Les yeux de Zia sont des recueils de vastitudes. Des mirages s'y déploient ; des abîmes s'y approfondissent ; le gris magnifique de ces yeux-là est ruisselant de phosphorescences palpitantes ; des troubles y passent par instants, des troubles qui bouleversent les contemplations, enfantent les fièvres et les folies, et ressemblent au deuil de la nature lorsque le soleil est mourant, au deuil qui s'étoile langoureusement.
Je ne fume pas ; je voudrais fumer... Je trouve que la cigarette complète, en quelque sorte, la créature humaine. Non par le goût qu'elle doit avoir - mais par les méandres légers qui s'en exhalent... Fumée bleue, bleue, si délicate, un peu brouillée, indécise, qui s'élève, lente, moelleuse, et titube, et s'entortille et se dissipe. Image vivante de l'esprit, hein ?... D'ailleurs qui me prouvera que l'esprit est quelque chose de plus qu'une fumée de cigarette ? Qui me prouvera aussi qu'une fumée de cigarette ne contient pas de quoi subsidier plusieurs cervelles ?... Et puis, question de goût : j'adore une main d'où s'échappe la fumée jolie et vaporeuse ; j'aime moins la cigarette aux lèvres.
"Non, tu ne peux pas lire ça, Nafalia... C'est dégoûtant : aujourd'hui, on n'écrit plus que des livres ignobles... Si c'est permis de laisser ça à la portée des jeunes filles !... Les gens qui osent publier de telles choses mériteraient le bagne... Il y en a au bagne qui ont fait, certes, bien moins de mal... Non, Nafalia, tu ne peux pas lire ces livres-là, maintenant. Ni maintenant, ni jamais. Laisse-les aux goujats... à ceux qui n'ont pas d'âme et qui cherchent de vilains plaisirs..."
Il ne faudrait pas beaucoup de minutes comme celles-ci pour éteindre la vie d'un homme. Elles sont faites de cauchemars et de morts amalgamées, ces minutes. - Le doigt tout chaud encore, crasseux, onglé démesurément d'un démon qui vous gratterait l'intérieur du crâne ferait des minutes pareilles.
Je me figure que des perles qu'on mettrait dans la main d'un diable auraient la nuance de tes yeux...
Vos genoux sont pointus ; vous êtes très maigre. Un homme maigre, je n'aime pas ça - parce qu'il fait mal en vous étreignant, et puis parce qu'il a l'étreinte trop courte. Chez lui aux moindres mouvements la coupe se verse. C'est quelquefois ennuyeux lorsqu'on a soif...
Apparence menteuse. Combien menteuse ! Elle était le mâle. Il était la femelle. C'est-à-dire - Jamais explication ne fut plus nécessaire que celle-ci - qu'elle était, en dépit de son extérieure délicatesse, la superbe au geste lourd, l'émancipée au frémissement altier ; - et qu'il était, sous sa nerveuse et arrogante carcasse, le faible qui a le rêve et qui a la bonté.
Je la retiens par le bras :
- Zia... Ecoutez... Zia, dites-moi, je vous prie, que vous êtes persuadée que l'étreinte, même sans amour, est un trait d'union sublime...
- Allons, voyons, pourquoi voulez-vous que je vous dise ce que je ne pense pas ?... Un trait d'union sublime !... Non, mais vous êtes à encadrer, vous !...
Une complexité troublante dans une complexion adorable : Eurynome-Aphrodite.
Elle était cela.
Étrange, et sans volonté bien déterminée.
Ainsi qu'un abîme qui exhalerait des douceurs de parfums parmi une fureur de grondements.
Le rire clair qu'elle eut, tintera en tous les instants de ma pensée. - Des fragments importants de la vie peuvent s'accrocher à l'intensité d'une note absurde et rester continuellement en évidence sur le champ vaste du souvenir ; haillons de rêve. - J'entends le rire de Zia, et je vois mon état d'âme d'alors jeter au mouvement des choses son frémissement de passion et d'angoisse.