Mon suicide à moi, c'est le monde d'aujourd'hui tel qu'il est avec le bien et le mal, le sale et le beau, le beau et le moche, sauf que le bien, il n'est pas assez fin pour niquer le mal...
Tout le problème est là.
Les prières ne servent pas à grand chose, sauf à se rassurer soi-même. On en revient toujours à l'idée centrale de l'album : le paradis est un territoire personnel, pas ce truc vendu par les religions, quelles qu'elles soient. La seule façon de s'en sortir, ou du moins d'avancer dignement dans ce monde-là, c'est de se fabriquer son propre paradis. Si on ne vit pas pour être heureux, je dirais qu'on ne vit pas pour être malheureux non plus. C'est ce que j'ai essayé d'appliquer.
J'ai un carton de toutes les lettres que j'ai reçues, gens connus ou anonymes. Je les ai toujours gardées sans jamais replonger dedans. C'était un épisode trop douloureux... La chose étrange avec les condoléances, c'était qu'elles me ramenaient au malheur. les gens partageaient leurs propres expérience de deuil avec moi, genre "moi aussi, j'ai perdu un frère...", pour me consoler. Et moi, je n'avais qu'une envie, être seul. On me racontait des tragédies en pensant me soulager, c'était tellement paradoxal !
Quitte à mourir, autant vraiment marquer le coup, non ? Faut que ça se voie. Ma mort, je la veux sanglante, avec du rouge sur les murs, sur la moquette de ma chambre, sur mes vêtements. Faut que ça soit sale ! Je ne veux pas que ça soit beau, et surtout quand on me retrouvera, je veux que ma mort laisse un mauvais souvenir, un très mauvais souvenir à tous ceux qui me connaissent. Comme ça, quand ils se rappelleront de moi, il y aura toujours deux images en eux : celle d’un jeune mec de dix-sept ans, mignon et intelligent (il paraît), et celle de son corps par terre, la tête éclatée en dix mille morceaux dans sa chambre (un CD de Marilyn Manson en boucle).
[A propos de la chanson "Juste toi et moi"]
Tout le monde pense que c'est une chanson que j'ai écrite pour lui. Pourtant, c'est juste une chanson d'amour, très idéaliste. Mais l'amour vaut pour les frères aussi...
Je dois être obsessionnel, mais, au risque de me répéter, initier une fille à l'amour est un de mes plus grands fantasmes. Ça me permet de faire un texte provocant, sensuellement sexuel. Comme j'aime ! Et il faut au moins une chanson provoc' par album, non ?
Avant de m'endormir, je sais que Théa me rejoint à Angers et j'ai hâte, je ne l'ai pas vu depuis 6 jours et c'est trop long.
Je crois que j'ai une mauvaise nouvelle pour vous, pour moi aussi d'ailleurs.
C'est vrai, je trouve que l'impudeur et l'indécence sont insupportables. Tu vois, par exemple, j'ai très peu parlé de la mort de Stéphane. Et tu te doutes qu'à l'époque, ils ont été quelques uns à tenter le coup. Je ne voudrais pas me laisser piéger et écrire des chansons où je m'apitoie sur ma vie.
Justine (à l'heure dite):
_ Mais tu ne peux pas ne plus aller à l'école, Justine, tu as encore besoin d'apprendre, tu es comme toute les petites filles et les petits garçons de ton âge, tu es encore si petite, dit l'homme, inquiet, mais qu'est-ce que tu va faire si tu n'y vas plus ?
_ J'irai brûler toutes mes poupées dans un grand champ de blé, voilà, voilà ce que je vais faire, dit-elle presque menaçante. Oh ! et puis non, je les ferai plutôt brûler dans le four de la cuisine, oui ! c'est ça, je les attacherai toutes les quatres sur la plaque, après les avoir mises toutes nues, et puis j'allumerai le four [...]. Voilà ce que je ferai, et ça sera plus drôle que l'école, ça c'est sûr, voilà salut !
Et elle raccrocha.