecteur assiste à une scène d'une grande violence où une jeune Iroquoise, Chute-de-Neige, assiste impuissante, au massacre de sa famille par un groupe de chasseurs Hurons. Epargnée mais captive, elle est adoptée par le chef guerrier Oiseau en remplacement de sa famille assassinée par les Iroquois.

Un prisonnier, Christophe, rebaptisé Corbeau par les Hurons, fait partie du groupe de Hurons au moment de l'attaque. C'est un missionnaire jésuite français venu vivre parmi eux pour les convertir au catholicisme.



Depuis de nombreuses générations, les deux tribus amérindiennes se livrent à une guerre intestine mais l'enlèvement de cette enfant va raviver leur profonde mésentente et leur haine réciproque. Deux grandes puissances européennes se mêlent au conflit, chacune prenant partie pour un camp, avec pour dessein insidieux de s'établir au Canada et s'approprier les terres des Indiens.



A travers les récits croisés de Chute-de-Neige, Oiseau et Corbeau, le roman raconte comment l'afflux des explorateurs européens et les attaques incessantes des Iroquois entre autres, vont concourir au déclin du peuple Huron et à la dispersion de ses survivants.



*

Ainsi, se dessinent et s'entrelacent trois brins narratifs qui, au fil des chapitres, donnent la parole à tour de rôle à un des trois narrateurs. Chaque point de vue est parfaitement et solidement étayé, rendant chaque voix parfaitement reconnaissable et d'une intimité touchante.



J'ai trouvé cette mise en scène astucieuse car la multiplication des angles de vue enrichit fortement notre vision de ce monde plein de contrastes. En effet, en nous plongeant dans ce nouveau monde, l'auteur donne vie à une époque et un lieu : on est en plein dans la conquête de l'Amérique du Nord et l'évangélisation des peuples autochtones, mais également dans les conflits entre les peuples indiens qui veulent s'arroger le commerce lucratif des fourrures avec les Blancs.



Le récit est porté par la sauvagerie et la convoitise des hommes, mais heureusement, l'auteur ne s'arrête pas là. Ainsi, on entre aussi dans leur communauté. Les descriptions de la vie quotidienne des Hurons, de leur mode de vie basé sur la culture des « trois soeurs » (le maïs, la courge et le haricot), de leurs croyances et de leurs coutumes, de leurs rites funéraires et de leur sensibilité au monde des esprits, sont minutieusement décrites.



« En matière d'esprit, ces Sauvages croient qu'il existe en nous tous une force vitale similaire, pourrait-on dire, à ce que nous, catholiques, croyons être l'âme. Cette force vitale, ils l'appellent l'orenda. C'est le côté fascinant. le côté épouvantable, c'est que ces pauvres créatures égarées croient que non seulement les êtres humains, mais aussi les animaux, les arbres, les étendues d'eau et jusqu'aux pierres possèdent une orenda. »



Joseph Boyden sait faire revivre la férocité de leurs pratiques rituelles, et en particulier les "caresses" que chaque camp prodiguait à leurs prisonniers durant de longues journées. Ces passages ne sont pas faciles à lire, les descriptions de ces scènes de torture étant crues, implacables, d'autant plus déroutantes qu'elles sont respectueuses de l'adversaire et vécues dans une joie festive pour les vainqueurs, mais qu'elles sont aussi vécues par les prisonniers comme une épreuve faisant appel à leur bravoure, leur force mentale, leur fierté et leur honneur.

A ce propos, Christophe formule une remarque très juste, faisant le parallèle entre les rituels de torture des « Sauvages » et les actes de l'Eglise catholique, les méthodes de torture de l'Inquisition.



*

Pourtant, au milieu de la brutalité des hommes et de la nature, un éclat parvient néanmoins à s'infiltrer grâce à des personnages attachants, touchants.

J'ai été particulièrement sensible à la justesse de la caractérisation des personnages, autant principaux que secondaires. En prenant la parole chacun à leur tour, les trois narrateurs se dévoilent au fil de leurs pensées. Ils se révèlent d'autant plus nuancés que les traits de leur personnalité évoluent au cours de leur vie. du coup, si j'ai eu au départ de la compassion pour la jeune fille et du mépris pour les deux hommes, mes sentiments ont très vite évolué et changé à l'égard d'Oiseau, plus lentement en ce qui concerne Corbeau sachant combien la conquête de l'Amérique du Nord, l'évangélisation et l'introduction de maladies venues du Vieux Continent avaient été meurtrières. Au final, il révèle une personnalité plus complexe et plus surprenante qu'il n'y paraissait au départ.



« Quand nous les avons autorisés à vivre parmi nous, nous ne savions pas qu'ils étaient pires que des mauvaises herbes. Et maintenant qu'ils se sont enroulés autour de nous, ils ne nous lâcheront plus. »



Le point de vue développé par Christophe est particulièrement intéressant sur la façon dont les catholiques lancés à la quête de l'âme indienne, se sont immiscés dans la vie des peuples autochtones, apprenant leur langue, leurs traditions et leurs rites, ébranlant les fondements de leur culture, les détournant progressivement de leur spiritualité et de leur mode de vie pour embrasser leur foi. Il est de loin le personnage le plus abouti, même si j'ai aussi aimé la profondeur des émotions de Oiseau.



« Ces Sauvages sont puérils et entêtés. Ils vivent dans le péché, dans le monde coupable de l'idolâtrie, et sans l'ombre d'un doute sous l'emprise de Satan, ce qui rend d'autant plus importante ma mission. »



*

Un autre aspect du roman m'a énormément séduit, c'est le style de l'auteur.

C'est un livre à l'écriture réaliste, riche, sensible et sombre, féroce et crue. L'histoire habilement racontée est fascinante, mais accompagnée d'images saisissantes de réalisme, de scènes dures et sanglantes qui m'ont emportée autant que bouleversée.

Les mots de l'auteur nous entraînent dans l'intime, ils sondent les profondeurs de l'être et les vérités cachées. Ils disent la peur et la vulnérabilité, le courage et le sacrifice, l'amour et le deuil, la colère et la haine, la ferveur religieuse et l'étroitesse d'esprit dans un monde tumultueux où les cultures et les peuples entrent en collision. J'ai été émue par la puissance des émotions, ébranlée par la barbarie des hommes.



*

Une fois de plus, malgré sa brutalité, Joseph Boyden m'a emportée dans son univers par le souffle romanesque de son récit, par la force de ses personnages pleinement incarnés. Il a saisi une époque captivante, un monde fascinant en pleine mutation, des personnages aux prises avec les mouvements de l'Histoire.

Et même si j'ai préféré « le chemin des âmes », je ressors ravie de cette lecture. Les dernières pages sont poignantes.

A découvrir.
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Dans le grand cercle du monde

Le corbeau, le sauvage et la captive.



Un jésuite mystique, prédicateur envoyé prêcher dans les terres païennes du Nouveau Monde canadien.

Un guerrier Huron, charismatique et suspicieux, peu convaincu du bien-fondé des relations avec les blancs et visionnaire du déclin de son peuple.

Une jeune captive Iroquoise, soutenue par un désir de vengeance, dans la logique absurde des conflits récurrents entre tribus.

Réunis par le hasard, ils vivent une cohabitation imposée, entre attirance et répulsion.



Dans les espaces vierges du Canada du XVIIème siècle, la confrontation combattive de peuples et spiritualités différentes se joue dans le destin de ces trois personnages, dans la curiosité de l'autre, mais surtout dans l'incompréhension et la méfiance. Une partie à trois, construite sur trois narrations, où chacun s'observe, s'affronte en silence, se manipule, se combat, sous une chape de violence larvée.

La barrière du langage, des croyances, du rapport à la Nature, à l'inconscient et au rêve, tout les oppose et les éloigne instinctivement.



La Nouvelle-France de Monsieur de Champlain construite sur des conquêtes et des alliances, les tribus indigènes soumises ou rétives, les épidémies, l'impérieuse machinerie de la christianisation: c'est l'histoire de la colonisation, violente et mortifère.



En dépit de quelques baisses d'intérêt dues à un trop-plein de barbarie, ce fut néanmoins une lecture originale, d'une beauté contemplative, à la fois poétique et aux fulgurances de violence rageuse, un dépaysement assuré dans les coutumes des tribus indiennes.

La référence de quatrième de couverture au Nouveau Monde de Terence Malik est parfaitement juste pour cette épopée vibrante, impitoyable, au souffle des grands espaces amérindiens.



Cruel et magnifique! Le livre le plus abouti de Monsieur Boyden.
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Dans le grand cercle du monde

Dans le grand cercle du monde est plus qu’un roman, c’est une ode magistrale à un monde à jamais disparu.



Au 17ème siècle, à l’arrivée des Français à l’embouchure du St-Laurent, les Hurons contrôlaient déjà le commerce dans la région et échangeaient le produit de leurs cultures des trois soeurs : maïs, courge et haricot avec différentes tribus, c’est fort logiquement qu’ils commencèrent à troquer avec les nouveaux venus. Contrairement à l’image véhiculée par Hollywood tous les Indiens n’étaient pas de frustes nomades en petites bandes vivant de cueillette de chasse et de pèche et logeant dans des tentes…



L’histoire est celle du génocide des Hurons par les Iroquois alors qu’un danger d’une toute autre ampleur vient de débarquer…



Pour quelques saisons, les voix d’Oiseau (chef Hurons), de Chute-de-Neige (jeune Iroquoise adoptée par Oiseau) et de Christophe (missionnaire Jésuite français) vont se mêler aux tambours de guerre dans un grandiose chant canonique à trois voix, commençant d’abord par se répondre tour à tour pour à la fin se rejoindre en une tragique mélopée autour d’un brasier funèbre.



De Joseph Boyden, j’avais été emporté sur Le chemin des âmes, je l’avais recommandé à ClaireG qui me parlait si souvent de ses chers Indiens, bien évidemment je n’ai pu faire sans avoir une pensée émue pour elle qui comme eux a disparu. C’est encore à un autre niveau que j’ai apprécié celui-ci. Je lui en aurais parlé c’est sûr. Je lui aurais vanté la sagesse et l’intelligence de cœur qui animaient Petite Oie cette chamane Algonquienne…



L’auteur signe ici un roman débordant d’humanité jusque dans les scènes de tortures, rappelant à raison, comme le faisaient déjà les épopées antiques, que ni les hommes, ni les civilisations ne contrôlent leur destinée. Or sans cesse nous oublions les leçons du passé, il nous faut de grands livres pour nous les rappeler, incontestablement celui-ci en est un.
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Dans le grand cercle du monde

J'ai découvert Joseph Boyden en 2012 et je reconnais que Le chemin des âmes a été mon coup de cœur littéraire cette année la !

Donc, c'était évident que des que j'ai su que son 3eme roman était publié, je me suis précipité pour l'acheter...

Cette fois ci , Boyden nous propose une plongée dans le Canada du XVII eme siecle.

Ce magnifique roman est un roman à trois voix : le père Christophe , un jésuite que les indiens vont surnommer Corbeau, un chef Huron nommé Oiseau ( tiens tiens, est ce qu'il ne serait pas un lointain ancêtre de Xavier Bird , un des personnages du Chemin des âmes ??) et une jeune Iroquoise Chutes-de-neige.

Ces trois personnages nous relatent à tour de rôle certains pans de l'histoire canadienne comme le début de la christianisation, le commerce entre les indiens et les "hommes velus", les guerres entre certaines tribus( les Hurons - Wendats -contre les Iroquois - Haudenosaunees -) et aussi tout simplement le quotidien de la tribu de Oiseau.

Ce roman ne se lit pas, ne se raconte pas, il se savoure!!

Joseph Boyden a une écriture magnifique, ses descriptions sont empreintes de poésie . On sent aussi l'important travail de recherche qui est derrière ce roman, mais sans que cela ne l'alourdisse, au contraire, l'histoire n'en est que plus authentique .

Que dire de plus de ce livre que j'ai adoré ? J'ai dégusté chaque chapitre, même si certaines scènes de tortures m'ont un peu remuée, et j'ai tourné avec regret la dernière page de ce livre de près de 600 pages.

Je pense que l'on a pas fini d'entendre parler de cet auteur qui a mon sens joue vraiment dans la cour des très grands....



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Dans le grand cercle du monde

J’ai tardé à faire cette critique (13 jours) et je m’en veux : certaines impressions s’estompent déjà. Il faut dire que le confinent ne m’aide pas ; j’ai ces temps-ci la puissance de concentration d’un poisson rouge… Dans le grand cercle du monde est un roman puissant et, malgré ce que je viens de dire, marquant. Joseph Boyden met en scène trois narrateurs à la première personne dont les récits se succèdent et qui, parfois, racontent le même événement, nous donnant ainsi à voir différentes perceptions. Vraiment différentes, ces perceptions, et pour cause ! Le père Christophe, un de ces jésuites envoyés en Nouvelle-France pour évangéliser les « Sauvages », est confié par Champlain à un groupe d’Algonquins qui doit l’accompagner en Huronie (idéalement trois semaines de voyage), mais qui l’abandonne en territoire iroquois parce qu’il les retardait trop. Le deuxième narrateur, Oiseau, est un chef de guerre huron. Sa femme et ses deux filles ont été massacrées par des Iroquois, les Haudenosaunees, et il est inconsolable de cette perte. Avant que son groupe de chasseurs soit repéré et attaqué à cause de la maladresse du jésuite qui s’entête à les suivre, ses guerriers et lui-même massacrent les responsables de la mort de sa famille, mais recueillent Chutes-de-Neige, une toute jeune fille qui s’était cachée : c’est elle la troisième narratrice. Oiseau en fera sa fille. Christophe sera finalement accepté par les Hurons et le Corbeau vivra un temps au sein de la tribu, effaré, scandalisé et pourtant parfois admiratif des mœurs de ce peuple inconnu dont il réussit relativement rapidement à apprendre la langue.

***

Comme c’était l’usage, le père Christophe envoie, chaque année, le récit de ses « aventures » au supérieur de la communauté des jésuites. Il semble bien que Joseph Boyden s’en soit inspiré et qu’il ait utilisé plusieurs personnages bien réels pour créer ses missionnaires, Jean de Brébeuf, Isaac Jogues et Paul Ragueneau pour ne citer que ces trois-là. On peut trouver les textes des Relations des Jésuites numérisées sur Gallica et sur le site de la BNQ : selon l’épistolier, certaines années sont absolument passionnantes, d’autres d’une étonnante platitude pour le lecteur lambda. L’expression « le choc des cultures » prend tout son sens à travers cette histoire. Bien difficile pour le Corbeau catholique d’envisager que la dévoration du cœur de l’ennemi soit un signe de respect envers lui et émane du souhait de s’approprier ses qualités. Inimaginable pour Oiseau et Chutes-de-Neiges de comprendre que le dieu des Corbeaux accorde une âme (orenda) à l’homme, mais pas aux animaux ni aux plantes… Tout passionnant que m’ait semblé ce roman, j’ai lu en diagonale les récits (nombreux) de massacres et carrément sauté, à partir du deuxième, ceux (encore plus nombreux) de tortures épouvantables. Choc culturel…
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Dans le grand cercle du monde

On ne peut que dire de ce livre, un grand roman! Un travail de recherche bien abouti! Trois voix, trois vie, trois univers, trois différents mondes , trois tempéraments, trois mémoires, trois amours perdus forme une parfaite symbiose de trois fabuleux personnages qui portent en eux la marque l'histoire canadienne du XVIIeme Siècle, celle de la guerre entre les aborigènes fondus dans le personnage de Oiseau un valeureux chef guerrier des huron et Chute-de-neige une captive iroquoise qui deviendra fille adoptive de Oiseau, ces deux tribus se font la guerre tout le temps, dire que chacune d'elle doit toujours dormir avec un œil ouvert sur sa natte, être aux aguets fait l'instinct d'un bon guerrier, ensuite il y a l'intrusion de l'étranger, la France représenté par un prête Jésuite, Christophe Corbeau, le précurseur de la colonisation, il a pour mission d'apporter la bonne nouvelle aux barbares, acceptant toutes les tortures barbares pour s'incruster dans ce monde et préparer ainsi le terrain pour l'implantation de la France ...
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Dans le grand cercle du monde

J'en attendais probablement trop... Très bien écrit, plein de clichés mais c'est un peu le genre qui veut ça et ça ne me gêne pas. En revanche j'ai eu du mal à accrocher. Trop de longueurs, et surtout le style choisi, une succession de monologues décrivant souvent la même scène sous différents points de vue, est lassant à la longue. Très mitigé donc mais ça n'engage que moi...
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Dans le grand cercle du monde

J’adore les pavés qui, dès les premières pages, provoquent mon enthousiasme. Je jauge alors leur épaisseur en me disant: «P….n! Je vais me régaler!» Et quand le bouquin tient toutes ses promesses, j’en ressors tourneboulée, conquise, la tête pleine d’une histoire que je n’oublierai jamais.



J’ai tout aimé dans ce roman : la trame, le propos, l’écriture et les personnages.

C'est une épopée bien rythmée dans laquelle Joseph Boyden raconte la fin d'un monde.



Dans le Nord du Canada au 17è siècle, les Hurons et les Iroquois sont des tribus indiennes ennemies qui, de vengeances en représailles, ont toujours une raison de guerroyer. C’est dans ce contexte conflictuel qu’un missionnaire débarque chez les Hurons afin de les convertir christianisme (et aussi de développer les échanges commerciaux profitables que les français entretiennent avec ces “sauvages”).



Trois narrateurs rapportent alternativement les évènements, ce qui permet au lecteur de s'en faire une idée plus précise, plus objective. Les personnages semblent suivre leur route en toute liberté, sans contrainte de la part de leur créateur. Ils sont grandioses, faillibles, humains:



- le père Christophe, prêtre jésuite français, surnommé “le corbeau”, est habité d'une foi sans faille;

- Oiseau, chef huron charismatique, est un grand guerrier à la force tranquille;

- Chutes de neige, jeune iroquoise au caractère affirmé, est capturée par Oiseau et deviendra sa fille adoptive.



Chacun perçoit la réalité différemment en fonction de sa culture, de ses convictions, de son expérience. Et même si parfois ces trois-là se devinent ou s'estiment l'un l'autre, leurs rapports restent souvent marqués par l'incompréhension, qui si elle conduit quelquefois à des situations cocasses, les mènera inéluctablement au drame.



Les modes de vies, les cultures, les croyances et les rituels donnent lieu à des descriptions détaillées et passionnantes.



La vie et la mort, la compassion et la cruauté, l'humanité et la négation de l'autre, s'entremêlent aux portes de la folie.



Il n'y a rien de simpliste ni de manichéen dans ce grand roman où deux monde sont confrontés.

La maladie, les exigences économiques et la complexité des relations humaines, anéantiront l'un d'eux.

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Origine suspecte

Il y a vingt ans, j'aimais beaucoup lire les thrillers de Patricia MacDonald. Trouvé d'occasion, ce livre me permettait de renouer avec elle. Mon ressenti est mitigé.Evidemment, les goûts en matière de lecture évoluent...



J'ai retrouvé son sens du suspense et l'art de créer une atmosphère angoissante. Mais on sait pertinemment, vieille ficelle, que le suspect présenté comme coupable , ici ayant coûté la vie à une jeune femme dans un incendie provoqué, n'est pas le bon. Cependant, le retournement de situation vers la fin est bien amené.



L'analyse psychologique des personnages est finement détaillée. Peut-être souffre-t-elle quand même d'un aspect un peu caricatural: le policier de province qui ne cherche pas vraiment à fouiller la vie des concitoyens qu'il connait bien, la jeune productrice célibataire solitaire qui consacre tout son temps à son travail... Et on aimerait par exemple en savoir plus sur ce qui a séparé Britt et sa soeur, maintenant disparue, Greta.



Le livre reste en tout cas prenant, mais quel dommage de conclure par une idylle guimauve, peu vraisemblable et vraiment inutile. Elle gâche l'impression d'ensemble, plutôt agréable ! Reviendrai-je un jour vers l'auteure? Je ne sais pas...
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Dans le grand cercle du monde

Maître Corbeau, sur sa chaire perchée, tenait dans son bec ce langage : "Convertissez-vous et vous entrerez au Royaume des Cieux".



Les Sauvages, par ce bagou peu alléchés, lui tinrent à peu près ce langage : "Casse-toi, pauv’ con !".



Cette entrée en matière humoristique – bien que résumant les grandes lignes ce superbe roman – omet la manière bien plus subtile dont se déroulera cette évangélisation du peuple des Hurons.



L’auteur fait dans le sérieux, moi pas. Mais la lecture (faite entièrement sur liseuse) fut enrichissante et enivrante…



Le récit m’a emporté en Nouvelle-France, au 17ème siècle, dans une tribu Wendat (Hurons) où le père Christophe vient de débarquer, ne doutant pas qu’il arrivera à évangéliser ceux qu’il nomme "les Sauvages". Lui sera surnommé "Corbeau" par les gens de la tribu.



Nous sommes face à un roman à 3 voix : 3 voix aussi dissemblables qu’elles sont indissociables…



Premier narrateur, le père Christophe, notre jésuite. En second, une jeune iroquoise prénommée "Chutes-de-Neige" dont la famille vient d’être massacrée par le troisième narrateur "Oiseau", un chef Huron qui va l’adopter comme sa fille. Oui, il massacre la famille mais il adopte…



Ce changement de narrateur à chaque chapitre donne un autre souffle au roman, nous faisant entrer dans la peau et les pensées de trois personnes différentes, avec une culture différente (de par le sexe du personnage, sa place dans la société ou son origine ethnique) et un mode de vie diamétralement opposé (prêtre et guerrier chasseur).



Si j’ai eu envie de baffer bien souvent le jésuite, il est tout de même remonté dans mon estime à la fin, en faisant preuve d’un courage que je n’aurais jamais eu.



Oiseau, grand guerrier, à eu le cœur brisé par le massacre de sa famille. Alors, en juste vengeur qu’il est, il massacre lui aussi des gens de la tribu responsable de la mort des siens et adopte la fille des gens dont il vient de défoncer la tête…



Chutes-de-Neige est habitée par la vengeance envers Oiseau, mais on sent le personnage mûrir, jusqu’à devenir une femme. Son évolution est présente au fil des pages, la gamine changeant au fil des saisons qui passe dans le récit.



Tout le récit est baigné par de l’incompréhension et de la méfiance de part et d’autre des protagonistes (prêtre, Wendats et Chute-de-Neige). Comme des chiens qui se reniflent, les Wendats observent avec des sourires ce Corbeau qui fait d’étranges signes et notre jésuite implore Dieu de leur pardonner parce qu’ils sont des sauvages.



Pourtant, je ne les ai pas trouvé si "sauvages" que ça, moi, ces Hurons ! Ils vivaient juste de manière différente, c’est tout. Cela en fait-il des barbares pour autant ? Non.



Ce roman magistral est une immersion dans la culture des différentes peuplades qui composaient la "Nouvelle France" pendant la colonisation et l’évangélisation. Impuissant, on assistera à un changement radical chez ces gens avec la découverte des armes à feu par la tribu "ennemie".



Oui, l’homme Blanc a tendance à faire pourrir les fruits intacts qu’il touche… Il lui impose sa pensée, veut imposer son mode de vie, son Dieu. Oui, nous avons corrompu des tas de gens qui ne nous demandaient rien. Juste parce que nous estimions que c’était "pour leur bien". L’enfer est pavé de bonnes intentions, c’est bien connu.



Attention, les Hurons n’étaient pas des tendres non plus et se livraient entre eux à des guerres sans merci, mais ils le faisaient avec leurs propres armes, des arcs, des lances et pas avec des mousquets !



Un tout grand roman que j’ai dévoré en peu de temps, malgré les petits temps morts qui parsèment le récit. Les personnages étant tous bien décrits, ils étaient des plus agréable à suivre afin de les voir évoluer dans le bon ou le mauvais sens.



Quant à l’écriture, c’était un petit bijou, tant au niveau des descriptions que des personnages.



Seul bémol, quelques scènes de tortures qui auraient pu être suggérées et pas décrites. Trop de violences tue la violence et j’aimais mieux la violence sous-jacente du début que celle, brute de décoffrage, qui sévit à la fin.



Quand au titre, j’aurais préféré qu’ils laissent l’original "Orenda" qui non content d’éveiller notre curiosité, trouvait réponse dans le récit.



Pour le reste, un grand roman.
Lien : http://thecanniballecteur.wo..
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Dans le grand cercle du monde

La douceur de la torture ou l'art de caresser avec le feu. C'est tout le paradoxe de ce long roman (700 pages) .Passer de la cruauté la plus sordide à la douceur des moeurs et à la symbiose avec la nature. La torture est totalement ritualisée et acceptée par toutes les tribus

Avec le chef Huron et la jeune prisonnière Iroquoise , le jésuite français Christophe ou le Corbeau est le troisième personnage majeur

J'ai souvent critiqué les auteurs qui ont besoin de centaines de pages pour ce qui peut être dit sous forme d'une courte nouvelle

Ce n'est pas le cas ici.Ce livre nécessite le temps long de la nature , du rythme tribal et de la longue patience indispensable au prêtre pour essayer d'accomplir sa mission

Joseph Boyden est un remarquable conteur et j'ai été bluffé et surpris de m' intéresser à cette histoire de lutte ente Hurons et Iroquois , sur fond de colonisation politique ,économique , et religieuse

Pour réussir son coup, c'est à dire accrocher le lecteur pendant des heures sur un sujet pas franchement folichon et caricatural ( les bons colonisés, les mauvais blancs qui apportent misère et maladies, le missionnaire sûr de son fait ), Boyden évite toute approche grossière ou politique

Il laisse vivre les protagonistes ,il raconte toujours avec une certaine douceur leur quotidien ,leurs espoir ou leur tristesse dans un environnement très difficile mais souvent très beau à travers les relations humaines.

Le personnage du jésuite avec sa foi ,son opiniâtreté et ses doutes, bien loin des clichés, est aussi réussi et touchant que les deux autres

C'est vraiment un très beau livre

Je venais juste de lire un autre grand conteur dans un style bien différent, Dai Sijie, l'‘ Evangile selon Yong Sheng

Joli mois de lecture car les écrivains qui savent vous faire voyager avec intelligence dans le temps et l'espace et vous tenir en haleine ne sont pas si nombreux

Bravo, Mr Boyden et merci

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Un seul parmi les vivants

On est en Caroline du sud en 1932, c'est la grande dépression et la prohibition. La petite ville a perdu nombre de ses enfants morts dans les tranchées en Europe, c'est encore très présent, et les survivants ne dessoûlent pas.

C'est un polar social dépressif et lent, noyé dans les vapeurs du Bourbon, que nous livre Jon Sealy pour son premier roman, un croquis d'une Amérique périphérique de petits blancs pauvres, ouvriers des filatures ou paysans à l'écart des villes. Les populations noires sont absentes du roman, comme invisibles, reléguées dans un blues de Bessie Smith et interdites de travailler dans les usines pour vivre. Terrible concurrence entre les misérables !

Les prêches de l'église Baptiste vouent tous les pécheurs aux flammes de l'enfer et induisent un climat dominé par la fatalité .

La violence couve entre beuveries et bagarres. le trafic d'alcool de Tull qui ne dérange personne d'habitude, laisse un beau jour deux morts abattus à la chevrotine devant un bar, et un blessé en fuite, le bouc émissaire commode, Mary Jane Hopewell, le mauvais garçon, affublé d'un surnom humiliant depuis l'enfance.

C'est une enquête compliquée pour le shérif Furman Chambers, 70 ans, père de deux fils morts dans les tranchées, qui voit débarquer deux agents de la police d'Etat, troubler l'apparente quiétude de la communauté . Il est Coincé entre sens du devoir et désir que tout revienne comme avant.

Jon Sealy met en scène une belle galerie de personnages, les hommes du clan Hopewell, de beaux portraits de femmes, la paisible Alma, la sombre Abigail, la terrifiante tante Lou. Il esquisse un Roméo et Juliette dans les maïs, l'inévitable tragédie.

Quelques longueurs, un peu de surplace sur le personnage de Mary Jane, c'est tout ce que je reproche à ce roman qui nous parle d'une Amérique désabusée où les hommes sont une variable d'ajustement d'un trafic qui fonctionne comme l'économie officielle.





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Dans le grand cercle du monde

Oiseau est un grand homme, un chef de guerre digne et respecté au sein de la communauté des Hurons. C’est aussi un homme au cœur brisé depuis que son épouse et ses deux filles ont été torturées et tuées par les Iroquois voici déjà plusieurs années. Pour apaiser son chagrin, il part chaque mois accompagné de son fidèle ami Renard tailler des sillons sanglants dans les rangs de leurs ennemis ancestraux. Lors d’une de ces expéditions, il fait la capture d’une jeune Iroquoise, Chute-de-neige, qu’il ramène à son village après avoir massacré les siens. Il souhaite l’adopter mais la jeune fille est ardente et sauvage, peut-être même un peu folle, prête à tout pour faire payer à son ravisseur la mort de ses parents.



Et là ne s’arrêtent pas les ennuis d’Oiseau puisqu’il doit accueillir sous son toit un « Corbeau », le jésuite Christophe venu tout droit de France pour apporter la parole divine au Nouveau Monde. Le « Corbeau » est un homme étrange, un peu ridicule avec sa barbe épaisse, ses habitudes bizarres et sa façon de baragouiner comme un petit enfant, mais c’est aussi – Oiseau le devine obscurément – un homme dangereux. Oiseau est un homme triste, mais un homme lucide. Il le sait, il le sent dans les vents tourbillonnants des prairies, dans l’arôme des forêts et dans l’odeur fraiche des premières neiges hivernales : son monde est sur le point de changer.



Il y a des romans dont on sent dès les premières pages qu’ils relèvent du chef d’œuvre, une tension s’installe dès les premières lignes, un petit quelque chose qui vous fait battre le cœur plus vite et ne vous lâche pas avant la toute fin du récit. « Dans le grand cercle du monde » en fait partie. A travers les yeux de trois personnages – le guerrier, la captive et le jésuite – il nous fait partager le quotidien d’un village huron, rythmé par les cultures, les chasses et les escarmouches avec les tribus voisines. Ces trois protagonistes s’avèrent aussi intéressants et attachants les uns que les autres, Oiseau avec sa dignité et son sens aigu de la justice, Chute-de-neige avec son courage et Christophe « Corbeau » avec sa générosité désintéressée. Ce dernier rebute un peu au premier abord, tant son point de vue sur le monde semble étriqué, mais il a fini par me toucher malgré tout car ses bonnes intentions sont évidentes bien que souvent malavisées. Il entraîne dans son sillage souffrances et destructions pour le peuple huron, tout en mettant à cette œuvre de dévastation une candeur désarmante et une bravoure digne de respect.



« Dans le cercle du monde » est un roman sombre puisqu’il se déroule à une époque charnière où les grandes épidémies apportées par l’homme blanc dévastent les populations indiennes et où le fragile équilibre entre les tribus est rompu par l’arrivée des armes à feu, les guerres de clans se transformant petit à petit en guerres d’extermination. Il ne décrit pas non plus les indiens sous un jour angélique, la brutalité des scènes de tortures opposant un contrepoint sanglant à la violence de la colonisation. Pourtant, ce n’est pas un roman totalement désespéré. Si l’incompréhension et la méfiance dominent les relations entre les protagonistes, celles-ci ne sont pas exemptes de curiosité et un respect réticent finit par s’installer entre les sauvages et les jésuites. Malgré la barbarie des uns et l’aveuglement des autres, on entrevoit un autre monde, un monde où les plus faibles ne seraient pas inéluctablement détruits par les plus forts et où les deux populations auraient une chance de prospérer en harmonie. Monde idéal et, par conséquent, monde impossible… Mais ça ne fait pas de mal d’espérer, hein ?



A la fois poétique et cruel, magnifique et dévastateur, « Dans le cercle du monde » est un roman d’une rare puissance, un fabuleux voyage dans le passé qui ne devrait laisser personne indifférent. Je recommande très chaleureusement !

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