Peu importe ce que j’ai vécu, la vie m’invite à chaque instant. Est-ce que je la rejoins et qu’est-ce qui m’empêche de la rejoindre ?
Tout commence, recommence toujours : perpétuel avenir...
Se réjouir du printemps, de l'été, se réjouir également de l'automne, se réjouir tout autant de l'hiver, n'est-ce pas exister simplement en laissant à la rivière son intimité méritée?
Il faut apprendre à percevoir l'invisibilité qui sous-tend le visible.
Quand je parle du silence, je ne veux en rien m'exprimer sur un silence isolé, emmuré, centré surmoi seul; je veux ici parler d'un silence ouvert, disponible aux échos du monde, et que seul le pêcheur ressent à sa juste valeur.
Le monde moderne ennuie le moucheur, alors ce dernier s'échappe sans cesse. Pour fuir, mais non se fuir. Pour, d'urgence, redonner la suprématie à la nature sauvage, y cultiver le recueillement, le silence, se dégager de ses émotions, prendre le temps de réfléchir, de redécouvrir l'essentiel dans son existence. Et résonner et vibrer au chant du moulinet pour un poisson d'argent qui fuse.
Affranchi du conditionnement de la réussite, l'esprit de la pêche se révèle enchanteur lorsqu'il prodigue aux moucheurs la grâce de se rendre dignes de la rivière en vivant notamment une incroyable connivence avec elle.
Je confesse dialoguer régulièrement avec le Sioux Oglala Élan Noir lors de mes sorties de pêche, quand j'appelle l'abondance, interrogeant la piste qui me conduira aux salmonidés. Il y a des truites qui me tiennent en haleine jusqu'à la brunante au milieu de la rivière, tant par leur mouvement que par leur comportement. Par mes entrées en eau vive, je finis par purifier mon corps d'homme des villes ; je suis lavé. Je me perçois différemment ; je me sens homme naturel intégré au monde de la rivière. Je pêche sans pêcher vraiment. J'ai appris très tôt à me fondre, à me couler dans la prodigalité de la nature dans de véritables célébrations. À chaque fois, cette fête des sens me donne envie d'entrer dans des niveaux de conscience subtils où rien n'est séparé. Ma folle fierté : celle de tutoyer les frères Mac Lean dans leurs parties de jeu avec les molécules d'eau de la Blackfoot Rivière.
Il n’y a pas de vraie joie si on ne s’émerveille pas.
Courtiser ses rivières, tel est l'éveil écologique du moucheur!
La réalité poétique ne se dérobe pas à celui qui désire la rencontrer.
Saisir que la rivière à tout moment de la journée est la même et qu'elle est aussi toujours différente participe de la sagesse de la pêche.
Ce que tu donnes à la rivière est à toi pour toujours, ce que tu ne lui donnes pas est perdu à jamais.
Quelle serait notre humanité si nous étions davantage en amitié avec la terre?
il faut s'être trompé au moins soixante-dix-sept fois pour entrer dans le savoir avec la nature.
O combien est intéressante l'expérience de ne plus rien comprendre!
La sagesse est une vérité heureuse.
Vivre sa vie, c'est être prêt à partir.
D'emblée, je reconnais en moi une dépendance vitale vis-à-vis du silence.
Je reçois le silence, dans un corps à corps subtil où il me faut souvent lâcher prise.