Née en 1951, Patrizia Runfola est morte brutalement en 1999, à l'âge de quarante-huit ans. Professeur à l Académie des Beaux-Arts de Brera, elle collaborait à de nombreuses revues et journaux italiens, mettait en oeuvre des catalogues d'expositions qui embrassaient les champs de l'art, de la photographie, du théâtre et, en général, des avant-gardes du XXe siècle. Elle a écrit de splendides essais critiques, par exemple sur Hugo von Hofmannsthal. Son activité et sa fantaisie se déplaçaient entre l Italie, la France et Prague, ville à laquelle elle a consacré plusieurs essais, dont Prague au temps de Kafka qui reparaîtra, en septembre 2002, à La Différence. Mais son chef-d’œuvre est, sans conteste, Leçons de ténèbres.
Prague, la ville des gens bizarres et des visionnaires, ce "cœur inquiet de la Mitteleuropa", comme l'écrivait le poète Oscar Wiener, où, si l'on en croit Robert Musil, "se rencontrent les axes ancestraux du monde", est un piège qui ne pardonne pas.
Il n'y a pas si longtemps, la longue silhouette de Franz Kafka s'allongeait comme une ombre à l'heure du crépuscule dans la solitude dépouillée des places inondées par la nuit.
- Je vois une ville au loin, est-ce celle dont tu parles ?
- C'est possible, mais je ne comprends pas que tu puisses distinguer une ville là-bas, je ne vois quelque chose que depuis que tu as attiré mon attention, et encore ce n'est guère plus que quelques contours dans le brouillard.