Comme la Liberté qui était au fond d’un puits
La Beauté comme la lune s’y reflétait
On avait beau tirer sur la corde monter des seaux d’eau
Elle restait collée au fond obstinément
Et dans nos mains fiévreuses
L’eau coulait entre nos doigts avant qu’elle n’arrive
A notre bouche assoiffée et les quelques gouttes
Que nous portions à nos lèvres
Avaient un goût amer. Peut-être
Que ce n’était pas la meilleure façon
De goûter à la Beauté et à la Liberté
Mais nous n’en connaissions pas d’autres.
Allongée sur la table
Blanche des mains au visage
(J’aurais voulu prendre sa place)
Bientôt viendra l’ambulance
Elle sortira d’ici
Pour ne jamais plus revenir. À midi
Nous avons déjeuné sur cette table.
Si par bonheur
On pouvait arrêter les bruits des machines
On entendrait la voix de mes compagnes
Chanter les chansons de la vie
Chansons d’amour chansons de tous les jours
Si par bonheur on pouvait
Ces voix qui chantent sont jeunes et jolies
Si par bonheur on pouvait arrêter
La voix de l’usine. Si par bonheur
Tu l’as aimée cette fille aux grands yeux
Dont j’oublie le nom mais je pourrais encore
Démêler un par un les fils châtains de ses cheveux
Toucher d’un doigt léger ses lèvres sa peau dorée
Perlée de sueur. Je pourrais encore
Boire ces perles ma liberté
Sans entraves.ma liberté
Sauvage
………………..
Jour après jour après jour
Vient l’usure la rage au cœur
Enfle et puis décroit et puis c’est dimanche.
[...]
Vite vite changez de tablier
Enfilez celui-ci il est gris
Oubliez oubliez étouffez
Ficelez votre imagination. Laissez
Si vous y tenez vos larmes couler
De préférence dans les W.-C.
Plus loin. Il faut
Aller plus loin. De nous
De vous de ces horizons
De ces maisons de ces bruits
De ces pleurs de ces cris
Loin de cette vie. Il faut
Aller plus loin.
Entre midi et deux heures
La jeune fille absorbe la nourriture
Qui a le goût de la maison et qui la réconforte
Entre midi et deux heures
Elle sort un livre comme à l'école
Elle se cache pour le lire, pour ne pas montrer les titres
Pour ne pas vexer les autres
Elle lit quelques pages elle rêve
Entre midi et deux heures
Elle accroche à ces rêves ses pensées
Pour le restant de la journée
La flamme rouge or bleu soleil incandescente
Est composée de gaz et d’oxygène
Qui anime la flamme à partir d’un tuyau en cuivre
Relié au gaz de la ville
Tandis que l’oxygène qui souffle le gaz
Vient d’une bouteille en acier
Où l’air est fortement comprimé
A 240 atmosphères je crois. Mais le risque
D’éclatement étant minime
On peut la laisser à côté des jeunes filles
Le risque étant minime
Étais-ce pour moi que toutes ces femmes pleuraient ?
Était-ce pour la jeune fille morte ou pour l’enfant qui n’avait pu naître ?
Je ne sais pas. Nous allions toutes les unes derrière les autres
Avec notre pauvre vie sans trame avec notre roman à écrire.
Et nous n’avions pas les mots.
Quelle sécheresse quelle absence de mémoire !
Femmes sans visage dans un pays de nulle part
Habits gris, larmes sans douleur cœurs sans tragédie
Et cris perçants pour briser le silence.
Qui étais-tu, adolescente
Que je cherche sur les chemins
Inextricables de ma mémoire
Qui étais-tu dans ces années
Si lointaines dans ce pays
Qui était le mien dans ces cahiers
A peine jaunis et qui est-ce
Cette étrangère que je suis ?