Le mystère est partout. Le mystère commence là où respire un être humain.
- On ne transmet pas seulement par des livres... Les enfants sont des feuillets vivants... Gravons en eux notre indéfectible espérance...
Les deux vieillards, assis l'un à côté de l'autre sur un matelas de laine, s'étonnaient de sentir leur souffrance allégée. Alors ils s'insurgeaient contre cette acceptation trop rapide du destin.
La vraie solitude est celle dont on souffre au milieu des hommes...
Dans la nuit, l'ouragan se déchaîna. Ce fut d'abord une voix qui s'élevait gémissante et formidable, et d'autres voix lui répondirent comme si les solitudes de Susanfe se fussent peuplées tout à coup. Les hululements montaient, insistaient, repartaient en une suite de crescendos qui se croisaient. On sentait rôder et se lamenter des présences terribles. Et les Valaisannes se signaient en pensant aux morts innombrables sans sépulture. Le vent s'engouffrait dans le vallon avec une violence telle que les hommes tremblaient de voir emporter leurs cabanes et les pierres s'éparpiller sur leurs têtes comme des feuilles. Ils se voyaient livrés aux éléments conjurés dont rien ne les défendait plus.
Aussi vivace et frais qu'aux premiers jours du monde, délivré à la fois des conventions et des routines, des embarras du luxe et des sanctions sociales, l'amour s'offrait à eux dans sa pureté restituée, plus triomphant maintenant qu'il était dépouillé de toutes les vanités.
Eva regarda Max et sourit. Où donc était son âme distraite de jeune fille trop heureuse ? Elle savait maintenant que l'amour réclame la solitude et le silence : il se révèle alors avec sa figure secrète, ses accents qui se multiplient à l'infini. Il grandit comme une plante que chaque jour se plaît à parer. Et il suffit, lui seul, à combler le coeur d'une félicité toujours renouvelée. Sur leur vie dépouillée une lumière magnifique s'épandait, plus radieuse d'être l'unique lumière.
Le ciel déployait lentement sa lumière plus intense. Qu'apporterait-il au monde à l'agonie, ce jour qui se levait, si tendre et si mystérieux ?
« La sagesse orientale enseigne que les hommes se sont échappés vers l’existence individuelle, s’insurgeant ainsi contre la volonté de Dieu. Cette doctrine me plait en vérité... J’obéis à cette volonté profonde qui a préparé et ordonné notre évasion, qui a mis en nous ce besoin torturant de connaître... Et cette obscure volonté, je la nomme mon Dieu. Un Dieu opposé à votre Dieu puéril et contradictoire qui a dit : « Tu ne tueras point » et qui ne cesse de tuer.... »
Cette atmosphère que nous respirons désormais, toute chargée de mots, saturée de messages, parcourue sans cesse par des courants qui propagent la pensée…. Les hommes ont déchaîné des forces qu’ils ne sont plus capables de maîtriser. Ils ne peuvent plus suivre le mouvement qui les entraîne et qu’ils ont eux-mêmes déclenché… Alors, ils sont désaxés. …. Pour vivre dans le monde actuel, il nous faudrait un cerveau plus résistant.