Citations de Patricia Castex-Menier (57)
Si
peu de passé,
et l'avenir trop indistinct :
tu as le droit d'être princesse de l'instant.
La mémoire et l'espoir
se limitent aux reflets du jour,
et tu danses, sans pareille.
Descends
cependant quelquefois au jardin :
la rose y est serrée avant la floraison,
sa puissance retenue
dans le poing du bourgeon.
Et qu'un jour tu te déploies ainsi
de la juste manière,
celle des pétales.
Tu
portes tes épaules comme une offrande,
sans admettre
qu'au moins il faudrait les couvrir.
Toutes tes églises sont au dehors,
elles te reçoivent, expliques-tu,
sans maudire ta beauté.
Havres
extrait 5
À
l’improviste,
on
croise des noms de lieux
au sens oublié,
on
les lit sans s’arrêter,
comme
des possibilités d’amour
laissées en cours de route.
Havres
extrait 4
Un
chemin neuf
n’est pas un chemin.
Rien
à raconter encore
de
l’usure des semelles,
de
l’ornière sous les roues
du
sceau des sabots,
de
la patine des pas,
rien
à apprendre encore
de la poussière du passage.
Havres
extrait 3
L’orage
soudain a tout deviné.
Il
fait un enclos
de
la chambre d’écriture,
et
la lampe ouvre l’œil.
Certains
mots, toujours les mêmes,
s’offrent
d’emblée.
On
les accueille sans lassitude,
puisqu’ils
abritent tous les autres.
Havres
extrait 2
Rester patient : se souvenir
qu’il y a longtemps,
pour franchir les déserts,
les dromadaires
ont remplacé les chevaux.
Havres
extrait 1
S’en remettre
aux bourrasques, à l’averse, aux branches,
pour faire tourner
dans le tambour entre les tempes
la grande lessive.
Sans chercher à compter les pétales tombés.
Les huiles de vidange de la solitude
me retombent dessus
Werner Lambersy
Rien à puiser dans les profondeurs, tout vibre à la surface du visible. On jouit alors de l'insolite ordinaire, on en recueille l'essence, peut-être le menu bagage d'une image à emporter, l'écho d'un son ténu, la trace à peine du passage d'un geste, l'effluve furtif d'un arbuste en fleurs, ou le goût discret d'une baie sous la dent. Les mots ensuite feront ce qu'ils pourront.
Quoi qu’on en dise…
Quoi
qu’on en dise,
on
se promène toujours un peu
sur
les chemins du langage :
roses
encore plus roses
dans
leurs noms de divas,
fleurettes
drapées dans leur latin,
et
colvert en col blanc.
Si l’on regarde le bourgeon…
Si
l’on regarde le bourgeon,
puis
la fleur, puis le fruit,
puis
le bourgeon, puis la fleur,
puis
le fruit,
on
ne craint plus de mourir.
Mais
cela prend du temps.
Cueillir le son du ricochet …
Cueillir
le son du ricochet,
puis
rêver
avec
les ronds dans l’eau
à
l’expansion de l’univers.
Mais oui…
Mais
oui,
rien
ne fait plus de bruit
que la neige :
les
enfants,
les pauvres et les poètes
en
ont déjà tant parlé !
On
a reposé le galet.
C’est
un regret.
Il avait
une forme de cœur imparfait,
mais,
après tout, comme tous les cœurs.
Marcher en ville, c’est aller d’îles en îles.
Il y en a de plus en plus. Singulières ou
regroupées en archipel, au relief visible
de loin ou fondu dans un halo d’ensemble,
elles ont fini par faire partie du paysage.
Petites terres le plus souvent tassées ou
allongées, toujours entourées de la même
eau de solitude : ce sont les sans-abri.
Marcher en ville, c’est naviguer d’îles en
îles, des îles adultes, des îles enfants.
On accoste un moment, les petites vagues
de la main tendue battent contre la coque
du cœur, elles s’avancent, se retirent.
Ou on double le cap, on évite les récifs,
Charybde et Scylla entre lesquels sombre
d’un coup ce qui parle en nous d’humanité.
D’îles sans nom en îles sans nom, carte muette
de la ville, et nos itinéraires de cabotage,
ou de grand large.
Il existe des matins de phrases toutes faites…
Il existe des matins de phrases toutes faites, allez savoir pourquoi.
On se lève avec elles.
Par exemple une phrase comme celle-ci :
les oiseaux décident de la couleur du ciel.
Ou celle-là :
la nuit est ronde dans l’œil du cheval.
Elles franchiront la journée,
dans la tête, sans que l’on ne sache qu’en faire.
Elles seront là au coucher.
On n’en aura rien fait.
Surtout pas le poème que pourtant elles annonçaient.
Ithaque.
Nous savons bien
qu’il en est d’innombrables.
Mais nous n’écouterons
que l’olivier,
vieil aède
au tronc perclus,
qui murmure encore le chant ancien.
IV
LA NUIT DU LIEU
La
reculée, la séculaire,
celle
dont le silence
nous
rapproche enfin
du
pleur des pierres.
p.59
I
La nuit à soi
Sous
le manteau
elle
garde clandestins
nos
disparus :
dans
la chambre
une
chaise vient de tomber,
et
le chat n'y est pour rien.
p.15