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Citations de Page Comann (158)


De temps à autre, un cadavre enveloppé dans un drap crasseux bascule par-dessus la lisse, mais les pleurs de ceux qui le perdent sont couverts par les claquements des filins dans la mâture. Pas de prière. Pas de derniers sacrements. Simplement le bruit d'un corps qui plonge dans le Saint-Laurent. Le fleuve s'amuse à le déshabiller de son suaire de fortune puis, poussé par le courant, le mort en haillons disparait derrière la poupe de la goélette où Dieu a soufflé la bougie de sa vie. (p.133)
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Sans le mal, le bien n'est qu'une idée abstraite.
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- Prenez une bonne douche brûlante et revenez attendre mon commissaire avec moi. Je vais en profiter pour préparer un vin chaud. Harvey et moi, nous avons été en France une fois, pour Noël, à Colmar. Nous en avons rapporté la vraie recette.
Quand Diane redescend, le corps alangui par l'eau bouillante et les émotions, la maison embaume la cannelle, la badiane, le gingembre, le girofle et la muscade. Et bien sûr, l'orange et le vin chaud.
- Mais je vais être ivre après un verre ! s'exclame Diane.
- C'est souvent ce qu'on dit des Écossais. Ils sont tous ivres après un verre. Le dixième en général.
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Aujourd’hui, sur les ardoises de la capitainerie de la Basse-Ville, aucun débarquement d’immigrants en provenance de la Grosse-Île n’est annoncé. Ce répit provisoire soulage une populace de plus en plus réticente à accueillir ces pestiférés d’Irlandais qui n’apportent que leur misère dans le Nouveau Monde. Autour des étals, les femmes tâtent les fruits, soupèsent les légumes, rechignent à choisir un morceau de viande trop nerveuse ou un poisson aux yeux vitreux. Parfois, les marchandages s’enveniment d’une dispute. Les commérages vont bon train et ne sont jamais avares d’une vacherie devant un fessier trop large ou une basquine mal ajustée.
C’est une journée normale sous un ciel grisâtre d’humidité. Un tableau étrange où les nantis se mélangent aux pauvres sans même les voir. Sur les marches du dispensaire, les crève-misère se figent en statues, la main tendue vers une obole qui ne viendra pas. Dans l’obscurité des ruelles, les filles de mauvaise vie aguichent le client et remontent leurs jupons pour négocier une piécette de jouissance. Un demi-sou avec la bouche. Un sou par-devant. Deux par-derrière.
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Loin des sacrements et de la protection que Saint Ignace doit apporter aux bûcherons en partance, les tavernes ne désemplissent pas. Bien sûr, les hommes croient en Dieu, mais les huit mois à trimer dans la solitude des forêts, la gadoue de l’automne et le froid de l’hiver gomment la foi des plus assidus à la supplique. La-haut, dans les cambuses de la Lièvre, il sera toujours temps de s’agenouiller et d’appeler Dieu à l’aide. Après les soirées bercées de vantardise au coin du feu, après les dimanches de repos remplis de chansons, de jig et de clog, la prière sera leur unique passe-temps.
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Les paysages se succèdent, toujours sous un déluge de fin du monde, dans une succession d’heures glacées et un défilé de nuages bas.
Les épaules et les reins mouillés sont transis de froid. Les doigts s’engourdissent à tenir les rênes des chevaux dont les dos fument sous les averses. Les gueules maussades tirées lors des repas ou des haltes pour la nuit accompagnent des danses étranges. Les hommes tapent des pieds pour se réchauffer devant des feux qui donnent plus de fumée âcre que de flammes. Les hommes ont les yeux hagards, fatigués de claquer des dents. Figures de navets blêmes aux joues hérissées de barbe. Autour des foyers qui sèchent les bottes croûtées de boue, flotte une puanteur de cuir rance et de vieilles peaux. Parfois, une engueulade entraîne un coup de poing. Souvent, le silence enfin trouvé est balayé par la furie des chiens qui répondent aux loups.
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- Pourquoi l’Outaouais ?
- Parce que Kate me l’a demandé… Pour qu’elle ressuscite, je serais prêt à aller n’importe où. Dans sa dernière lettre, elle voulait que cette terre devienne mon nouveau pays.
- Je ne sais pas si ça sera le tien, mon gars, mais en tout cas, l’Outaouais, c’est le mien. Depuis tout gamin, je le parcours de long en large. Je connais le moindre remous de chaque torrent. Quand j’avais encore mes deux jambes, avant d’être policier, j’étais soit draveur, soit cageux. Ça dépendait de la paie. Un jour, en voulant dynamiter un embâcle, j’ai joué les fanfarons et ça m’a coûté la jambe droite. La drave, tu en as entendu parler ?
- Pas vraiment…
- En gros, c’est un métier de brave qui consiste à convoyer le bois, via les rivières, jusqu’au Saint-Laurent. Ensuite, les grumes sont embarquées sur les bateaux qui repartent, pour la plupart d’entre eux, vers l’Angleterre.
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Pour masquer sa gêne, Martin éclate de rire et passe son bras autour des épaules de la ronchonneuse.
- Je vous promets de réfléchir à votre demande en mariage, Mademoiselle Kate McBride.
- C’est ça : « Chante, beau merle, t’auras une belle cage ! » Tu sais, je suis loin d’être idiote. J’ai hérité le bon sens de ma mère et l’honnêteté de mon père. Si Dieu ne veut pas que je sois jolie, il devra en assumer les conséquences.
- Comment ça ?
- Je l’épouserai à ta place. Pour lui gâcher la vie, je choisirai un nom de nonne diabolique ; un truc du genre sœur Dolorès ou Méphistophélès.
- Ne dis pas de sottises, Kate. D’abord, tu n’es pas laide et ensuite…
- Arrête de te justifier ! Je connais les balivernes du genre : « La beauté de l’âme est plus importante que l’ingratitude du corps. » N’empêche, un laideron reste un laideron, même avec une auréole de sainte autour de la tête. D’ailleurs, en parlant de bondieuseries, je crois bien que le lourdaud qui s’approche est le curé du voyage.
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Derrière lui, Robert a compris. Son père est devenu fou. Et La Vermine s’effondre, le visage contre les pavés, refusant de regarder la mort en face.
- J’vous en supplie, Monsieur Mullargh. Je sais plein de choses qu’on vous dit pas ! Moi, j’entends tout et je vois tout ! Ici, les gens vous craignent, mais ils préfèrent vous raconter n’importe quoi plutôt que de vous mettre en colère. J’suis p’t’être une vermine, mais j’suis pas un menteur. Dans votre discours, avant la messe, vous avez juré de retourner le pays pour retrouver Martin Sullivan et Kate McBride. C’est pas la peine. À c’t’heure que j’vous cause, ils sont en route pour le Nouveau Monde et je sais qui est responsable de leur départ. Je connais toute l’histoire !
Deaglán Mullargh referme son cran d’arrêt et aide le piteux à se relever. D’un geste amical, il tapote l’épaule de celui qu’il avait décidé d’égorger.
- C’est bien, petit. Tu vas tout me raconter.
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Kate connaît aussi ces histoires. Cette terre d’Irlande qu’ils quittent restera le sang qui nourrit leurs âmes. Pas besoin de parler. La mélancolie n’exige pas d’explication.
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Elle est dans un ailleurs de souffrance qui lui déforme la bouche. Sa respiration siffle. Devant son regard de gargouille, les dépouilles cadavres de ses parents et de petit Paul ressemblent à des épouvantails renversés par le vent. La vie de ceux qu’elle aimait s’est envolée, mais une force étrange lui interdit de se plaindre. Son corps refuse de pleurer. Tout son être lui intime l’ordre de passer à autre chose. Là, dans cet endroit de tourbe et de famine, elle ne peut s’appuyer que sur un seul piquet pour tenir debout.
Martin Sullivan.
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La chaleur des derniers jours de juillet écrase L’Abord-à-Plouffe sous une chape de plomb. La place du village est un four à pain. Pour se protéger du soleil qui leur darde la couenne, les grenouilles de bénitier s’abritent sous le porche de l’église, dans la fraîcheur de la maison du Seigneur. Les autres, les athées et les soiffards se rafraîchissent la glotte dans les tavernes. Profitant de l’aubaine que Dieu lui accorde à cuire le râble de ses ouailles, le bon père Théodore a prévu deux messes aujourd’hui. La première à Tierce, la seconde à None, toutes deux basées sur le principe de la liturgie des heures, afin de rester dans la joie, rendre grâce et se plier à la volonté divine.
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Chez nous les Anishinaabeg, on raconte que la vie c'est l'imprévu qui arrive quand on a pensé à tout.
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Ici, la violence couve en permanence. Dans ce territoire d’ours et de meutes, les hommes ne sont pas les bienvenus. Le loup qui le surveille toujours en est la preuve.
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 Quand j’étais gamine, ma mère me disait toujours : « Apolline, il te faudra embrasser beaucoup de crapauds avant d’en trouver un qui se transformera en prince. » C’est comme ça, le désir n’attend pas. 
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 Dans l’escalier, sa croupe ne se contente pas de chalouper, elle donne le mal de mer. Quand la coquine se retourne, elle le charme d’un clin d’œil de gourgandine. 
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-  Tu n’as pas mauvaise conscience de tromper un type avant même de l’avoir épousé ?
– Ce n’est pas parce qu’une chèvre est promise à un bouc qu’elle n’a pas le droit de se frotter contre la jambe d’un cheval. 
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Si Dieu a envoyé le mildiou en Irlande, c’est l’Angleterre qui y a répandu la famine. Comment obliger un peuple qui meurt de faim à payer ses impôts en semailles abîmées ? 
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Depuis des mois, les cultures meurent, rongées par le mildiou. Avec un inexorable appétit, la Grande Faucheuse se rassasie des âmes de ceux qui n’ont plus rien à manger.
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D’après diverses légendes, un windigo prend vie lorsque trois éléments sont réunis : la faim, un froid extrême et l’isolement. Dans les traditions algonquiennes, c’est un pourfendeur de chair qui s’attaque aux personnes vulnérables et les tue afin d’usurper leur identité. Pour le vaincre, les armes classiques sont inopérantes, même si elles peuvent le tenir à distance.
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