Les dernières années du XVe siècle et le commencement du XVIe siècle furent pour Troyes et la Champagne méridionale une période de véritable renaissance. Les misères de la guerre de Cent ans et des luttes de Louis XI contre la Bourgogne avaient pris fin ; le pays jouissait d'une paix à peu près complète et il pouvait se refaire, après de si longues et de si dures souffrances. L'ardeur avec laquelle il se mit à l'oeuvre fut merveilleuse, et telle son activité, qu'en peu de temps la prospérité reparut.
L'école de Troyes est à ce moment très intéressante à suivre comme école provinciale originale et fortement constituée, et peut-être à ce seul point de vue méritait-elle une étude spéciale; mais il nous a semblé que cette étude pouvait avoir un intérêt plus général et que certains points même de l'histoire de la sculpture française, prise dans son ensemble, s'en trouveraient éclairés. Le commencement du XVIe siècle est en effet pour l'art de notre pays un moment critique : on se trouve à un « tournant » de son histoire, entre l'art traditionnel qui va disparaître et l'italianisme sur le point de s'implanter en la place.
Bien des chefs-d'oeuvre ont assurément péri dans les incendies allumés par la révolution, mais ceux qui subsistèrent, et c'était la majeure partie, demeurèrent au Japon; les objets pillés y trouvèrent amateurs; si quelques daïmios ruinés durent vendre, leurs compatriotes surent s'en approprier les trésors, car jamais le goût européen qui sévit un moment ne fit oublier à ces hommes de haute culture leur art traditionnel, et l'Europe ne reçut que ce qu'on voulait bien lui envoyer: ouvrages remarquables parfois, mais bien rarement capitaux, et le plus souvent aimable pacotille sans aucune prétention artistique aux yeux des japonais, quand, commerçants avisés, ils ne la fabriquaient pas spécialement à l'usage des barbares d'Occident.