…cette remarque est importante lorsque l’on s’aperçoit de la pauvreté des traditions artistiques prévalent, de fait, en Espagne, à l’époque de la conquête. Quelle que soit l’importance que l’on puisse accorder aux églises wisigothiques pour l’art chrétien primitif, et, peut-être, pour le renouveau ultérieur d’un art médiéval dans la péninsule, elles ne pouvaient remplacer pour les conquérants musulmans le choc qu’ils avaient ressenti devant les églises de Palestine. En Espagne, somme toute, les superbes monuments civils de l’époque romaine constituaient encore l’infrastructure architecturale la plus impressionnante du pays (…) dans la mesure où nous en avons connaissance, les autres productions de l’Espagne préislamique étaient plutôt limitées, ou bien, comme dans le cas des fameuses « couronnes de Guarrazar », des exemples accidentellement trouvés en Espagne d’un art princier appartenant à une culture germanique beaucoup plus vaste.
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La valeur à attribuer aux monuments islamiques d’Espagne dans notre définition générale d’un répertoire archéologique des provinces musulmanes est, ainsi, essentiellement, une valeur de reflet : l’impulsion de départ qui a donné naissance aux monuments islamiques de la péninsule ibérique, ainsi que leurs premiers modèles et idéaux, appartenait à un monde extérieur à l’Espagne. Cela est vrai même pour des monuments d’une portée historique ou esthétique aussi importante que Cordoue, Madinah al-Zahra, les ivoires, les étoffes, ou même, beaucoup plus tard, l’Alhambra. Car c’est la faiblesse culturelle de l’Espagne chrétienne au VIIe siècle et un certain nombre de hasards au début de l’histoire islamique qui ont propulsé cette province reculée au rang de centre islamique majeur. (pp. 38-40)