Monet, Pissarro et Cézanne étaient issus de grandes familles bourgeoises qui ont toujours vu d'un mauvais oeil les ambitions artistiques de leurs fils respectifs ainsi que leur mode de vie instable. Elles ont constamment cherché à exercer un contrôle sur leur façon d'agir en leur coupant les vivres. Nombre de peintres de cette époque -particulièrement au début de leur carrière - souffrirent d'extrême pauvreté et durent faire appel massivement au crédit pour subsister; malheureusement, ces sources de revenus tendaient à s'épuiser rapidement. Monet a échangé une peinture contre une paire de bottes. Pissarro payait son docteur avec des dessins. (p. 9)
En 1878, c'est Pissarro qui écrit à Eugène Murer, un pâtissier achetant de temps en temps ses peintures : "L'art est une affaire de ventre affamé, de bourse vide, de pauvre hère." Alfred Sisley s'inquiète : après qu'il aura payé le boucher et l'épicier, que va-t-il lui rester des 200 francs que Paul Durand-Ruel, son marchand d'art lui a envoyés ? "Au premier je n'ai rien payé depuis six mois et au second rien depuis un an", écrit-il, avant d'ajouter "Je suis complètement effondré". Même ceux de milieux plus aisés -comme Cézanne - avaient des fins de mois difficiles et la maigre rente concédée par un père en révolte contre le mode de vie de son fils ne suffisait guère. Louis-Auguste Cézanne a toujours méprisé les ambitions artistiques de Paul et il se faisait un plaisir de lui rappeler que "c'est l'argent qui vous nourrit, le génie, lui, vous tue".
Je dois admettre que Monet parvenait à se faire offrir un dîner de temps à autre. Alors, nous nous gavions de dinde aux truffes, arrosée de chambertin !